Les diableries d’Éloi d’Amerval

Publié le 05/01/2022

Cette exemplaire de la troisième édition a été adjugé 13 500 €.

Ferri & Associés/Drouot

Dans Les Visiteurs du soir, le film de Marcel Carné, sorti en 1942, Jules Berry joue le rôle du Diable. Face à une cheminée devant laquelle semble rêver la jolie Marie Déa qui interprète Anne, il s’approche d’elle et lui dit avec un air sardonique : « Vous comprenez ce que je vous dis, je suis le Diable ». Et haussant la voix, poursuit : « Le Diable ! ». Cette affirmation jaillit, non pas comme une menace, mais comme une déclaration. Nous n’en avons jamais fini avec le Diable. Au début du XVIe siècle, un certain Éloi d’Amerval (vers 1465-1508), fit paraître un ouvrage qui lui est consacré, Le livre de la diablerie (Paris, Michel Le Noir, 1508). Après cette édition, plusieurs lui ont succédé les années suivantes, notamment celle imprimée à Paris, par Alain Loctrian (vers 1520), en lettres gothiques, orné de deux vignettes, séparées mais accolées. Un exemplaire de cette troisième édition, relié en veau fauve, le dos orné, a été adjugé 13 500 €, à Drouot, le 26 novembre dernier par la maison Ferri & Associés.

Dans cet ouvrage, un poème d’au moins 20 000 vers, écrit au moins dix ans avant sa parution, selon son auteur, Satan, vieux diable, explique le monde à Lucifer, jeune diablotin, et lui explique la manière de tromper et de duper autrui. Notamment comment entretenir la jalousie entre époux, afin de ruiner le sacrement de mariage. Les enfants, constate Amerval, sont les premières victimes des discordes conjugales, car les parents désunis ne s’inquiètent plus de nourrir leur famille et négligent de corriger leur progéniture quand elle le mérite. Selon l’expert de la vente, cette « deablerie » est « un des livres les plus intéressants du commencement du XVIe siècle, car il nous initie à grand nombre d’usages et de coutumes populaires de cette époque. L’auteur passe en revue tous les vices et défauts des hommes : commerçants, gens de métiers, hôteliers, bouchers, taverniers, apothicaires, juges, hommes de loi, moines ». Des libraires bien intentionnés publièrent des éditions fragmentaires des diverses parties de l’ouvrage, imprimées séparément sous les titres qu’elles portaient en tant que chapitres dans l’édition complète, comme : « Le Diable se moque des femmes qui n’osent filer le samedi après-midi ».

Cette diablerie, et ce n’en est pas une, contient dans le chapitre 68, le premier témoignage connu sur François Villon.

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