Chronique de droit de l’énergie (Juillet 2018 – Juin 2019)

Publié le 12/11/2019

La présente chronique, couvrant la période de juillet 2018 à juin 2019 se consacre, une fois n’est pas coutume, exclusivement à l’actualité textuelle, qui a été très dense. Dans ce cadre, le droit de l’Union européenne est particulièrement mis à l’honneur, du fait de l’importance du paquet « Énergie propre », dont la plupart des textes ont été adoptés durant la période couverte par la présente chronique, et qui conduit à renouveler largement le droit de l’Union dans le domaine de l’énergie. Rappelons que, dans sa communication du 30 novembre 2016 intitulée « Une énergie propre pour tous les Européens », la Commission européenne annonçait un train de réformes connu sous le nom de paquet « Énergie propre ». Partant du postulat que l’atteinte des engagements pris par l’Union européenne dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat dépend, « dans une large mesure, de la réussite de la transition vers un système d’énergie propre », et que cette transition doit profiter à tous les Européens, la Commission visait, par le train de mesures qu’elle proposait dans cette communication, « à accélérer, modifier et consolider la transition de l’économie de l’Union européenne vers une énergie propre et, ce faisant, à créer de l’emploi et à générer de la croissance dans de nouveaux secteurs économiques et de nouveaux modèles d’entreprise ». Pour ce faire, les trois grands objectifs poursuivis par le paquet « Énergie propre » sont de privilégier l’efficacité énergétique (energy efficiency first), de parvenir au premier rang mondial dans le domaine des énergies renouvelables, et d’adopter des mesures équitables pour le consommateur. L’ampleur des propositions faites par la Commission était telle qu’elle appelait tantôt une révision, tantôt une refonte, de la plupart des textes-phares du droit de l’Union dans le domaine de l’énergie. L’adoption, en l’espace de quelques mois, de l’ensemble des textes formant le paquet « Énergie propre » en fait le paquet législatif le plus dense adopté jusqu’à présent par les institutions européennes dans le domaine de l’énergie. Après l’adoption en mai 2018 de la directive révisée sur la performance énergétique des bâtiments, commentée dans la précédente livraison de cette chronique, ce sont les sept autres textes formant le paquet « Énergie propre » qui ont été adoptés par deux vagues successives, la première le 11 décembre 2018, la seconde le 5 juin 2019.

Le droit interne de l’énergie a également connu de nombreuses évolutions. Dans l’attente de l’adoption de la loi Énergie et climat, qui était en discussion au Parlement lors de la rédaction de ces lignes, ce sont d’autres lois, non dédiées spécifiquement à l’énergie, qui ont été adoptées durant la période couverte par cette chronique et qui ont conduit à de nombreuses réformes. Parmi elles, méritent notamment d’être mentionnées, en employant leurs acronymes, les lois ESSOC, ÉLAN et PACTE, adoptées respectivement en août 2018, novembre 2018 et mai 2019.

I – Les sources européennes du droit de l’énergie

A – Paquet « Énergie propre » : le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat

Règl. n° 2018/1999 du PE et du Cons., 11 déc. 2018, sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat. Au-delà de la révision ou de la refonte des règles matérielles applicables à divers aspects du droit de l’Union dans le domaine de l’énergie, ce sont aussi, plus fondamentalement peut-être, les modes de gouvernance qui ont été repensés dans le cadre du paquet « Énergie propre ». Manifestant la volonté de bâtir une « union de l’énergie » plus intégrée, le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et du climat du 11 décembre 2018 vise à mettre en place une gouvernance à la fois mieux coordonnée et plus efficace, tout en favorisant la transparence, la cohérence et la surveillance. Tout en offrant à certains égards plus de liberté aux États membres, le règlement institue des mécanismes de contrôle placés entre les mains de la Commission européenne en vue d’assurer que les objectifs fixés par l’Union européenne seront atteints. Le but premier tient en effet à la réalisation des objectifs du cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, particulièrement en matière de gaz à effet de serre, d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, présentés comme la condition sine qua non de la réalisation par l’Union européenne de ses engagements au titre de l’Accord de Paris sur le climat. Mais l’objet de cette gouvernance va plus loin, et couvre l’ensemble des dimensions de l’union de l’énergie, telles qu’elles ont été formulées depuis 2015 par la Commission européenne (sécurité énergétique ; marché intérieur de l’énergie ; efficacité énergétique ; décarbonisation ; recherche, innovation et compétitivité). Le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie contribue ainsi à développer une approche globale du secteur de l’énergie, dépassant l’approche ciblée des autres instruments européens. Plus prosaïquement, cette nouvelle gouvernance vise aussi à rationaliser l’action administrative, en rassemblant des éléments auparavant disséminés dans de multiples plans distincts que les États membres devaient notifier à la Commission européenne. Le premier considérant du règlement résume ainsi son ambition : « le présent règlement définit le fondement législatif nécessaire à une gouvernance fiable, inclusive, efficace au regard des coûts, transparente et prévisible de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat qui garantisse la réalisation des objectifs généraux et des objectifs spécifiques de l’union de l’énergie tant à l’horizon 2030 qu’à plus long terme, conformément à l’accord de Paris de 2015 sur les changements climatiques (…), en assurant la complémentarité, la cohérence et l’ambition des efforts déployés par l’Union et ses États membres, tout en limitant la complexité administrative ». Cette gouvernance repose sur plusieurs instruments : des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat, des stratégies à long terme, ainsi que des rapports d’avancement nationaux au regard de la mise en œuvre des plans et un suivi de la Commission européenne.

Le socle de ce nouveau mode de gouvernance est constitué par les « plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat » que chaque État membre doit élaborer et faire parvenir tous les 10 ans à la Commission européenne, le premier d’entre eux couvrant la période 2021-2030. Une trame de ces rapports est précisément définie par le règlement, afin de faciliter l’analyse et la comparaison des plans nationaux. Ils ont pour objet principal de fixer les objectifs des États membres au regard de chacune des dimensions de l’union de l’énergie – déclinés en « objectifs généraux, objectifs spécifiques et contributions des États membres » – et de présenter les politiques et mesures qu’ils planifient en vue de les atteindre. Schématiquement, les plans nationaux doivent :

  • Pour la dimension « décarbonisation » : mentionner les objectifs spécifiques des États membres en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et déterminer leur contribution nationale à la réalisation de l’objectif spécifique de développement des énergies renouvelables fixé au niveau de l’Union (32 % en 2030), sous la forme de la part d’énergie de l’État membre produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 20301 ;

  • Pour la dimension « efficacité énergétique » : déterminer la contribution indicative nationale en vue de réaliser l’objectif spécifique d’efficacité énergétique fixé au niveau de l’Union d’au moins 32,5 % d’ici à 2030 ;

  • Pour la dimension « sécurité d’approvisionnement énergétique » : préciser les objectifs nationaux relatifs à la diversification des sources d’énergie et l’approvisionnement en provenance de pays tiers, à la flexibilité du système énergétique national et à la gestion des crises d’approvisionnement ;

  • Pour la dimension « marché intérieur de l’énergie » : préciser le niveau d’interconnexion électrique visé par l’État membre pour 2030 par rapport à l’objectif spécifique d’au moins 15 % d’interconnexion électrique pour 2030, les principaux projets d’infrastructures de transport d’électricité et de gaz, et les objectifs généraux nationaux relatifs aux autres aspects du marché intérieur de l’énergie (par exemple, sur la formation des prix sur le marché, les réseaux intelligents, le stockage, etc.) ;

  • Pour la dimension « recherche, innovation et compétitivité » : préciser les objectifs nationaux et les montants nationaux de financement de la recherche et de l’innovation dans le secteur public et éventuellement privé en lien avec l’union de l’énergie.

Les plans doivent ensuite détailler les politiques et mesures nationales relatives à chacun de ces aspects. L’un des éléments-phares de ces plans nationaux est donc la liberté laissée aux États membres de fixer eux-mêmes leurs objectifs et contributions nationaux à la réalisation des objectifs fixés au niveau de l’Union, en particulier en matière de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. À l’image des règles internationales issues de l’Accord de Paris sur le climat2, une approche bottom up est ainsi retenue, dans le cadre de laquelle il revient aux États membres de fixer eux-mêmes leurs objectifs et les moyens de les atteindre, en lieu et place d’une démarche plus autoritaire consistant à fixer, par le haut, des objectifs imposés aux États membres. Une certaine souplesse est ainsi consacrée, permettant de prendre en compte les spécificités nationales et la liberté des États de déterminer leur bouquet énergétique.

La marge de manœuvre des États membres est cependant encadrée, afin que la liberté qui leur est offerte ne mette pas en péril l’atteinte des objectifs fixés au niveau de l’Union. C’est pourquoi les États membres doivent, lorsqu’ils établissent leurs objectifs et contributions nationaux, prendre en compte les objectifs globaux définis au niveau de l’Union, et le fait que la Commission européenne dispose de différentes prérogatives. La Commission est ainsi chargée d’évaluer les projets de plans nationaux et a la possibilité de formuler à cette occasion des recommandations, notamment sur le niveau d’ambition affiché si celui-ci paraît insuffisant. Elle peut en particulier émettre « des recommandations demandant aux États membres dont les contributions sont insuffisantes à ses yeux d’accroître leur niveau d’ambition en vue d’assurer un niveau suffisant d’ambition collective » (art. 31). Les États intéressés doivent alors en tenir « dûment compte », sauf à devoir fournir et publier les justifications de leur décision de ne pas donner suite auxdites recommandations.

La Commission doit ensuite évaluer régulièrement les progrès accomplis par les États membres en vue d’atteindre leurs objectifs et contributions nationaux, à l’appui notamment des « rapports d’avancement nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat » que ceux-ci doivent lui transmettre tous les 2 ans, et qui doivent exposer les progrès accomplis dans les cinq dimensions de l’union de l’énergie et en particulier dans la réalisation des objectifs et contributions énoncés dans le plan national. Si les progrès paraissent insuffisants, la Commission peut alors leur adresser des recommandations dont ils doivent tenir compte, sauf à devoir, de nouveau, se justifier. Un dialogue, de plus grande ampleur que par le passé, est ainsi instauré entre la Commission européenne et les États membres. On relèvera à cet égard que la France a transmis son projet de plan national pour la période 2021-2030 et que la Commission a émis ses recommandations en vue de la finalisation du plan dont, conformément au règlement, la France doit tenir dûment compte3. Les recommandations portent notamment sur les niveaux d’ambition (en matière d’énergies renouvelables et de réduction de la consommation d’énergie primaire, par exemple) et invitent à détailler davantage certains objectifs et mesures (notamment en matière de sécurité énergétique, d’interconnexion, de compétitivité des marchés et de progression vers des prix basés sur le marché, de lutte contre la précarité énergétique…).

Le règlement prévoit que les États membres doivent également établir des « stratégies à long terme », sur 30 ans minimum. La Commission européenne elle-même doit adopter une stratégie de long terme. Ces stratégies doivent toutes contribuer au respect des engagements pris par l’Union et les États membres au titre de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de renforcer les absorptions par les puits de gaz à effet de serre, ainsi qu’à la mise en place d’un système énergétique à haute efficacité énergétique et fondé sur les énergies renouvelables4.

B – Paquet « Énergie propre » : les nouvelles directives sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables

Dir. n° 2018/2002 du PE et du Cons., 11 déc. 2018, modifiant la dir. n° 2012/27/UE, relative à l’efficacité énergétique ; Dir. n° 2018/2001 du PE et du Cons., 11 déc. 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Parallèlement au règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, deux autres textes ont été adoptés le 11 décembre 2018, à savoir la directive relative à l’efficacité énergétique et la directive relative aux énergies renouvelables.

S’agissant, en premier lieu, de l’efficacité énergétique, il convient de rappeler que la vocation première du paquet « Énergie propre » est d’accélérer la transition de l’Union européenne vers une économie décarbonée et que, dans ce contexte, l’idée s’est imposée d’accorder une priorité à l’efficacité énergétique (energy efficiency first). Le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie formule d’ailleurs un « principe de primauté de l’efficacité énergétique », qui implique « de prendre le plus grand compte, lors de la planification énergétique et des décisions concernant la politique et les investissements en matière d’énergie, des mesures d’efficacité énergétique alternatives efficaces du point de vue des coûts visant à rendre l’offre et la demande d’énergie plus efficientes, en particulier moyennant des économies d’énergie rentables au stade final, des initiatives de participation active de la demande et une conversion, un acheminement et une distribution plus efficientes de l’énergie, qui permettent tout de même d’atteindre les objectifs de ces décisions » (art. 2, 18°). Dit plus simplement, « l’efficacité énergétique doit être prise en compte chaque fois que sont prises des décisions concernant la planification du système énergétique ou le financement. Il convient de réaliser des améliorations de l’efficacité énergétique chaque fois qu’elles s’avèrent plus efficaces au regard des coûts que des solutions équivalentes au niveau de l’offre (afin de) contribuer à tirer parti des multiples avantages qu’offre l’efficacité énergétique pour l’Union »5.

Sans opérer de refonte, la directive n° 2018/2002 modifie la directive n° 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique en vue de la mettre en accord avec le cadre d’action à l’horizon 2030. Quant aux objectifs, après avoir envisagé un objectif de 27 % d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 20306, c’est finalement un objectif plus ambitieux de 32,5 % qui a été retenu, la directive précisant en outre que la Commission européenne devra réévaluer cet objectif au plus tard en 2023 pour, le cas échéant, le revoir à la hausse ou à la baisse en cas de baisse des coûts ou si cela s’avère nécessaire pour respecter les engagements internationaux pris par l’Union en matière de décarbonisation (art. 1er). Cet objectif, fixé au niveau de l’Union, ne conduit cependant pas à la détermination d’objectifs contraignants pour les États membres, et n’est pas même contraignant au niveau de l’Union. Les États membres doivent fixer eux-mêmes leur contribution indicative nationale dans le cadre de leur plan national intégré en matière d’énergie et de climat.

Pour atteindre cet objectif, la directive maintient les dispositifs considérés comme les plus centraux de la directive n° 2012/27/UE : elle étend ainsi l’obligation annuelle d’économies d’énergie prévue par son article 7 pour la période 2021-2030, texte qui impose aux États membres d’atteindre un certain volume d’économies d’énergie chaque année, en ayant de préférence recours pour cela à des mécanismes d’obligations en matière d’économies d’énergie, à l’image du dispositif français des certificats d’économies d’énergie, tout en laissant aux États membres la liberté de recourir à des mesures alternatives de politique publique. De ce point de vue, les équilibres antérieurs ne sont pas modifiés, la souplesse qui caractérise le système mis en place dès la directive de 2012 étant maintenue, la directive du 11 décembre 2018 modifiant en revanche les règles relatives au calcul des économies d’énergie. Elle renforce par ailleurs l’information des consommateurs, afin qu’ils puissent, dans la mesure du possible, connaître leur consommation réelle d’énergie, non seulement en matière d’électricité et de gaz naturel, mais encore en matière de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire. Elle impose également aux États membres de disposer de règles nationales transparentes et accessibles sur la répartition des coûts du chauffage, des systèmes de climatisation et d’eau chaude dans les copropriétés équipées d’installations collectives.

S’agissant, en second lieu, des énergies renouvelables, la directive n° 2018/2001 opère une refonte des dispositions antérieures. Elle entérine l’objectif d’atteindre en 2030 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l’Union, avec une clause de révision à la hausse en 2023. La Commission européenne devra en effet réévaluer cet objectif en vue de présenter d’ici 2023 une éventuelle proposition législative visant à augmenter cet objectif « en cas de nouvelle baisse sensible des coûts de la production d’énergie renouvelable, si cela est nécessaire afin de respecter les engagements internationaux pris par l’Union en matière de décarbonisation, ou si une diminution importante de la consommation d’énergie dans l’Union justifie cette augmentation » (art. 3). Conformément à la nouvelle approche précédemment présentée, les États membres ne font plus l’objet d’objectifs contraignants de développement des énergies renouvelables. Il leur appartient de déterminer leur contribution dans le cadre de leur plan national intégré en matière d’énergie et de climat tel que régi par le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat. Contrairement à l’objectif fixé en matière d’efficacité énergétique, l’objectif en matière de développement des énergies renouvelables se veut en revanche contraignant au niveau de l’Union.

La directive se concentre notamment sur les mesures de soutien public, sans cependant opérer de révolution, tant elle se situe dans la continuité des lignes directrices de la Commission européenne sur les aides d’État à l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020, qui visaient déjà à amener « les États membres à atteindre leurs objectifs liés au climat à l’horizon 2020, tout en remédiant aux distorsions du marché qui peuvent résulter des subventions accordées aux énergies renouvelables »7. La directive en reprend les enseignements en prévoyant qu’en « vue d’atteindre ou de dépasser l’objectif de l’Union établi à l’article 3, § 1, et la contribution de chaque État membre à la réalisation de cet objectif fixée au niveau national aux fins du déploiement de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, les États membres peuvent mettre en place des régimes d’aides » (art. 4), lesquels doivent cependant constituer « une incitation à l’intégration de l’électricité produite à partir de sources renouvelables au marché de l’électricité ». Ils doivent être conçus de manière à assurer une « intégration optimale de ce type d’électricité sur le marché de l’électricité », et, à cette fin, « en ce qui concerne les régimes de soutien direct des prix, l’aide est accordée sous la forme d’une prime de marché » (et non d’une obligation d’achat), sous réserve des petites installations et des installations de démonstration qui peuvent être exemptées de ces conditions. La directive prévoit en outre la possibilité – et non l’obligation – pour les États membres d’ouvrir le bénéfice de leurs régimes d’aide aux producteurs d’électricité produite à partir de sources renouvelables d’autres États membres8, ainsi que la possibilité pour deux ou plusieurs États membres de mettre en place des régimes d’aide communs (art. 5 et 13).

La directive insiste par ailleurs sur la nécessité de procédures administratives simples et efficaces, qui doivent en toute hypothèse être « proportionnées, nécessaires et conformes au principe de primauté de l’efficacité énergétique » (art. 15), ainsi que sur l’opportunité de guichets uniques ayant vocation à guider les demandeurs et à faciliter les procédures administratives (art. 16). Surtout, la participation des citoyens au développement des énergies renouvelables constitue un axe fort de la directive, qui consacre de nombreuses dispositions à l’autoconsommation et aux « communautés d’énergie renouvelable »9. De manière générale, et afin d’encourager le développement de l’autoconsommation, « les autoconsommateurs d’énergies renouvelables ne devraient pas être exposés à des coûts ou à des charges disproportionnés ou discriminatoires ni à des frais injustifiés. Il y a lieu de tenir compte de leur contribution à la réalisation de l’objectif en matière de climat et d’énergie et des coûts et avantages qu’ils engendrent dans le système énergétique en général » (cons. 68). La directive définit les autoconsommateurs d’énergies renouvelables, en distinguant à certains égards – comme le fait d’ores et déjà le droit interne – ceux agissant de manière individuelle et ceux agissant de manière collective10, et prévoit que les États membres doivent garantir que les autoconsommateurs d’énergies renouvelables, à titre individuel ou par l’intermédiaire d’agrégateurs, sont autorisés à produire, consommer, stocker et vendre la production excédentaire, le tout sans devoir supporter de charges discriminatoires ou disproportionnées, ou être exposés à des frais d’accès au réseau qui ne reflètent pas les coûts. Les États doivent également garantir qu’ils sont autorisés à percevoir, y compris via des régimes d’aide, pour l’électricité qu’ils produisent et injectent sur le réseau, une « rémunération qui reflète la valeur de marché de cette électricité et qui peut tenir compte de la valeur à long terme de cette électricité pour le réseau, l’environnement et la société » (art. 21). Les États sont, plus généralement, invités à développer un cadre favorable à la promotion de l’autoconsommation. Les bénéfices résultant du développement des « communautés d’énergie renouvelable » sont également vantés : « la participation des populations locales et des autorités locales à des projets en matière d’énergie renouvelable par l’intermédiaire de communautés d’énergie renouvelable a apporté une grande valeur ajoutée sur le plan de l’acceptation de l’énergie renouvelable à l’échelle locale et a permis l’accès à davantage de capital privé » (cons. 70). La directive insiste dès lors sur la nécessité de permettre à ces communautés d’entrer en concurrence avec les autres producteurs, de sorte qu’elles doivent notamment pouvoir bénéficier des régimes d’aides « sur un pied d’égalité » avec les autres acteurs du marché (art. 22). Les États doivent, ici encore, veiller à ce que les communautés d’énergie renouvelable soient autorisées à produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, ainsi qu’à partager, au sein de la communauté, l’énergie produite, et à accéder à tous les marchés de l’énergie pertinents directement ou par agrégation d’une manière non discriminatoire (art. 22).

La directive vise également à renforcer l’intégration des énergies renouvelables dans les secteurs du chauffage et du refroidissement, tout comme dans le secteur des transports. Elle se penche aussi longuement sur les critères de durabilité. Elle étend leur champ d’application aux combustibles issus de la biomasse (alors qu’ils concernaient auparavant les seuls biocarburants et bioliquides). Les critères eux-mêmes sont retouchés, notamment en vue de limiter le niveau de production de biocarburants ou bioliquides susceptibles d’être réalisés à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale, ou pour ajouter des exigences positives afin d’assurer que la biomasse forestière soit exploitée dans des conditions plus durables et d’éviter les risques de surexploitation.

C – Paquet « Énergie propre » : règlements et directive sur les marchés de l’électricité

Dir. n° 2019/944 du PE et du Cons., 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la dir. n° 2012/27/UE ; Règl. n° 2019/943 du PE et du Cons., 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité ; Règl. n° 2019/941 du PE et du Cons., 5 juin 2019, sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive n° 2005/89/CE ; Règl. n° 2019/942 du PE et du Cons., 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie. 10 ans après le 3e paquet « Énergie » qui a apporté une contribution significative à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur de l’électricité, le paquet « Énergie propre » se penche, une nouvelle fois, sur la question du bon fonctionnement de ce marché. Cependant, alors que le 3e paquet « Énergie » se concentrait très largement sur les questions relatives à la séparation des activités, à l’indépendance des gestionnaires de réseaux et à l’accès non discriminatoire aux réseaux, ces questions ne font l’objet que de quelques retouches à l’occasion du paquet « Énergie propre » (par exemple du fait de l’inclusion des activités de stockage d’énergie dans le champ de la directive ou encore pour préciser les tâches des gestionnaires de réseaux en matière de gestion des données), les équilibres posés en 2009 n’étant pas remis en cause. En revanche, diverses évolutions intervenues durant ces 10 dernières années justifiaient que les textes majeurs en la matière, en particulier la directive et le règlement sur le marché intérieur de l’électricité, soient refondus.

Il s’agit avant tout de prendre en compte les enjeux actuels résultant du développement de modes de production d’électricité de plus en plus décentralisés et intermittents, en particulier du fait du développement des installations fonctionnant à partir de sources renouvelables telles que les installations éoliennes et solaires. Les nouveaux textes visent ainsi à moderniser les règles régissant le marché de l’électricité afin de faciliter le déploiement des énergies renouvelables tout en gérant l’intermittence et en assurant la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Le règlement sur le marché intérieur de l’électricité vise ainsi à mieux rétribuer la flexibilité, à fournir des signaux de prix appropriés et à assurer des marchés à court terme intégrés performants.

Le deuxième objectif central est de placer le consommateur au centre de ce marché, notamment en tirant pleinement parti des évolutions technologiques (compteurs intelligents…). Le consommateur devient, plus que par le passé, le centre de gravité des textes relatifs au marché de l’électricité et en particulier, de la directive sur le marché intérieur de l’électricité. Il s’agit de réformer ce marché afin de « donner au consommateur les moyens d’être davantage maître de ses choix en matière d’énergie ». Il en résulte des mesures supplémentaires d’information du consommateur sur sa consommation et les coûts de l’énergie, grâce, notamment, à des dispositions relatives au déploiement des compteurs intelligents, au droit d’obtenir un « contrat d’électricité à tarification dynamique »11 – tout en étant informé des opportunités et des risques associés à un tel contrat –, aux règles de présentation des factures, à l’accès à des outils de comparaison des offres de fourniture indépendants des acteurs de marché, etc. La lutte contre la précarité énergétique et la protection des consommateurs les plus vulnérables font également l’objet de quelques dispositions, sans cependant consacrer d’évolution particulièrement notable par rapport aux textes antérieurs. Surtout, à côté des règles participant à l’objectif de protection des consommateurs, il s’agit de faire de ces derniers de véritables acteurs de la transition énergétique. La notion de « client actif »12 est ainsi consacrée, de même que celle de « communauté énergétique citoyenne »13, les États devant garantir un certain nombre de droits à l’un comme à l’autre, ainsi que les notions de « participation active de la demande », de « contrat d’agrégation », etc. La directive relative aux énergies renouvelables est dans le même esprit, notamment en ce qu’elle promeut l’autoconsommation et les communautés d’énergie renouvelable, de sorte que les deux directives, sur les énergies renouvelables et sur le marché intérieur de l’électricité, sont complémentaires.

Au-delà de ces orientations qui innervent de nombreuses dispositions de la directive et du règlement relatifs au marché intérieur de l’électricité, plusieurs points spécifiques méritent d’être spécialement relevés. Il s’agit tout d’abord de la question des tarifs réglementés de vente d’électricité, abordée par la directive, dont on connaît l’importance pour la France. La directive rappelle le principe de prix de fourniture basés sur le marché mais prévoit cependant deux cas dans lesquels des interventions publiques peuvent intervenir dans la fixation de ces prix.

Le premier concerne la protection des clients résidentiels vulnérables et en situation de précarité énergétique. Bien que la directive pose le principe selon lequel les États membres doivent assurer la protection de ces personnes « grâce à une politique sociale ou par d’autres moyens que des interventions publiques dans la fixation des prix », de telles interventions sont, par dérogation, possibles dès lors qu’elles respectent les conditions posées par l’article 5, § 4, de la directive, largement issues de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne14. Elles doivent ainsi poursuivre un intérêt économique général ; être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables ; garantir aux entreprises d’électricité de l’Union un égal accès aux clients ; être limitées dans le temps et proportionnées. Elles doivent en outre ne pas entraîner de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché de manière discriminatoire.

Le second envisage, plus généralement, la possibilité pour les États de maintenir des tarifs réglementés pour les clients résidentiels et les micro-entreprises, tout en l’encadrant strictement. Si les États membres peuvent mettre en œuvre des interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d’électricité à ces clients, c’est en effet uniquement « dans le but d’assurer une période transitoire permettant d’établir une concurrence effective entre les fournisseurs pour les contrats de fourniture d’électricité et de parvenir à une fixation pleinement effective des prix de détail de l’électricité fondée sur le marché » (art. 5, § 6). Eu égard au caractère transitoire ainsi énoncé, la directive ajoute que la Commission réévaluera la question d’ici fin 2025 et pourrait alors, s’il y a lieu, émettre une proposition législative, qui « peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ». De plus, ces interventions publiques dans la fixation des prix doivent respecter l’ensemble des conditions posées par la directive. Outre le respect des conditions posées par l’article 5, § 4, précédemment exposées, qui sont communes à toutes les interventions publiques dans la fixation des prix de fourniture, qu’elles concernent les consommateurs vulnérables ou non, ce deuxième cas de figure doit répondre aux conditions posées par l’article 5, § 7, à savoir : être assorties de mesures permettant de parvenir à une concurrence effective et d’une méthode d’évaluation des progrès ; être fixées à l’aide d’une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs ; être établies à un prix supérieur aux coûts et à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective ; être conçues de façon à réduire au minimum tout impact négatif sur le marché de gros de l’électricité ; garantir que tous les bénéficiaires de ces interventions publiques ont la possibilité de choisir des offres du marché concurrentielles et en sont informés ; garantir qu’ils ont le droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires ; et ne pas se traduire par des subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix de fourniture réglementés. Ces mesures doivent être notifiées à la Commission.

Autant dire que les tarifs réglementés de vente d’électricité demeurent sous étroite surveillance, même si la directive va finalement moins loin que ce que souhaitait la Commission européenne, qui avait proposé leur suppression, à la seule exception, provisoire, des tarifs réglementés à destination des consommateurs vulnérables ou en situation de précarité énergétique15. Dans le même temps, l’adaptation du dispositif français de tarifs réglementés de vente d’électricité est en cours de révision. Le Conseil d’État avait en effet déjà constaté que le système actuel ne répondait pas à l’ensemble des conditions posées par la CJUE, en particulier s’agissant de l’exigence de proportionnalité, faute de limitation dans le temps du dispositif16. La loi PACTE17 contenait des dispositions en ce sens, qui ont cependant été censurées par le Conseil constitutionnel, retenant la qualification de cavaliers législatifs18. Le projet de loi Énergie et climat – tel qu’il était discuté lors de la rédaction de ces lignes – en reprend cependant les dispositions.

Le deuxième point qui mérite d’être spécialement relevé concerne la question des mécanismes de capacité. Le règlement sur le marché intérieur de l’électricité est en effet le premier texte de droit dérivé envisageant ce mécanisme, qu’il définit comme une « mesure temporaire, autre que les mesures afférentes aux services auxiliaires ou à la gestion des congestions, qui vise à obtenir le niveau nécessaire d’adéquation des ressources en rémunérant les ressources pour leur disponibilité » (la notion de « ressources » étant entendue comme recouvrant non seulement la production, mais aussi l’effacement ou le stockage). Le droit de l’Union n’ignorait cependant pas les mécanismes de capacité, la Commission ayant eu l’occasion de les aborder dans le cadre de sa compétence en matière d’aides d’État19, ce qui l’avait notamment conduite à déclarer le mécanisme de capacité français compatible avec le marché intérieur, sous réserve que certaines modifications lui soient apportées20. Le règlement prend d’ailleurs soin de préciser qu’il s’applique sans préjudice de la compétence exclusive conférée à la Commission en ce domaine.

Le règlement admet que les États membres puissent mettre en place de tels mécanismes, tout en se montrant très réservé quant à leur pertinence, se situant ainsi dans la droite ligne de la position adoptée par la Commission européenne dans le cadre de son enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité21. En effet, ils apparaissent comme des mécanismes subsidiaires, qui ne peuvent être utilisés que pour « résoudre les difficultés résiduelles d’adéquation des ressources » et « en dernier ressort ». Une évaluation de l’adéquation des ressources à l’échelle européenne et, le cas échéant, à l’échelle nationale, doit d’abord être réalisée, visant à évaluer l’adéquation globale du système électrique pour répondre à la demande d’électricité. Si des difficultés sont mises en lumière, les États membres doivent recenser les distorsions réglementaires ou défaillances de marché qui ont pu conduire à ce résultat, puis établir et publier un « plan de mise en œuvre » pour l’adoption de mesures visant à les éliminer. Ce n’est que si des difficultés demeurent malgré cela que la mise en place d’un mécanisme de capacité peut être envisagée, lequel doit en outre respecter les multiples conditions posées par le règlement (v. en part. l’article 22 du règlement) et être approuvé par la Commission européenne pour une durée n’excédant pas 10 ans. Comme le soulignait déjà le rapport sur l’enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité, la priorité doit être accordée aux solutions fondées sur le marché : « aucun mécanisme de capacité ne devrait remplacer des réformes du marché »22.

En complément de la directive et du règlement sur le marché intérieur de l’électricité, le règlement sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité vise à améliorer le cadre juridique afin de faire face au risque de crise électrique, définie comme « une situation actuelle ou imminente dans laquelle il existe une pénurie importante d’électricité (…), ou dans laquelle il est impossible de fournir de l’électricité aux clients » (art. 2, 9°)23. L’objectif est de mieux prévenir et gérer les crises électriques dans un esprit de solidarité entre les États membres, et ainsi d’assurer la sécurité d’approvisionnement à court terme, en cas de menace particulière. Tout en affirmant que « des marchés et systèmes qui fonctionnent correctement, avec des interconnexions électriques adéquates, sont les meilleurs garants de la sécurité d’approvisionnement en électricité », les institutions européennes constatent en effet que « le risque d’une crise électrique, du fait de catastrophes naturelles telles que des conditions météorologiques extrêmes, d’actes de malveillance ou de pénurie de combustible, ne peut jamais être exclu » et que ses conséquences peuvent se propager au-delà des frontières nationales, justifiant une coopération accrue entre les États membres (cons. 2).

Schématiquement, le règlement pose d’abord les règles relatives à l’identification et à l’évaluation des risques pour la sécurité d’approvisionnement en électricité, qui reposent sur l’établissement et la mise à jour régulière de scénarios nationaux et régionaux de crise électrique tenant compte de divers facteurs (risques naturels et accidentels, actes de malveillance…), sur des évaluations de l’adéquation des ressources à court terme – complémentaires de l’évaluation des ressources de moyen et long terme prévue par le règlement sur le marché intérieur de l’électricité. Des plans de préparation aux risques doivent être établis sur la base des scénarios nationaux et régionaux de crise électrique, énonçant les mesures nationales mais aussi régionales et, le cas échéant, bilatérales, envisagées ou prises pour prévenir et atténuer les crises électriques. Ces plans doivent être évalués par la Commission européenne, qui peut, le cas échéant, émettre des recommandations quant au réexamen du plan s’il ne lui paraît pas adéquat ou suffisant. Quant à la gestion des crises, le règlement pose des obligations d’alerte précoce ainsi que d’assistance entre États membres. Le règlement précise que les règles régissant le marché intérieur de l’électricité devraient par principe être respectées même en cas de crise, de sorte que « des mesures non fondées sur le marché ne sont activées en cas de crise électrique qu’en dernier ressort si toutes les possibilités offertes par le marché ont été épuisées ou lorsqu’il est manifeste que les mesures fondées sur le marché ne suffisent pas » (art. 16). Des évaluations ex post des crises qui surviendraient et de leurs incidences doivent en outre être menées.

II – Les sources nationales du droit de l’énergie

A – Les apports de la loi ESSOC et de ses dispositions d’application au droit des énergies renouvelables en mer

L. n° 2018-727, 10 août 2018, pour un État au service d’une société de confiance ; D. n° 2018-1204, 21 déc. 2018, relatif aux procédures d’autorisations des installations de production d’énergie renouvelable en mer. La loi pour un État au service d’une société de confiance, dite ESSOC, contient diverses dispositions intéressant directement le droit de l’énergie. Parmi elles, méritent d’être spécialement relevées les dispositions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer. L’article 58 de la loi modifie sur plusieurs points le Code de l’environnement afin de prendre en compte les spécificités des projets menés en la matière.

En premier lieu, il crée un nouvel article L. 121-8-1 du Code de l’environnement au sein du chapitre de ce code dédié à la participation du public à l’élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l’environnement. Ce nouvel article prévoit que « lorsque le ministre chargé de l’Énergie souhaite lancer une procédure de mise en concurrence en application de l’article L. 311-10 du Code de l’énergie pour la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergie renouvelable en mer et de leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité, il saisit, préalablement au lancement de cette procédure, la commission nationale du débat public, qui détermine, dans les conditions prévues à la présente section, les modalités de participation du public au processus de décision du lancement de la procédure de mise en concurrence. Le public est notamment consulté sur le choix de la localisation de la ou des zones potentielles d’implantation des installations envisagées ». L’alinéa 2 ajoute qu’après « la désignation du lauréat de la procédure de mise en concurrence et compte tenu des suites données à la saisine mentionnée au premier alinéa du présent article, le ou les maîtres d’ouvrages du projet d’une installation de production d’énergie renouvelable en mer et de ses ouvrages de raccordement sont dispensés des obligations prévues à la présente section ».

Ainsi, c’est désormais le ministre chargé de l’Énergie, et non plus le maître d’ouvrage, qui est chargé de saisir la commission nationale du débat public, laquelle organise les modalités de participation du public, ce dernier étant appelé à participer en amont, dès le stade du processus de décision de lancement de la procédure de mise en concurrence. Il s’agit en particulier de faire en sorte que le choix de la localisation du site d’implantation soit discuté au plus tôt, dans l’espoir de limiter ensuite les risques contentieux. Cela permet dans le même temps de décharger les lauréats de ces projets des obligations normalement mises à la charge des maîtres d’ouvrage par le Code de l’environnement en la matière.

Les modalités d’application de ces nouvelles dispositions ont été précisées par le décret n° 2018-1204 du 21 décembre 2018 relatif aux procédures d’autorisations des installations de production d’énergie renouvelable en mer. En particulier, il précise que la procédure applicable en cas de saisine de la commission nationale du débat public par le ministre chargé de l’Énergie en matière de projets relatifs à des installations de production d’énergie renouvelable en mer est la même que celle définie en application de l’article L. 121-8 du Code de l’environnement pour tout projet soumis à l’obligation de saisir la CNDP, le nouvel article R. 121-3-1 opérant à cet égard un renvoi. Il est en outre précisé que le ministre chargé de l’Énergie peut associer le conseil régional territorialement intéressé à la procédure et à l’élaboration du dossier soumis à débat ou à concertation, et que le maître d’ouvrage des ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité doit y être associé.

En second lieu, l’article 58 de la loi ESSOC modifie les dispositions du Code de l’environnement relatives à l’autorisation environnementale en créant une nouvelle sous-section spécialement dédiée aux installations de production d’énergie renouvelable en mer, composée d’un article unique, l’article L. 181-28-1. On rappellera en effet que, dès lors qu’elles sont soumises au régime d’autorisation « IOTA » (installations, ouvrages, travaux et activités, soumis à autorisation au titre de la loi sur l’eau), ces installations relèvent aujourd’hui de la procédure d’autorisation environnementale conformément aux dispositions de l’article L. 181-1 du Code de l’environnement (du moins lorsqu’elles sont implantées sur le domaine public maritime). Dans ce contexte, l’article L. 181-28-1 pose quelques règles propres aux installations de production d’énergie renouvelable en mer et à leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité. Il est d’abord prévu que « tout ou partie de l’étude d’impact peut être réalisée et mise à disposition des maîtres d’ouvrage par le ministre chargé de l’Énergie ». Les nouvelles dispositions consacrent ensuite le mécanisme dit du « permis enveloppe », qui permet de délivrer une autorisation susceptible d’évolution sans passer par une procédure de modification. Autrement dit, il s’agit d’autoriser par avance certaines modifications apportées au projet après la délivrance de l’autorisation, dans les limites définies par celle-ci, offrant ainsi davantage de souplesse. Cela permet par exemple d’admettre qu’une autorisation puisse être délivrée pour un projet présentant des caractéristiques susceptibles d’évoluer au regard par exemple du nombre ou de la puissance des éoliennes. Plus précisément, l’article L. 181-28-1, I, prévoit que : « les autorisations suivantes fixent, le cas échéant, des caractéristiques variables pour ces projets d’installation dans les limites desquelles ces projets sont autorisés à évoluer postérieurement à la délivrance de l’autorisation :

a) l’autorisation unique prévue à l’article 20 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française (c’est-à-dire pour les projets se situant sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive) ;

b) la concession d’utilisation du domaine public maritime prévue à l’article L. 2124-3 du Code général de la propriété des personnes publiques ;

c) l’autorisation environnementale prévue au présent chapitre ;

d) l’autorisation d’exploiter prévue à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du Code de l’énergie », autrement dit l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité.

Afin de prendre en compte les spécificités d’une telle autorisation portant sur un projet présentant des caractéristiques variables, il est précisé que les prescriptions de ces autorisations « sont établies en tenant compte des caractéristiques non variables et des caractéristiques variables dans les limites desquelles le projet d’installation est autorisé à évoluer » et que le pétitionnaire doit informer l’autorité compétente pour délivrer ces autorisations des caractéristiques du projet tel qu’il est réalisé et des mesures d’évitement, de réduction et de compensation qui y sont associées. Il convient en outre de préciser, s’agissant de l’application dans le temps, que ces dispositions ne sont pas applicables aux installations de production d’énergie renouvelable en mer et à leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité pour lesquels le pétitionnaire a régulièrement déposé une demande de l’une des autorisations susmentionnées jusqu’à 6 mois après la publication de la loi ESSOC.

Ici encore, le décret n° 2018-1204 du 21 décembre 2018 est venu apporter les précisions utiles. Il crée, en miroir des dispositions législatives, une nouvelle sous-section dédiée aux installations de production d’énergie renouvelable en mer dans la partie réglementaire du Code de l’environnement, composée des nouveaux articles R. 181-54-1 et suivants. On retiendra notamment que l’article R. 181-54-2 précise que les caractéristiques variables du projet et notamment leurs effets négatifs maximaux sont pris en compte pour l’établissement de l’étude d’impact, de l’étude d’incidence environnementale et du dossier d’évaluation des incidences Natura 2000, qu’elles sont présentées dans les dossiers de demande des autorisations susmentionnées, prévues par l’article L. 181-28-1, I, 2°, et que ces caractéristiques sont prises en compte pour l’établissement des divers avis listés par l’article R. 181-54-2. L’article suivant apporte des précisions quant aux mesures d’évitement, de réduction et de compensation (ERC), qui correspondent aux effets négatifs maximaux des caractéristiques variables du projet. Lorsque ces caractéristiques variables prennent la forme d’options limitativement énumérées, les mesures ERC ainsi que leurs modalités de suivi sont fixées pour chacune de ces options et le maître d’ouvrage met en œuvre les mesures relatives aux options qu’il a retenues pour la réalisation de son projet.

Le même décret complète en outre la liste des installations qui sont de plein droit réputées autorisées au titre de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité régie par le Code de l’énergie. En effet, bien que les dispositions du Code de l’environnement relatives à l’autorisation environnementale prévoient que cette autorisation vaut autorisation d’exploiter au titre du Code de l’énergie, ce dernier n’évoquait pas le cas des lauréats d’une procédure de mise en concurrence. L’article R. 311-2 du Code de l’énergie, relatif aux installations réputées autorisées au titre de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, est ainsi complété par deux catégories d’installations : les installations de production d’électricité en mer utilisant l’énergie mécanique du vent ayant fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence prévue à l’article L. 311-10 dès lors que leur puissance installée est inférieure ou égale à 1 gigawatt, et les autres installations de production d’électricité utilisant des énergies renouvelables ayant fait l’objet d’une telle procédure de mise en concurrence dès lors que leur puissance installée est inférieure ou égale à 300 mégawatts.

Le décret complète également l’article R. 311-4 du Code de justice administrative afin d’y inclure l’ensemble des décisions et autorisations nécessaires pour les projets d’énergie renouvelable en mer. Rappelons que l’objectif de ce texte est d’accélérer le traitement des contentieux concernant les décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer et à leurs ouvrages connexes, en les confiant à la cour administrative de Nantes, qui statue en premier et dernier ressort. On signalera en outre, concernant les aspects contentieux, qu’au-delà des projets relatifs aux énergies renouvelables en mer, un autre décret adopté fin 2018, à savoir le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l’autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l’environnement, a créé un nouvel article R. 311-5 du Code de justice administrative visant, de manière comparable quoique selon des modalités différentes, à accélérer le traitement des contentieux dans le domaine de l’éolien terrestre. Désormais, les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur diverses décisions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées, ainsi qu’à leurs ouvrages connexes, aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement accordés. Sont notamment visés les litiges relatifs à l’autorisation ICPE, à l’autorisation environnementale, à l’autorisation d’exploiter au titre du Code de l’énergie, aux autorisations d’occupation du domaine public, au permis de construire, etc. La cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège l’autorité administrative qui a pris la décision. De plus, a été consacré un principe de cristallisation des moyens, qui empêche les parties, dès lors que l’instance parvient à un certain niveau d’avancement, de présenter des moyens nouveaux. Ainsi, selon l’article R. 611-7-2 du Code de justice administrative « lorsque la juridiction est saisie d’une décision mentionnée à l’article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de 2 mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du Code de justice administrative. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie ».

B – Les apports de la loi ÉLAN en matière de performance énergétique

L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ÉLAN, comporte un chapitre dédié à la rénovation énergétique (art. 175 et s.). Parmi les mesures adoptées en la matière, deux retiennent particulièrement l’attention, concernant la rénovation énergétique dans le secteur tertiaire et le diagnostic de performance énergétique.

Il s’agit d’abord de l’obligation de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire, traitée par l’article 175 de la loi, qui fait renaître de ses cendres une obligation qui avait précédemment connu un sort funeste. On se souvient en effet que la loi Grenelle II24, complétée à ce sujet par la loi relative à la transition énergétique25, avait prévu l’adoption de textes réglementaires visant à préciser la teneur d’une obligation de mener des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants à usage tertiaire. Un décret d’application avait été adopté à cette fin le 9 mai 201726, mais le Conseil d’État, après avoir dans un premier temps suspendu son exécution dans l’attente d’une décision au fond27, l’avait finalement annulé dans son intégralité, au motif qu’il portait atteinte au principe de sécurité juridique du fait des délais excessivement contraints imposés aux entreprises pour atteindre l’objectif de réduction de la consommation d’énergie qui leur était assigné28. C’est cette obligation qui refait surface à la faveur de la loi ÉLAN, au prix d’un report de son échéance. Fixée initialement à 2020 par le décret annulé par le Conseil d’État, sa première échéance a été fixée à 2030 par la loi ÉLAN.

Plus précisément, l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation a été très largement réécrit. Il prévoit d’abord que « des actions de réduction de la consommation d’énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire, définis par décret en Conseil d’État, existants à la date de publication de la loi (ÉLAN) afin de parvenir à une réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 ». Quant au champ d’application, on relèvera que le texte n’évoque plus, comme par le passé, des bâtiments « à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public », mais précise qu’il concerne les « bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments » à usage tertiaire. Comme indiqué précédemment, la première échéance est fixée à 2030 puis tous les 10 ans, l’objectif ultime, à l’horizon 2050, demeurant identique. Le texte apporte ensuite de nombreuses précisions. Ainsi, le nouvel article L. 111-10-3, II, prévoit que « tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants :

1° Soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ;

2° Soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie ».

Ces objectifs peuvent être modulés en fonction de divers paramètres précisés par la loi, tels que les contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ; les éventuels changements d’activité du volume d’activité ; ou les « coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale » (ce qui ouvre la voie à des divergences d’appréciation).

L’article L. 111-10-3, II, s’intéresse ensuite aux débiteurs de l’obligation, qui sont les propriétaires des bâtiments ou des parties de bâtiments et, le cas échéant, les preneurs à bail, « pour les actions qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations. Ils définissent ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettent en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne en fonction des mêmes dispositions contractuelles ». Le législateur s’en remet ainsi à la volonté des cocontractants. Les parties à un contrat de bail relatif à un tel bâtiment seront donc bien inspirées de négocier au mieux les termes de leur accord quant à l’exécution de cette obligation légale. Les parties sont ensuite soumises à une obligation d’information quant aux consommations d’énergie des bâtiments et doivent assurer le suivi de l’exécution de leur obligation. Une « évaluation du respect de l’obligation » doit être annexée à l’acte, le cas échéant et à titre d’information, en cas de vente (cette évaluation devant alors être annexée à la promesse de vente, au compromis ou, à défaut, à l’acte authentique de vente) ou de location du bâtiment.

Pour le reste, la loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’apporter toutes les précisions utiles, lequel a été adopté le 23 juillet 2019 et entrera en vigueur le 1er octobre 2019. Il apporte les précisions utiles relatives notamment au champ d’application (limité aux bâtiments d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1000 mètres carré), à la détermination des objectifs de réduction de la consommation et aux modalités de leur modulation29.

La loi ÉLAN a par ailleurs retouché le régime du diagnostic de performance énergétique (DPE), en vue de lui offrir une plus grande portée, dans une mesure qui ne cesse cependant d’étonner. Jusqu’à présent, en effet, l’établissement du DPE était certes obligatoire, de sorte que la responsabilité du vendeur ou bailleur pouvait être engagée en l’absence de communication du diagnostic, s’agissant alors d’un manquement à son obligation d’information. Il ne s’agissait cependant que d’une obligation d’information, de sorte que l’acquéreur ou le locataire ne pouvait se prévaloir du contenu du diagnostic à l’encontre du vendeur ou du bailleur pour exiger que le bâtiment présente les performances annoncées, le vendeur ou bailleur n’étant pas garant des indications du DPE. L’article L. 134-3-1, alinéa 2, du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction antérieure, l’exprimait, s’agissant de la location, en énonçant que « le locataire ne peut se prévaloir à l’encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique ». De même, dans le cadre d’un contrat de vente, l’article L. 271-4, II, alinéa 4, du même code, dans sa rédaction antérieure, prévoyait que « l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative ». Cela ne préjugeait certes pas de la responsabilité du diagnostiqueur, qui pouvait être recherchée dans les conditions du droit commun si le diagnostic s’avérait erroné et qu’il indiquait une performance énergétique qui n’était pas conforme à la réalité. Le diagnostiqueur qui n’agit pas dans les règles de l’art peut en effet être condamné à indemniser l’acquéreur (ou le locataire) au titre d’une perte de chance de ne pas acquérir (ou louer) le bien litigieux ou de l’acquérir (ou louer) à des conditions plus avantageuses30.

Mais la loi va désormais plus loin. Les textes, dans leur rédaction issue de la loi ÉLAN, prévoient que l’acquéreur ou le locataire « ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n’ont qu’une valeur informative »31. On en déduit donc que seules ces recommandations conservent une simple valeur informative, tandis que les indications du diagnostic lui-même deviendraient opposables au vendeur/bailleur, en ce sens que l’acquéreur ou le locataire pourrait s’en prévaloir directement à son encontre, et ce, à compter de l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, fixée au 1er janvier 2021. L’objectif est bien sûr de faciliter les recours de l’acquéreur ou du locataire à l’encontre de son cocontractant, sans préjudice d’actions récursoires que le vendeur ou bailleur pourrait, le cas échéant, engager à l’encontre du diagnostiqueur. Il demeure cependant pour le moins surprenant de rendre le vendeur/bailleur responsable de la teneur d’un diagnostic dont il n’est pas l’auteur et dont la fiabilité est souvent sujette à caution, de sorte que la question d’une clause du contrat aménageant une telle responsabilité devrait se poser32.

C – Les apports de la loi PACTE au droit de l’énergie

L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises. Au sein de cette nouvelle loi fleuve relative à la vie des entreprises, diverses dispositions concernent directement le droit de l’énergie. On ne s’étendra pas sur celles, certes importantes, qui ont cependant été censurées par le Conseil constitutionnel du fait de leur qualification de « cavaliers législatifs », c’est-à-dire de dispositions, en l’occurrence introduites en première lecture, n’ayant aucun lien, même indirect, avec celles figurant dans le projet de loi33. Il en fut décidé ainsi, en particulier, au sujet des dispositions visant à la disparition des tarifs réglementés de vente de gaz et à la modification du régime des tarifs réglementés de vente d’électricité en vue de le mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne, qui figuraient aux articles 213 à 215 de la loi. Ces dispositions ont cependant été réintroduites dans le cadre de l’examen du projet de loi Énergie et climat, en débat lors de sa rédaction de ces lignes. Les dispositions de la loi PACTE qui ont échappé à la censure et qui concernent le secteur de l’énergie s’intéressent essentiellement à quatre aspects : le capital d’Engie et de GRT Gaz, l’autoconsommation, les certificats d’économie d’énergie et les factures de fourniture d’électricité et de gaz naturel.

Sur le premier point, la loi PACTE, qui organise par ailleurs la privatisation d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux, modifie les règles relatives au capital d’Engie et de GRT Gaz. En premier lieu, alors que la loi prévoyait précédemment que l’État devait détenir au moins un tiers du capital ou des droits de vote d’Engie, l’article L. 111-68 du Code de l’énergie prévoit désormais que « l’État détient au moins une action au capital de l’entreprise dénommée Engie », étant cependant précisé qu’il s’agit toujours d’une action spécifique, qui permet notamment à l’État de conserver son droit d’opposition en cas de décision qui pourrait porter atteinte « aux intérêts essentiels de la France en matière d’énergie, en particulier à la continuité et à la sécurité d’approvisionnement »34. En second lieu, alors que la loi prévoyait jusque-là que le capital de GRT Gaz ne pouvait être détenu que par Engie, l’État ou des entreprises ou organismes du secteur public, l’article L. 111-49 du Code de l’énergie prévoit désormais qu’il doit simplement être « majoritairement » détenu par ces mêmes personnes. En d’autres termes, la loi permet l’entrée de capitaux privés, tout en maintenant un contrôle public.

Sur le deuxième point, l’article 126 de la loi PACTE modifie à titre expérimental, pour une durée de 5 ans à compter de la publication de la loi, le régime de l’autoconsommation collective, en vue de permettre à des installations de plus grande dimension d’accéder au régime y afférent. La définition de l’autoconsommation collective posée par l’article L. 315-2 du Code de l’énergie est ainsi retouchée et se lit désormais comme suit : « l’opération d’autoconsommation est collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur le réseau basse tension et respectent les critères, notamment de proximité géographique, fixés par arrêté du ministre chargé de l’Énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie ». Il n’est plus nécessaire de se situer « en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension », ce qui devrait donc ouvrir plus largement la gamme des projets éligibles à la qualification d’autoconsommation collective et, comme l’invoquait l’amendement à l’origine de cette nouvelle disposition, « de mettre en cohérence le cadre de mise en œuvre de l’autoconsommation collective d’électricité avec la réalité des projets urbains plutôt que de procéder au découpage des opérations en fonction de la seule répartition des postes de transformation »35. Toujours à titre expérimental, la loi PACTE supprime le seuil de 100 kW qui figurait à l’article L. 315-3 du Code de l’énergie. Il en résulte que c’est désormais sans considération de seuil légal que la Commission de régulation de l’énergie établira des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité spécifiques pour les consommateurs participant à des opérations d’autoconsommation, qu’elles soient d’ailleurs collectives ou individuelles. L’ensemble de ces dispositions relatives à l’autoconsommation étant adopté à titre expérimental pour une durée de 5 ans, la loi ajoute que, « avant le 31 décembre 2023, le ministère chargé de l’Énergie et la commission de régulation de l’énergie dressent un bilan de l’expérimentation ».

Sur le troisième point, la loi PACTE apporte quelques retouches au dispositif des certificats d’économies d’énergie, en vue d’étendre son champ d’application. L’article L. 221-7 du Code de l’énergie est modifié en vue de rendre éligibles à l’attribution de certificats d’économies d’énergie les actions d’économies d’énergie réalisées au sein d’installations classées soumises au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Le dernier alinéa de cet article excluait en effet jusque-là la délivrance de certificats d’économies d’énergie, non seulement pour les économies d’énergie résultant « exclusivement de la substitution entre combustibles fossiles ou de la réglementation en vigueur », qui demeurent inéligibles à la délivrance de certificats, mais encore les économies d’énergie réalisées dans les installations classées visées par l’article L. 229-5 du Code de l’environnement, c’est-à-dire les installations soumises au système d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Cette précision est supprimée, et un nouvel alinéa de l’article L. 221-7 du Code de l’énergie ajoute en toutes lettres que les actions d’économies d’énergie réalisées dans de telles installations, pour autant bien sûr qu’elles remplissent les conditions par ailleurs fixées, peuvent donner lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie.

L’exclusion originelle se justifiait essentiellement par le fait que le système d’échange des quotas devait lui-même inciter les entreprises concernées à mener des actions en vue de réduire la consommation d’énergie de ces installations, notamment grâce à une amélioration de l’efficacité énergétique. Cependant, les objectifs ambitieux aujourd’hui posés en la matière conduisent à admettre la possibilité de valoriser les actions entreprises par la voie de la délivrance de certificats d’économies d’énergie, fût-ce au sein d’installations par ailleurs soumises au système d’échange des quotas. Cette possibilité a cependant vocation à être scrupuleusement encadrée par les textes réglementaires d’application.

Enfin, les règles relatives aux factures d’électricité et de gaz naturel figurant dans le Code de la consommation sont retouchées, essentiellement en vue d’encadrer leur dématérialisation. Ainsi, de nouveaux alinéas sont ajoutés à l’article L. 224-12 du Code de la consommation prévoyant, pour l’essentiel, que « lorsqu’un fournisseur souhaite adresser à un consommateur les factures sur un support durable autre que le papier, ce fournisseur vérifie au préalable que ce mode de communication est adapté à la situation de son client et s’assure que ce dernier est en mesure de prendre connaissance de ces factures sur le support durable envisagé. Lorsque le client fournit à cette fin une adresse électronique, celle-ci est vérifiée par le fournisseur ». Une fois ces vérifications faites, le fournisseur doit informer le client de la poursuite de l’envoi des factures sur le support durable retenu, renouveler les vérifications annuellement et informer le client de son droit de s’opposer à l’utilisation d’un support durable autre que le papier, le fournisseur étant tenu « de justifier à tout moment de la relation commerciale que cette information a bien été portée à la connaissance du client », ce qui invite naturellement à la préconstitution d’une telle preuve.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Une trajectoire indicative doit préciser des objectifs intermédiaires aux échéances 2022, 2025 et 2027, qui doivent atteindre des niveaux planchers calculés par rapport aux objectifs nationaux contraignants qui avaient été imposés aux États membres pour 2020.
  • 2.
    Pour une approche conjuguée, v. Thieffry P., « Les instruments procéduraux en matière climatique : les mécanismes de “gouvernance de l’union de l’énergie” et de “transparence-facilitation” de l’accord de Paris », Énergie - Env. - Infrastr. 2019, dossier 23.
  • 3.
    Comm. UE, « Recommandations du 18 juin 2019 sur le projet de plan national intégré en matière d’énergie et de climat de la France couvrant la période 2021-2030 », C (2019) 4410 final.
  • 4.
    Le contenu de ces stratégies de long terme est précisé par l’annexe IV du règlement n° 2018/1999.
  • 5.
    Dir. n° 2018/2002, cons. 2.
  • 6.
    V. not. Comm. UE, « L’efficacité énergétique : quelle contribution à la sécurité énergétique et au cadre d’action 2030 en matière de climat et d’énergie ? », communication du 23 juill. 2014, COM (2014) 520 final.
  • 7.
    Comm. UE, « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 », 2014/C 200/01.
  • 8.
    La directive précise que la Commission évaluera d’ici 2023 l’opportunité de transformer cette faculté en obligation.
  • 9.
    La directive retient la définition suivante : « une entité juridique : a) Qui, conformément au droit national applicable, repose sur une participation ouverte et volontaire, est autonome, est effectivement contrôlée par les actionnaires ou des membres se trouvant à proximité des projets en matière d’énergie renouvelable auxquels l’entité juridique a souscrit et qu’elle a élaborés ; b) Dont les actionnaires ou les membres sont des personnes physiques, des PME ou des autorités locales, y compris des municipalités ; c) Dont l’objectif premier est de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou en faveur des territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de rechercher le profit ».
  • 10.
    Ces derniers étant définis comme « un groupe d’au moins deux autoconsommateurs d’énergies renouvelables agissant de manière collective (…) qui habitent dans le même bâtiment ou dans un immeuble résidentiel ».
  • 11.
    Contrat défini par la directive comme « un contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur et un client final qui reflète les variations de prix sur les marchés au comptant, y compris les marchés journaliers et infrajournaliers, à des intervalles équivalant au moins à la fréquence du règlement du marché » (art. 2,15°).
  • 12.
    Le client actif est défini par la directive comme « un client final, ou un groupe de clients finals agissant conjointement, qui consomme ou stocke de l’électricité produite dans ses locaux situés à l’intérieur d’une zone limitée ou, lorsqu’un État membre l’autorise, dans d’autres locaux, ou qui vend l’électricité qu’il a lui-même produite ou participe à des programmes de flexibilité ou d’efficacité énergétique, à condition que ces activités ne constituent pas son activité commerciale ou professionnelle principale » (art. 2,8°).
  • 13.
    Définie comme « une entité juridique qui : a) Repose sur une participation ouverte et volontaire, et qui est effectivement contrôlée par des membres ou des actionnaires qui sont des personnes physiques, des autorités locales, y compris des communes, ou des petites entreprises ; b) Dont le principal objectif est de proposer des avantages communautaires environnementaux, économiques ou sociaux à ses membres ou actionnaires ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers, et c) Peut prendre part à la production, y compris à partir de sources renouvelables, à la distribution, à la fourniture, à la consommation, à l’agrégation, et au stockage d’énergie, ou fournir des services liés à l’efficacité énergétique, des services de recharge pour les véhicules électriques ou d’autres services énergétiques à ses membres ou actionnaires » (art. 2,11°).
  • 14.
    V. not. CJUE, 20 avr. 2010, n° C-265/08, Federulity.
  • 15.
    V. not. Le Bihan-Graf Ch. et Heddi P., « L’encadrement des tarifs réglementés de vente par le droit de l’Union européenne : vraie évolution, fausse révolution », Énergie - Env. - Infrastr. 2019, dossier 24.
  • 16.
    CE, 18 mai 2018, n° 413688, Sté Engie et ANODE.
  • 17.
    L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises.
  • 18.
    Cons. const., 16 mai 2019, n° 2019-781 DC.
  • 19.
    V. not. Comm. UE, 30 nov. 2016, « Rapport final de l’enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité », COM (2016) 752 final.
  • 20.
    V. décision de la Commission du 8 novembre 2016, concernant le régime d’aides SA.39621 2015/C.
  • 21.
    Comm. UE, 30 nov. 2016, « Rapport final de l’enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité », COM (2016) 752 final.
  • 22.
    Comm. UE, 30 nov. 2016, « Rapport final de l’enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité », COM (2016) prec.
  • 23.
    Ce règlement abroge la directive n° 2005/89/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2006, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité et les investissements dans les infrastructures.
  • 24.
    L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement, art. 3.
  • 25.
    L. n° 2015-992, 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, art. 17.
  • 26.
    D. n° 2017-918, 9 mai 2017, relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire.
  • 27.
    CE, ord., 11 juill. 2017, n° 411578, Conseil du commerce de France et a. : RDI 2017, p. 325, obs. Guenard-Salaün B. ; Énergie - Env. - Infrastr. 2017, comm. 50, note Fourmon A. Le Conseil d’État, statuant en référé, a notamment retenu que la condition d’urgence était remplie, dès lors que le décret attaqué préjudiciait de manière grave et immédiate aux intérêts économiques des milliers de commerces concernés.
  • 28.
    CE, 18 juin 2018, n° 411583, Conseil du commerce de France et a.
  • 29.
    D. n° 2019-771 du 23 juill. 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.
  • 30.
    V. par ex. Cass. 1re civ., 20 mars 2013, nos 12-14711 et 12-14712.
  • 31.
    CCH, art. L. 134-3-1, al. 2, s’agissant de la location ; CCH, art. L. 271-4, in fine, s’agissant de la vente.
  • 32.
    V. not. en ce sens, Durand-Pasquier G., « Loi Élan : incidences sur les contrats de ventes d’immeuble existants et à construire », JCP N 2018, 1370.
  • 33.
    Cons. const., 16 mai 2019, n° 2019-781 DC.
  • 34.
    V. C. énergie, art. L. 111-69 et C. énergie, art. D. 111-21.
  • 35.
    Amendement n° 608.
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