Accord sectoriel dans le sport professionnel : quel avenir et impact, l’exemple du basket féminin

Publié le 04/11/2024

La ligue féminine de basket a annoncé, le 21 septembre dernier, la mise en place d’un accord collectif après plusieurs années de négociations, offrant un cadre ainsi qu’une meilleure protection aux deux premières divisions féminines. De façon plus générale, cet accord pose la question des droits des joueuses professionnelles et de l’articulation avec les dispositions légales et la convention collective nationale du sport. Explications avec Me Diane Buisson, avocate associée chez Redlink.

Actu-Juridique : Quelles sont les obligations d’un employeur en termes de congé maternité dans le cadre d’une convention collective sportive ?

Diane Buisson : Le congé maternité est régi par plusieurs normes. En premier lieu, le Code du travail prévoit un congé maternité obligatoire pour toutes les salariées d’une durée de 16 semaines pendant « une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci » (C. trav., art. L. 1225-17). En dehors de cette période, la salariée peut bien évidemment bénéficier d’arrêts maladie si son état de santé le justifie.

La convention collective applicable peut ensuite prévoir des dispositions plus favorables.

Au-delà de la durée du congé maternité, la question est surtout celle du maintien de salaire de la salariée pendant cette période. La salariée perçoit les indemnités de sécurité sociale pendant cette période, mais cela ne couvre pas 100 % de la rémunération et la loi n’impose pas à l’employeur de maintenir, pendant la durée du congé de maternité, la rémunération de la salariée. Toutefois, un tel maintien de salaire peut résulter de la convention collective applicable ou d’une décision de l’employeur qui peut par exemple mettre en place un régime de prévoyance prévoyant un tel maintient.

Dans le domaine du sport professionnel, la convention collective nationale du sport prévoit simplement qu’« en cas d’impossibilité, le contrat de travail est suspendu à l’initiative de l’employeur ou de la sportive salariée et le bénéfice du maintien du salaire est acquis » et cette disposition n’est pas étendue c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligatoire lorsque le club employeur n’est pas adhérent d’un syndicat signataire. Concernant les arrêts maladie il est prévu un maintien de salaire uniquement pendant 90 jours.

Les accords sectoriels n’ont donc pas l’obligation d’aller au-delà de ce socle.

Aux termes de l’accord sectoriel conclu dans le basket, ce dernier a été vu comme une avancée au sens où, outre qu’il rappelle le bénéfice du congé maternité légal, il prévoit un maintien de salaire à 100 % pendant une durée de 12 mois (toute période confondue : congé maternité et arrêt maladie).

Attention, cet accord n’est pas pour le moment étendu et n’est donc obligatoire que pour les Clubs adhérents d’un des syndicats signataires.

AJ : Comment les minimums salariaux sont-ils déterminés pour les joueuses professionnelles ?

Diane Buisson : Il convient d’avoir en tête que la fixation des salaires minimums dans toute convention collective relève d’une négociation entre les syndicats employeurs et les syndicats salariés, qui se fondent en général sur une moyenne des rémunérations pratiquées dans le secteur. Les minimas doivent à la fois être protecteurs pour les salariés sans représenter une obligation trop importante pour les employeurs.

La convention collective du sport prévoit elle-même des minimas que les accords sectoriels doivent respecter. Le salaire minima pour un sportif professionnel est actuellement de 21 850 euros bruts annuels.

Dans l’accord sectoriel du basket féminin les syndicats ont repris ce montant comme base de départ puisque c’est le salaire minimum qui a été fixé pour les joueuses de la ligue féminine 2. Pour la ligue féminine le salaire annuel minimum est légèrement plus élevé : 22 800 euros.

Ces salaires minimas sont régulièrement revus et renégociés par le syndicat.

AJ : Quels sont les recours possibles en cas de non-respect des conditions salariales ou de congé maternité dans les conventions collectives du sport ?

Diane Buisson : À condition que l’accord concerné (convention collective nationale du sport ou accord sectoriel) soit applicable de façon obligatoire au club concerné (soit après une procédure d’extension soit parce que le club employeur est adhérent d’un syndicat employeur), en cas de non-respect des conditions salariales ou des dispositions relatives au congé maternité, si une demande écrite de la joueuse ne suffit pas, son seul recours sera une action devant le conseil de prud’hommes compétent.

AJ : Quels droits spécifiques sont octroyés aux joueuses en cas de perte de licence ou de blessure prolongée ?

Diane Buisson : D’un point de vue légal ou de la convention collective nationale du sport rien n’est prévu, mis à part la prise en charge d’un arrêt maladie classique pour une blessure prolongée (soit 3 mois de salaire à 100 % et ensuite une prise en charge plafonnée par la sécurité sociale). Il est donc conseillé aux sportifs professionnels de cotiser à un régime de prévoyance spécifique afin d’être assurés contre ces risques.

L’accord sectoriel dans le basket féminin prévoit en revanche des droits spécifiques sur ces sujets.

Comme il l’a déjà été indiqué, en cas de blessures la joueuse peut bénéficier d’un arrêt maladie rémunéré à 100 % pendant 12 mois. En cas de perte de licence faisant suite à une inaptitude physique définitive à exercer le métier de joueuse professionnelle il est prévu de leur accorder une indemnité dont le montant correspondant à un pourcentage de leur salaire annuel qui varie en fonction de leur âge. Plus la joueuse est jeune plus ce capital est important : 150 % du salaire annuel pour une joueuse âgée de 16 à 25 ans, 40 % pour une joueuse de 35 ans. Au-delà de 36 ans la joueuse n’est plus éligible.

Compte tenu du montant limité de cette indemnisation, l’adhésion à un régime de prévoyance spécifique reste nécessaire et recommandée.

AJ : En quoi cette convention collective diffère-t-elle de la convention nationale du sport en termes de protection sociale ?

Diane Buisson : La grande différence en termes de protection sociale réside dans la prise en charge d’un arrêt maladie avec maintient de salaire à 100 % pendant 12 mois et l’indemnité en cas de perte de licence.

AJ : Quelle portée cet accord pourrait-il avoir sur d’autres disciplines sportives féminines en France ?

Diane Buisson : L’accord sectoriel conclu dans le basket féminin faisait déjà suite à un accord similaire dans le handball féminin. Un accord dans le football féminin en cours de négociation verra peut-être plus rapidement le jour sous l’impulsion de cet accord sectoriel. Il convient d’espérer que l’ensemble des disciplines sportives suivront le même chemin, bien que beaucoup de sport n’aient pas encore d’accord sectoriel qu’il s’agisse des hommes ou des femmes.

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