Tourisme dans le Val-d’Oise : capitaliser sur une clientèle de proximité
Directeur de Val-d’Oise Tourisme, agence de développement et de réservations touristiques dans le Val-d’Oise (95), Vincent Charlier, a intégré celle-ci en mai 2019 après avoir été responsable de développement de projets touristiques dans l’Oise. Il a pour mission d’en transformer la structure et de la mettre en adéquation avec le plan de développement 2018-2022 du département. Il revient sur les ambitions de cette stratégie basée autour de trois mots-clés : structurer, qualifier, attirer.
Les Petites Affiches : Val-d’Oise Tourisme comporte quatre domaines d’activité. Pouvez-vous nous les détailler ?
Vincent Charlier : D’abord, nous avons pour mission l’observation et la production d’études, avec cette idée de mieux comprendre pour mieux agir. Ensuite, notre activité principale est l’accompagnement de porteurs de projets dans la création ou la régénération, que ce soient des acteurs privés ou publics de l’ensemble de la chaîne de prestation touristique. Le troisième volet concerne la promotion et la communication pour œuvrer au rayonnement du territoire. Enfin, nous avions, jusqu’au 31 décembre dernier, la possibilité de réaliser des ventes en interne via une agence de voyages et nous avons volontairement abandonné ce champ pour nous positionner en amont de la chaîne de création de valeur, devenir business developer et faire de la prospection. C’est notre partie offensive. Quant à la partie défensive, on régénère les offres pour les adapter aux clients actuels. Nous avons une vocation plus complète, qui fait notre cohérence, d’œuvrer pour le développement économique du territoire. Si on devait garder deux grands indicateurs, nous garderions l’économique et le social, c’est-à-dire l’emploi.
LPA : La stratégie 2018-2022 a identifié 4 zones touristiques : le Vexin français, la Vallée de l’Oise, Roissy, Carnelle et le Pays de France, et enfin les Rives de Seine et la forêt de Montmorency. Pourquoi cette innovation ?
V.C. : Le Val-d’Oise a à peine plus de 50 ans. C’est un département qui n’a pas d’identité unique. Le Vexin, un parc national très protégé, rural, n’a pas les mêmes possibilités de développement qu’Argenteuil ou Roissy. La question qui se pose est donc : « Qu’est-ce que le Val d’Oise ? Quelle est son histoire ? ». Le Val-d’Oise n’est pas une destination, c’est le premier enseignement. C’est le même principe en Gironde : on va à Bordeaux ou sur la dune du Pilat, mais pas « en Gironde ». C’est ce travail par destination que nous avons mené. Par exemple, on a ce nom de Vexin qui résonne depuis 1 300 ans et qui s’oppose au Vexin normand. Il y a une assise historique sur laquelle on peut capitaliser. Globalement, ce qui fait destination c’est un territoire géographique qui fait sens avec une puissance d’évocation, des offres adaptées à la clientèle ainsi que la notion de gouvernance. On travaille ces questions en interne avec nos expertises et nos histoires.
LPA : Qu’entendez-vous par « notion de gouvernance » ?
V. C. : La compétence tourisme, comme la culture, est très partagée à différents degrés. La ville d’Enghien détient la compétence tourisme et non pas son intercommunalité, comme Roissy : l’appréciation de la compétence est donc différente, c’est lié à l’histoire des territoires. La loi NOTRe a tenté de rebattre les cartes et a eu un impact pour les départements puisqu’ils ont perdu des compétences pour financer le privé. Le conseil départemental du Val-d’Oise adopte tout de même une démarche de soutien, notamment avec les trophées de l’innovation.
LPA : Comment se sont déroulés les trophées de l’innovation cette année ?
V.C. : Ils ont été décalés en raison du Covid-19. Le comité de sélection a donc eu lieu au mois de juin dernier. L’idée est de faire en sorte que de plus en plus d’acteurs profitent de ce fonds et de travailler la qualité des dossiers pour prendre en compte les attentes et les besoins des clients. Cette année, 15 projets étaient en compétition. L’un d’eux a dû être abandonné à cause du coronavirus. 11 projets ont été lauréats et ont bénéficié d’environ 200 000 € au total. C’est un dispositif assez généreux même si toute l’enveloppe n’a pas été consommée.
LPA : Comment sélectionnez-vous les lauréats ?
V.C. : La stratégie départementale est de travailler sur la destination autour de quatre thèmes : les itinérances, le cyclo et le fluvial, la digitalisation du secteur au sens très large et le développement à l’international. Parmi nos lauréats, nous avons par exemple soutenu l’office de tourisme d’Auvers-sur-Oise, avec qui nous avons travaillé sur une nouvelle offre reposant sur « Ask Mona », une solution qui s’appuie sur Messenger et un chatbot pour interagir et apporter du contenu à une visite. Ou encore le musée d’Histoire locale de Viarmes qui a travaillé sur une ambiance olfactive pour faire ressentir les odeurs d’encre, de bois, etc.
LPA : Quel enjeu considérez-vous comme une priorité pour le développement touristique dans le Val-d’Oise ?
V.C. : Globalement, ce qu’il manque c’est une pleine cohérence de l’itinérance pour faire en sorte que les personnes puissent parcourir des grands itinéraires de façon fluide. Avec les vélos et les voies vertes, les bateaux promenade, les bateaux croisière, etc. C’est un enjeu national, pour ainsi dire.
LPA : Le confinement et la crise du Covid-19 ont-ils fortement bouleversé votre stratégie ?
V.C. : Le confinement a généré beaucoup de frustrations et d’envies d’ailleurs. Le déconfinement a entraîné une curiosité de ce qu’il se passe autour de nous, notamment en termes de contenu dans les médias. Le rayon des 100 km a permis l’éclairage de ce qu’il y a à proximité, les joyaux à côté de chez soi. Cela a par exemple bénéficié aux gîtes et chambres d’hôtes dans le Vexin. Mais nous avons subi la perte de la clientèle étrangère. Pour le pôle Roissy, cela a été extrêmement dur. Actuellement, seulement 40 % des vols provenant de l’étranger sont encore programmés pour l’aéroport Paris-Roissy. L’offre est liée à la demande qui n’est pas encore dynamique. Nous avons aussi eu l’arrêt des groupes constitués, des CCAS ou des clubs de troisième âge. Cela a été dramatique pour les guides conférenciers. Nous avons essayé de les faire travailler sur des podcasts pour les aider et susciter de l’intérêt pour notre territoire et donner envie de sortir de chez soi pour découvrir le territoire.
LPA : Les chiffres du tourisme estival ont été meilleurs que les prévisions pour certaines régions. Votre clientèle a-t-elle tout de même été modifiée ?
V.C. : Si on exclut la clientèle internationale et les groupes, on voit que les pertes ont été compensées par une clientèle individuelle, donc il y a eu une belle fréquentation des sites. Notre enjeu sera de capitaliser sur cette nouvelle clientèle de proximité. Nous allons travailler notre notoriété autour des départements voisins. Nous avons des partenariats et des échanges avec le Japon habituellement…
LPA : Les Jeux Olympiques 2024 font partie des grands événements attendus pour le tourisme en Île-de-France. Val-d’Oise Tourisme garde-t-il cet horizon en ligne de mire ?
V.C. : Nous restons suspendus à la situation sanitaire internationale. Nous avons appris le choix de la délégation américaine de s’installer dans le sud du département, à Eaubonne, pour s’entraîner et séjourner. Les Américains font partie de notre clientèle phare donc il y aura une réflexion de fond à mener autour de ce marché : des familles passionnées par le sport qui pourraient en profiter pour découvrir le territoire, par exemple en imaginant un achat groupé de visites culturelles et de billets pour les événements sportifs. Nous travaillons avec le Comité régional du tourisme et Atout France qui ont des bureaux à l’étranger et peuvent être d’une grande aide en ce sens. Mais nous œuvrons dans un secteur qui souffre. 2019 a été notre année de référence… Pour retrouver les chiffres d’avant, cela va être compliqué. Il va falloir beaucoup de travail pour comprendre les nouvelles attentes.