Paris (75)

« Les touristes se rueront à Paris dès que possible »

Publié le 20/05/2021

Jean-François Rial a succédé à Pierre Schapira à la présidence de l’Office du tourisme et des congrès de Paris, le 24 mars dernier. Également PDG de Voyageurs du monde, Jean-François Rial est optimiste quant aux capacités de relance du secteur du tourisme francilien. Dans cet entretien, il développe son ambition et son projet pour Paris et sa région.

Les Petites Affiches : Votre élection à la présidence de l’Office du tourisme et des congrès de Paris n’était pas nécessairement attendue. Pourquoi vous lancez-vous dans cette nouvelle mission ?

Jean-François Rial : La proposition m’a été faite il y a quelques mois, et cela a été une surprise pour moi aussi au départ. Après un temps de réflexion et d’échanges avec Anne Hidalgo, la maire de Paris, j’ai décidé de me lancer. Il était très important qu’elle me soutienne totalement dans mon projet, ce qu’elle m’a confirmé, et notamment dans mon ambition d’améliorer ce que l’on peut appeler « le produit » et dans ma volonté de remettre du beau dans la capitale. J’ai dû également organiser mon planning en accord avec mon poste de PDG de Voyageurs du monde. Une fois tout cela accompli, j’ai donné mon feu vert pour la présidence de l’Office du tourisme et des congrès de Paris (OTCP). C’est une mission qui m’attire, j’aime cette ville, cette région, et j’ai envie de partager ma vision du tourisme et du voyage pour en faire profiter ce territoire. En tant que président, je travaillerai également en étroite collaboration avec Corinne Menegaux, qui est la directrice générale de l’OTCP.

LPA : « Remettre du beau », qu’entendez-vous par là ? Est-ce la priorité pour votre mandat ?

J.-F.R. : Non, en tous cas, ce n’est pas la seule. Mon projet se base sur quatre axes. D’abord je souhaite éviter toute forme de « surtourisme » à Paris. J’aimerais pour cela allonger les horaires d’ouverture des musées et sites touristiques les plus importants de la capitale, pour éviter ainsi une concentration des voyageurs sur certaines heures. Cela pourrait concerner notamment le Louvre, la Tour Eiffel, le musée d’Orsay, ou Notre-Dame quand elle rouvrira. Nous devrons aussi nous organiser pour pousser les touristes à visiter d’autres endroits de la capitale, moins connus, et l’Île-de-France dans son ensemble. Nous approfondirons à ce propos notre collaboration avec la région et le Comité régional du tourisme (CRT) Paris Île-de-France.

Deuxième objectif, qui me tient à cœur et qui colle à ma vision du tourisme : insérer l’écologie partout, en utilisant par exemple la Seine comme moyen de transport. Ensuite, je pense qu’il est essentiel d’ajouter des services, avec notamment davantage de toilettes publiques, de poubelles et des transports efficaces et confortables. Nous devons également améliorer l’accueil du public dans les cafés, restaurants et lieux culturels.

Enfin, comme nous l’évoquions déjà, il faut remettre du beau dans Paris. La ville de Paris est déjà belle, ce n’est pas le débat, sinon elle ne serait pas tant désirée et visitée par les touristes du monde entier. Mais nous pouvons, je crois, faire un effort supplémentaire, après les nombreux travaux qui ont transformé la ville, dans un souci de transition écologique. Il est possible de concilier « environnement » et « beau ». J’ai été récemment interpellé sur la question des poteaux. Il y en a beaucoup dans certains endroits de la ville. Avec des enjeux parfois différents, entre la sécurité, la direction ou la signalisation de lieux culturels. Il faut que l’on réussisse à harmoniser cet ensemble pour le rendre plus « digeste » et agréable à la vue.

LPA : Avez-vous d’autres idées pour rendre Paris plus agréable ?

J.-F.R. : Oui, évidemment. Nous pouvons rapidement améliorer la qualité du mobilier urbain, enlever les plots en bétons qui traînent dans des secteurs de la ville et qui n’ont plus d’intérêt pour la sécurité, améliorer la signalétique temporaire le temps des travaux avec ces fameux plots jaunes. Nous avons beaucoup d’idées, il faut débuter avec le plus simple pour montrer aux Parisiens et aux touristes que les choses bougent.

Touristes devant la Tour Eiffel
75tiks / AdobeStock

LPA : Vous débutez votre mandat dans un contexte pour le moins particulier. Il n’y a jamais eu aussi peu de touristes à Paris et en Île-de-France. Êtes-vous confiant pour l’avenir ?

J.-F.R. : Oui, je le suis énormément ! Pour moi, tout cela est temporaire, les touristes se rueront à Paris dès que possible, nous le constatons déjà à chaque relâchement des restrictions de circulation. Dès que les voyageurs pourront revenir librement en France, il y aura une explosion de la demande. L’appétence pour les voyages est toujours là. Nous le voyons avec le tourisme national. Pour l’heure, nous ne pouvons que nous armer de patience, attendre et nous préparer. Le Covid ne doit pas nous empêcher de travailler sur tous les sujets que je vous ai présentés. Nous pouvons améliorer les services à Paris sans attendre le retour des touristes internationaux par exemple. La concurrence sera forte à la sortie de la crise entre toutes les villes du monde. Il faudra donc vite marquer les esprits avec une amélioration du « produit » Paris.

Concernant le tourisme d’affaires, nous aurons, en revanche, besoin de plus de temps. Les entreprises et les salariés se sont habitués aux outils à distance et certaines façons de faire perdureront.

LPA : Les pays européens doivent-ils se doter d’un « pass sanitaire » pour cet été ?

J.-F.R. : C’est un très bon outil selon moi. Le « pass sanitaire » permettra, s’il est mis en place, de fluidifier les conséquences des décisions politiques des États et donc de faciliter les déplacements au sein de l’Europe. Si tous les pays de l’Union européenne s’accordent, par exemple, pour se dire qu’une personne vaccinée ou détentrice d’un test PCR négatif peut voyager librement, sans contrainte de temps ou de déplacements, alors nous serons tous gagnants. Les Européens pourront voyager, profiter de l’été, avec des retombées positives pour l’économie touristique, dont celle de nos régions.

LPA : L’horizon pour le tourisme correspond-il aux Jeux olympiques de 2024 ? Est-ce à ce moment-là que tout rentrera dans l’ordre ?

J.-F.R. : Les Jeux olympiques constituent évidemment un objectif important pour Paris, la région, et la France en général, pour lequel nous devons améliorer la qualité de l’offre touristique, mais nous n’attendrons pas 2024 pour revoir les touristes internationaux dans nos rues et musées. Trois ans c’est beaucoup trop long ! D’après moi, dès 2022, l’ensemble de la planète pourra revenir à Paris.

Nous devons nous servir des Jeux olympiques pour des causes bien plus ambitieuses qu’un retour des touristes internationaux. Les JO peuvent nous permettre d’accélérer sur le sujet d’un tourisme plus vert, d’un tourisme sportif aussi. Vous l’aurez compris, je suis un optimiste. Je ne fais pas partie de ceux qui prédisent encore des années de « malheur ». Le rebond sera fort car les gens veulent voyager, sortir, visiter, profiter.

LPA : L’OTCP est chargé de piloter les Assises du tourisme durable, lancées il y a peu par la ville de Paris. Quelle est l’ambition de ce rendez-vous ?

J.-F.R. : Avec Frédéric Hocquard, adjoint à la mairie de Paris chargé du Tourisme et de la Vie nocturne, nous souhaitons mobiliser l’ensemble des acteurs du monde touristique parisien et francilien pour poser les bases d’un nouveau modèle touristique, évidemment plus écologique et plus durable. Les Assises du tourisme durable se tiendront les 1er et 2 juillet prochains. En amont, des groupes de travail seront organisés autour de 7 thématiques dont les transports, l’emploi, la résilience ou encore la transition écologique, pour élaborer des propositions et commencer le travail.

LPA : Votre programme est donc chargé, et vous semblez très optimiste, n’avez-vous pas peur d’être freiné ou déçu par la réalité ?

J.-F.R. : Pas du tout, je sais dans quelles missions je m’engage, j’y vais à fond, comme j’ai toujours eu l’habitude de le faire durant ma carrière et surtout j’y vais avec toutes mes convictions. J’ai beaucoup d’ambitions, mais aussi une vraie envie de faire avancer les problématiques touristiques. Prendre la présidence de l’OTCP, ce n’est pas avoir des places VIP pour Roland-Garros ou les Jeux olympiques, c’est porter un projet et tout faire pour qu’il s’applique.

LPA 20 Mai. 2021, n° 200h9, p.6

Référence : LPA 20 Mai. 2021, n° 200h9, p.6

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