Chez les Surligneurs : Que faire contre les chants homophobes durant les matchs ?
Malgré les consignes du ministre des Sports, on continue à entendre des chants homophobes dans les stades. Est-ce l’arsenal juridique qui est insuffisant ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur la possibilité ou non de sortir du marché européen de l’énergie, l’interdiction de la grève pendant les vacances scolaires et le soutien de Musk, via X, à Trump.
Chants homophobes : pourquoi les matchs continuent malgré les consignes du ministre ?
Le 19 octobre 2024, lors d’un match de ligue 1, des chants homophobes retentissent au Parc des Princes. Gil Avérous, ministre des Sports demande alors, en réaction, “d’appliquer strictement le protocole FIFA dès qu’il y a un chant homophobe” et d’arrêter tout match le cas échéant.
Deux semaines plus tard, aucun match n’a été interrompu malgré des chants homophobes entendus dans plusieurs stades. Alors, les instances sportives sont-elles plus fortes que leur ministère de tutelle ? Afin de pouvoir organiser des compétitions officielles et d’obtenir aussi des subventions publiques dans ce but, la Fédération française de football, comme toute autre fédération sportive, doit se voir accorder un agrément du ministère des Sports. L’agrément est délivré à la condition que la fédération adopte un règlement disciplinaire et souscrive à un contrat d’engagement républicain. Ce contrat engage la fédération à veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, notamment en cas de violences sexistes et sexuelles. La conformité à la loi du règlement disciplinaire est contrôlée par le ministre des Sports.
La Ligue du Football Professionnel agit sur délégation de la FFF dépend indirectement du ministère des Sports. Le ministre des Sports dispose ainsi de prérogatives lui permettant d’agir indirectement sur ce qu’il se passe dans les stades. Il peut notamment adresser un courrier d’injonction à la FFF en cas de non-respect des engagements liés à l’agrément. En cas de refus d’obtempérer, le ministre peut saisir le juge administratif afin de garantir le respect des textes, ou en dernier recours, retirer l’agrément donné par l’État à la fédération, comme le permet l’article R131-10 du Code du sport. Nul besoin d’aller si loin pour imposer l’arrêt des matchs cependant, les règlements de la FFF et de la LFP prévoient déjà l’arrêt des matchs à titre de sanction disciplinaire.
Les articles du règlement de la Ligue de Football Professionnel prévoient la défaite à titre de sanction durant le championnat de France de football. Les règlements disciplinaires de la FFF et de la LFP définissent explicitement les comportements racistes et discriminatoires comme sanctionnables.
L’arsenal juridique est donc là. Pourquoi, dès lors, ce règlement n’est-il pas appliqué ? Un cadre de la LFP sous anonymat nous révèle que “si l’on est pragmatique et qu’on applique systématiquement l’arrêt des matchs en cas de chants homophobes, il n’y aurait plus de matchs”. La question est en fait très complexe, tant les réactions des supporters à de telles sanctions peuvent conduire à une dégradation de la situation au lieu de l’améliorer.
De plus, interrompre un match au nom de l’ordre public pourrait présenter un risque grave de trouble à l’ordre public justement, vu les déplacements de supporters que cela implique et les dégâts qu’ils peuvent provoquer par frustration. Sans oublier la réticence des clubs vu les conséquences financières que cela implique. Selon les spécialistes interrogés, l’arrêt des matchs n’est pas la solution : mieux vaut privilégier le dialogue avec les supporters. Cette préférence pour le dialogue semble d’ailleurs partagée par la LFP qui met en place des ateliers et des journées de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, auprès des supporters, mais aussi des joueurs.
Pour les associations LGBT+, ces mesures sont insuffisantes, tout comme pour le collectif “Rouge Direct” et l’association Stop Homophobie, qui ont porté plainte contre la LFP et DAZN, diffuseur de la Ligue 1, pour “injures et incitation à la haine homophobes”.
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Le député RN Alexandre Loubet propose de se retirer du marché européen de l’énergie.
En commission des affaires européennes, Alexandre Loubet, député du Rassemblement national, a récemment interpellé le ministre délégué à l’Europe sur la hausse du prix de l’électricité, proposant une sortie des règles du marché européen de l’énergie pour fixer un tarif propre à la France. Cette proposition avait également été soutenue par Manon Aubry, élue de La France Insoumise, lors des élections européennes de 2024, bien qu’elle se heurte à des obstacles juridiques.
Le marché unique de l’énergie repose en effet sur le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, aux articles 114 et 194, renforcé en 2019 par un règlement sur le marché intérieur de l’électricité, qui vise à accroître la compétitivité et à faciliter la transition énergétique en Europe, conformément aux engagements de l’Accord de Paris de 2015. Or, les textes européens actuels ne permettent pas à un État de sortir de ce marché de manière unilatérale.
Une alternative pourrait consister à négocier une dérogation, comme l’exception obtenue par l’Espagne et le Portugal pendant la crise énergétique, leur ayant permis de plafonner temporairement le prix du gaz. Autre solution plus radicale encore, un retrait complet de l’Union européenne permettrait à la France de ne plus avoir à appliquer ces règles, mais ce n’est plus d’actualité dans le programme politique du Rassemblement national.
Précisons enfin, qu’une “désobéissance” aux règles européennes pourrait exposer la France à des sanctions financières, la Commission européenne pouvant en dernier recours infliger des amendes, et les prélever directement sur les fonds européens alloués à la France.
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Peut-on interdire la grève pendant les vacances scolaires, comme le demande Eric Ciotti ?
Éric Ciotti a proposé d’interdire la grève dans les transports pendant les vacances scolaires, en s’inspirant d’une loi italienne. La mesure, déjà défendue l’année dernière par Véronique Besse, viserait à garantir aux voyageurs la liberté d’aller et venir, un droit à valeur constitutionnelle en France, et de préserver la continuité des services publics, un autre principe constitutionnel. Cependant, le droit de grève étant également protégé par la Constitution, une telle interdiction serait probablement jugée disproportionnée.
Actuellement, seules certaines professions sont privées du droit de grève en France, comme les soldats et gendarmes, les policiers ou encore les magistrats de l’ordre judiciaire. Les personnels du secteur des transports entreraient-ils dans la catégorie définie par le Conseil constitutionnel comme celle des “agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays” ? Cela paraît peu probable.
Les périodes de vacances scolaires couvrent environ 20 semaines par an. Étant donné qu’un employé du secteur des transports travaille 47 semaines par an (hors congés), interdire la grève sur une telle durée pourrait être jugé disproportionnée.
D’autre part, le calendrier scolaire, orienté principalement vers le repos des enfants, ne concerne pas tous les Français. La liberté d’aller et venir des familles n’est pas plus légitime – ni moins d’ailleurs – que celle des personnes voyageant hors période de vacances scolaires. Or la proposition d’Éric Ciotti ne protège que la liberté d’aller et venir des familles. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs souligné que la définition de ce calendrier relève du gouvernement, qui pourrait le modifier pour d’autres impératifs comme les compétitions sportives.
Une option plus réaliste pourrait être un aménagement la loi du 21 août 2007, qui impose aux agents de transports de se déclarer 48 heures avant une grève, afin d’apporter davantage de prévisibilité sans recourir à une interdiction stricte.
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Elon Musk avait-il le droit d’utiliser la plateforme X pour tenter d’influer sur la campagne de Donald Trump ?
Elon Musk, PDG de Tesla et de la plateforme X, a joué un rôle majeur dans la campagne de Donald Trump, en le soutenant financièrement, médiatiquement et en utilisant X pour diffuser massivement des contenus pro-Trump, y compris des informations erronées. Cette initiative soulève la question de la légitimité d’une telle utilisation de X pour influencer une élection.
Aux États-Unis, le premier amendement protège la liberté d’expression. Par une décision historique du 19 juin 2017, la Cour Suprême des États-Unis a considéré à l’unanimité que les réseaux sociaux bénéficiaient de la protection du premier amendement, les plateformes comme X représentant des espaces essentiels à l’exercice de la liberté d’expression. La constitution limite bien la liberté d’expression dans le cadre des discours incitant à la violence imminente, l’obscénité ou encore la désinformation, mais la conception libertarienne du premier amendement semble prédominer.
En tant qu’entité privée, X bénéficie de la section 230 du Communications Decency Act de 1996, qui protège les plateformes contre les poursuites pour les contenus publiés par leurs utilisateurs. Cette immunité permet une modération quasi-illimitée, bien que X reste soumis à certaines lois fédérales, notamment si ses actions sont considérées comme des contributions en nature ou un abus de position dominante.
Une autre décision de justice, Prager University v. Google LLC, renforce ce droit des entreprises privées, affirmant que YouTube, comme X, peut modérer ses contenus sans être soumis au premier amendement. Mais le débat est loin d’être terminé. Récemment, la Cour suprême s’est divisée à propos de deux lois votées au Texas et en Floride qui visaient à contraindre les réseaux sociaux à diffuser sans discrimination tous les messages politiques postés par leurs utilisateurs. L’affaire n’a pas encore été tranchée sur le fond, mais les opinions des juges de la Cour suprême sont divergentes. Une majorité de juges estime bien que “le gouvernement ne peut s’immiscer dans les choix de modération des plateformes” mais une minorité dissidente soutient l’inverse.
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Référence : AJU482680