Chez les Surligneurs : E. Macron peut-il démissionner et se représenter ?
Emmanuel Macron pourrait-il démissionner pour se représenter ? Pas sûr, estiment les Surligneurs. Ils vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur Callogero. Est-il fondé à se plaindre qu’on diffuse sa musique dans les meetings RN ? Quant à Jordan Bardella, peut-il sortir du marché européen de l’électricité ?
Selon l’historien Marc Lazar, Emmanuel Macron pourrait démissionner puis se représenter à la présidentielle
Alors qu’une campagne électorale législative inattendue a commencé à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, les spéculations sont nombreuses. Certaines concernent le Président. L’historien et sociologue politique Marc Lazar avance que si le RN remportait les élections législatives et que Jordan Bardella devenait Premier ministre, Emmanuel Macron pourrait démissionner puis se représenter à l’élection présidentielle pour briguer un troisième mandat. Mais la Constitution interdit qu’un Président exerce plus de deux mandats consécutifs. Reste que cette notion de mandats consécutifs est sujette à interprétations.
La question revient régulièrement depuis la réélection d’Emmanuel Macron en 2022 : peut-il se présenter pour un troisième mandat consécutif en 2027 ? L’article 6 de la Constitution répond par la négative : “Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs”. Cette limitation a été introduite en 2008, mettant fin à la possibilité pour un Président de se présenter indéfiniment à sa succession.
Certains juristes entretiennent cependant un doute sur l’interprétation que l’on retient de l’expression “deux mandats consécutifs“. Faut-il comprendre un mandat complet, au sens où le Président doit avoir rempli ses deux mandats jusqu’à la tenue régulière de l’élection présidentielle suivante, pour être considéré comme ne pouvant plus se présenter ? Si c’est le cas, Emmanuel Macron pourrait démissionner avant la fin de son second mandat et se présenter à sa succession, comme si son mandat actuel n’avait jamais eu lieu puisqu’il n’a pas atteint son terme de cinq ans. À l’inverse, et c’est l’interprétation la plus répandue, Emmanuel Macron ayant été élu deux fois consécutivement, il ne pourrait pas se représenter à l’élection présidentielle suivante.
Rien ne lui interdit en revanche de briguer un troisième mandat non consécutif. Il pourrait se présenter à l’élection présidentielle de 2032 puisque la Constitution interdit seulement plus de deux mandats “consécutifs”.
Pour clarifier la question, la Constitution pourrait être précisée, à moins que le Conseil constitutionnel ne soit appelé à en fournir son interprétation, si d’aventure Emmanuel Macron essayait de se représenter lors d’une élection anticipée provoquée par sa démission, et qu’un recours était formé contre cette candidature. Le Conseil d’État peut également rendre un avis si le gouvernement le sollicite sur cette question.
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D’après Sébastien Chenu (député RN), Calogero devrait “être content” de voir sa musique diffusée dans les meetings du RN
Le chanteur Calogero s’est dit “scandalisé” par l’utilisation de sa chanson 1987 en clôture d’un meeting de Jordan Bardella ce dimanche 2 juin et n’exclut pas d’engager des poursuites contre le RN, affirmant qu’il s’oppose à toute récupération de ses chansons par quelque parti que ce soit. Au contraire, Sébastien Chenu, député RN, estime que l’artiste devrait “être content” de cette publicité tout en précisant que les droits d’auteur seraient réglés à la SACEM. Or, ce n’est pas suffisant.
En réalité il existe deux types de droits au profit d’un artiste : le droit patrimonial d’une part, le droit moral d’autre part (art. L111-1 cpi). Le premier droit est lié à l’exploitation de l’œuvre par différents procédés de reproduction ou de représentation, telle que la diffusion d’une musique dans un lieu ouvert au public et/ou lors d’un événement public, comme un meeting politique. Ce droit est généralement cédé pour en permettre l’exploitation, la majorité des auteurs-compositeurs de musique étant par ailleurs membres de la SACEM, société de gestion collective qui assure la défense de leurs intérêts et la perception des redevances qui leur sont dues. Il est donc exact que le RN est obligé de régler de telles sommes à la SACEM, si ce n’est pas déjà fait.
Cependant, l’autorisation de diffusion d’une œuvre dans le cadre de messages politiques ou autres ne dédouane pas du respect du droit moral de l’auteur, lequel a pour fonction de protéger la dimension purement intellectuelle et morale de sa création. Celle-ci ne doit subir aucune dénaturation sauf accord de l’auteur, quand bien même le droit de la diffuser aurait été dûment réglé ou le support acquis. Ainsi, la modification d’une œuvre dictée par des motifs politiques a pu être considérée comme une atteinte au droit moral. Il en va en théorie de même pour les atteintes à l’esprit de l’œuvre, sans modification matérielle de celle-ci, auxquelles Calogero fait référence.
En théorie, le droit moral de l’auteur peut encore être atteint lorsque son œuvre est diffusée ou utilisée sans avoir subi de modifications, mais dans un contexte qui en dénature le sens. La notion est donc plus subtile, voire très large, ce qui implique certaines limites : le respect de l’esprit de l’œuvre ne doit pas être le prétexte à des limitations excessives à la liberté d’expression. Il doit donc être apprécié le plus objectivement possible. Le plus souvent, les juges s’en tiennent à relever un “changement de destination de nature à altérer le message porté par l’œuvre”. Mais la recherche d’équilibre entre le respect de la pensée de l’auteur et la liberté d’expression est souvent difficile, et conduit à des solutions nuancées. Ainsi, le principe d’une autorisation spécifique demandée à l’auteur doit s’imposer, sauf à ce que l’utilisateur puisse bénéficier d’une exception prévue par le code.
Il reste bien sûr à savoir si la diffusion d’une œuvre dans un contexte politique est de nature à porter atteinte à son esprit. La jurisprudence avait déjà pu affirmer que la liberté des partis politiques (art. 4 Constitution) “n’implique pas l’exercice de ce droit en toute impunité et en s’affranchissant du respect des autres principes reconnus par les lois nationales dont celui absolu, inaliénable et imprescriptible du droit au respect de l’auteur d’une œuvre” (CA Versailles, 20 déc. 2001).
En somme, l’utilisation de la chanson de Calogero par le RN aurait dû être précédée d’une autorisation de sa part, en plus du paiement des droits à la SACEM. La seule association de l’œuvre à celle d’un parti politique peut être considérée comme une atteinte à l’esprit de son œuvre.
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Jordan Bardella souhaite sortir du marché européen de l’électricité
Jordan Bardella, président du RN, dévoile le programme de son parti pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Parmi ses propositions, sortir la France du marché européen de l’électricité. Une proposition qui se heurte à de nombreux obstacles juridiques et qui figurait déjà dans le programme présidentiel de Marine Le Pen en 2022.
Le marché intérieur de l’énergie de l’Union est fondé sur le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (arts. 114 et 194). Le règlement sur le marché intérieur de l’électricité adopté en 2019 en a modifié les règles. Le but affiché est de garantir son bon fonctionnement et sa compétitivité, mais aussi de soutenir la décarbonation du secteur énergétique de l’Union européenne, en supprimant les obstacles aux échanges transfrontaliers d’électricité et en permettant la transition vers une énergie propre. Le tout, au passage, en honorant les engagements pris lors de l’Accord de Paris sur le Climat. Or, aucun des textes européens ne permet à un État membre de se retirer du marché européen de l’énergie.
Deux voies légales existent pour faire échapper l’électricité à ce marché : d’abord convaincre le Parlement européen et une majorité d’États de réformer le système existant ou de négocier une dérogation pour la France. Cela nécessiterait un nombre suffisant d’alliés au sein de l’Union européenne pour soutenir la réforme et la faire voter. C’est ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal.
Autre possibilité ensuite, le retrait français de l’Union européenne, projet qui ne figure pas dans le programme du RN.
Une troisième voie existe : la désobéissance. Mais elle n’est pas légale. La France pourrait décider d’enfreindre en toute connaissance de cause le droit européen. La Commission européenne réagirait certainement en lançant des procédures d’infraction. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait alors intervenir avec pour conséquence ultime des sanctions financières pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros. Et si le gouvernement refuse de payer, la Commission pourra déduire cette amende des subventions qu’elle verse chaque année à la France. Mieux vaut donc négocier une dérogation sur le modèle espagnol, même si la désobéissance – le droit n’est pas incompatible avec le réalisme – peut aider dans cette négociation.
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Référence : AJU445436