Seine-Saint-Denis (93)

Sevran mise sur la terre, un matériau d’avenir

Publié le 19/10/2020

Baptisée « Cycle Terre », une fabrique de matériaux en terre crue sera bientôt opérationnelle dans la ville de Sevran, en Seine-Saint-Denis (93). Ce projet, qui s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire, vise à réutiliser les terres excavées des chantiers du Grand Paris pour les transformer en matériaux de construction. Une première mondiale.

Après un retard dû à la pandémie mondiale de Covid-19, les travaux de la première fabrique de matériaux en terre crue ont pu démarrer en juillet dernier. Il aura fallu trois ans pour que ce projet puisse voir le jour. Comme l’indique le communiqué de presse, « cette fabrique produira en circuit court local, une gamme de matériaux géosourcés comme des panneaux d’argile, des briques de terre crue ou des enduits. Elle contribuera au développement de l’économie locale et créera de nouveaux emplois notamment via un projet ambitieux de formation ».

Silvia Devescovi est cheffe de projet à la ville de Sevran et coordonne l’ensemble du partenariat. « Nous avons adopté une gouvernance horizontale qui implique tout le monde ». Avec 12 partenaires, la fabrique Cycle Terre réunit de façon inédite aussi bien des collectivités, des architectes, que des centres de recherche. Sont ainsi membres du projet : la Ville de Sevran, Grand Paris aménagement, ANTEA Groupe, la société du Grand Paris, Quartus, Joly & Loiret, Compétences emploi, l’université Gustave Eiffel, Sciences Po, CRAterre, AE&CC, Amàco et le groupe ECT.  Les financements proviennent d’Actions innovatrices urbaines, une initiative européenne qui soutient la mise en œuvre de solutions innovantes par les collectivités. « Nous avons répondu à un appel à projet suite à une exposition-expérimentation : Terres de Paris, de la matière aux matériaux,  proposée par l’agence Joly & Loiret et Amàco en 2016, au Pavillon de l’Arsenal à Paris et visant à réemployer les déblais de terres inertes du Grand Paris. Ils démontraient qu’il était possible de construire avec de la terre en Île-de-France, mais il manquait un dispositif opérationnel ».

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La terre, un intérêt économique et écologique

Tous les travaux d’aménagement produisent des déchets qui doivent être gérés par les collectivités. Que faire de toutes ces tonnes de remblais inutilisés ? C’est bien le but de Cycle Terre que d’apporter une réponse dans laquelle les intérêts économiques et les intérêts écologiques se rejoignent. « La ressource est en effet directement disponible en abondance, sans avoir à aller chercher du sable à des milliers de kilomètres », poursuit Silvia Devescovi. « Nous faisons des économies dans le coût de transport, on valorise ce qui est à la base une nuisance pour le territoire. Nous produirons de la valeur localement qui sera ensuite revendue dans un rayon restreint, défini d’un point de vue environnemental ». Selon les premières estimations, ce périmètre s’étendra à 40 km autour de Sevran pour un bilan carbone le plus bas possible.

En six semaines, le projet a été monté. La mairie de Sevran se montre enthousiaste tout de suite. Après la dépollution du site Kodak au début des années 2000, la ville avait en effet subi un ballet incessant d’allers et retours de camions. Aujourd’hui, la seule gare de Sevran-Livry produira 120 000 tonnes de terres excavées. La fabrique Cycle Terre propose de tester une solution vertueuse pour acheminer et utiliser les déchets autrement, tout en économisant du foncier et des terres agricoles.

Le bâtiment qui doit accueillir la fabrique a également été pensé comme une œuvre architecturale, pour embellir la zone. L’acoustique, pour réduire les nuisances sonores, a été un enjeu prioritaire.

La vente des matériaux produits par la fabrique devrait débuter à la rentrée 2021. La finalisation des dossiers auprès du Centre scientifique technique du bâtiment est en cours. Seule la terre non polluée sera utilisée. En cas de doute, la méthodologie de levée de doute pollution (LEVE) sera appliquée.

Sevran mise sur la terre, un matériau d’avenir
©amàco

« Un modèle enrichissant »

Comme le souligne Silvia Devescovi, les collectivités locales ont moins l’habitude de travailler avec des laboratoires de recherche. « C’est un modèle enrichissant », constate-t-elle. « On sort des sentiers battus. Les collectivités ne sont pas toujours à la pointe en matière d’innovation, notamment pour la gouvernance. J’étais surprise de la rapidité de l’ensemble du partenariat pour identifier les obstacles et les contourner pour avancer. Les chercheurs ont l’habitude de trouver d’autres possibilités. Il n’y a pas un seul mode opératoire : si le premier ne fait pas ses preuves, on le remet en question. Cela peut mener plus facilement à l’innovation ».

Aujourd’hui, la fabrique Cycle Terre prévoit de créer 15 emplois directs, mais d’autres, dans le secteur du BTP, devraient s’ajouter. Pour exploiter les matériaux produits par la fabrique, Silvia Devescovi estime les besoins à hauteur de 20 à 30 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires chaque année.

Grâce à ce nouveau secteur économique pour la ville de Sevran, de nouveaux profils de métiers vont pouvoir émerger. « Des profils éloignés de l’emploi », poursuit la coordinatrice. « Nous avons formé 12 personnes au RSA l’année dernière et aujourd’hui elles travaillent toutes. Pas toutes dans la terre crue, mais toutes dans le BTP. Cette formation les a boostées. Petit à petit, ces personnes vont faire leur chemin. C’est un essai réussi » !

Si la proportion de terres effectivement recyclées peut paraître faible (7 000 tonnes par an alors que les déblais produits par les chantiers en Île-de-France d’ici 2030 sont estimés à 500 millions de tonnes), l’objectif est de montrer qu’un tel dispositif fonctionne à l’échelle locale et que d’autres territoires peuvent à leur tour construire leur propre fabrique. « Le but est d’avoir plein de petites unités de production sur des petites surfaces. À Sevran, nous occupons moins de 3000 m². C’est une intégration facile à l’urbain ».

LPA 19 Oct. 2020, n° 157c1, p.7

Référence : LPA 19 Oct. 2020, n° 157c1, p.7

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