Tribunal de Pontoise : « Il lui donnait des coups de poing, il y avait beaucoup de sang »
Hichem, 35 ans, est prévenu d’avoir commis des violences sur sa femme, en récidive, en présence de leur fils. Il était en fuite depuis huit mois lorsqu’il a été contrôlé par hasard. À l’audience, il fait pénitence.
Le 8 novembre 2024, Hichem est contrôlé au volant de son véhicule. Aux policiers, il donne un faux nom. Mais son véhicule n’est pas assuré, et les policiers le placent en garde à vue. Ils découvrent qu’il est recherché depuis le 11 mars pour des violences contre sa conjointe. Dans la plainte initiale, ils découvrent l’appel d’un enfant de 10 ans : « Papa est en train de frapper maman. »
La plainte d’Aicha* fait état de coups au visage, qu’il continue à lui porter même quand elle est au sol. Dans son audition, le fils du couple raconte : « Maman a dit ‘arrête j’ai rien fait’, j’ai descendu les escaliers, elle était allongée, il lui donnait des coups de poing, il y avait beaucoup de sang dans le couloir. » Finalement, la mère parvient à donner un téléphone à son fils, qui compose le 17. Hichem s’enfuit à l’étranger. Aïcha présentera 14 jours d’ITT et 15 jours d’ITT psychologique.
Le 14 novembre, il est dans un box. Une ancienne peine a été mise à exécution et il va purger six mois. Il a été condamné deux fois pour des violences conjugales sur Aïcha, déjà. Ils sont en couple depuis 13 ans. À chaque fois, elle a accepté qu’il revienne parce qu’il « avait changé ». L’expert psychiatre qui l’a examiné dit de lui : « Il est impulsif et a une tendance à la manipulation. » Devant les gendarmes, il n’a pas reconnu les faits.
« C’est honteux de faire ça devant un enfant »
Dans son box, Hichem est très calme. La présidente : « On va peut-être passer rapidement sur le défaut d’assurance ? On va revenir sur les faits de violence. Qu’est-ce que vous dites à cette audience ?
— Je regrette les faits, je ne voulais pas que ça en arrive là. Je devais voyager, j’étais particulièrement stressé ce jour-là. Elle m’a insulté, je l’ai insultée, j’ai craqué, je vous le dis. J’ai regretté amèrement mes gestes. À l’époque, j’avais des problèmes d’addiction aux stupéfiants. Ensuite, je suis parti à l’étranger, et il n’y a pas un jour où je n’ai pas regretté. Chaque soir, je pleurais, mes enfants me manquaient.
— Donc, si je comprends bien, à cette audience vous reconnaissez les faits. Est-ce que vous êtes d’accord avec ce que dit la victime ?
— Oui.
— Qu’est-ce qui fait que vous reconnaissez les faits aujourd’hui ?
— Au début, j’avais peur de la prison. Mais quand on a tort, il faut l’assumer, c’est pour ça que ma version a changé.
— Vous reconnaissez que votre fils a été présent sur la fin de la scène ?
— C’est honteux de faire ça devant un enfant.
— Vous pensez que ce sont les stupéfiants, le motif du passage à l’acte ?
— Non, c’est une tension générale.
— Vous aviez déjà eu une obligation de soins en 2021 ?
— Oui, ça m’avait fait du bien à l’époque. Est-ce que j’aurais besoin de plus d’aide aujourd’hui ? Peut-être.
— Le tribunal entend vos regrets aujourd’hui, mais quelle assurance que les faits ne vont pas se reproduire ?
— J’ai arrêté mes addictions. L’éloignement nous a fait du bien. Quand je suis rentré, on est partis tous ensemble au Futuroscope. Récemment, elle voulait aller au Mexique et je suis resté garder les enfants. Mon fils, je lui ai organisé un super anniversaire, on a passé neuf jours formidables. Mais je sais qu’il faut qu’on soit séparés, notre relation est toxique. Moi je ne veux que le bien de mes enfants. »
Il est assez rare d’entendre dans cette salle d’audience un homme violent reconnaitre à ce point les violences commises contre sa conjointe, ne pas en contester le moindre détail et faire preuve d’une contrition adéquate. Est-ce une stratégie ?
L’avocate de la partie civile en est convaincue. Elle estime que sa cliente est sous l’emprise totale d’Hichem, et qu’il est un danger pour elle et leur fils. Le procureur est également méfiant. « Je vais prendre en compte la résipiscence de Monsieur, sur laquelle je m’interroge, à la lueur à la fois des conclusions de l’expert psychiatre et au son que cela donne à mes oreilles. Qu’elle soit feinte ou réelle, peu importe. Je voudrais qu’on se remette dans la situation du 11 mars 2024. »
« Les individus qui se passent les nerfs sur leur conjointe, ça m’est intolérable »
« Dire que la relation est toxique, c’est un mot bien commode pour témoigner de la répétition de la violence à la fois verbale, mais aussi physique, reprend le procureur. Regardez le visage de Madame, il est en page 48, même en noir et blanc, c’est éloquent. Quatorze jours d’ITT, ce n’est pas rien. Moi, les individus qui se passent les nerfs sur leur conjointe, ça m’est intolérable, et c’est intolérable à la société. Intolérable de considérer qu’un être humain puisse être exécutoire. » Il demande deux ans de prison dont six mois avec sursis probatoire.
« Quoi qu’il dise, il a tort ! » lance son avocat. Certes. « Mais au-delà des faits, les relations se sont normalisées. Il a gardé les enfants pendant son voyage au Mexique, c’est elle qui a repris contact ! Il paye tout, car elle ne travaille pas. Elle va continuer à vivre avec lui malgré l’ordonnance de protection obtenue en septembre », et on ne comprend pas pourquoi l’avocat de la défense plaide ce qui pourrait inciter le tribunal, pour protéger une femme qui pourrait effectivement être sous emprise, à prolonger la détention de son client. Tout de même, il ajoute : « il s’occupe de sa mère atteinte d’un cancer », et de ce fait demande un aménagement de sa peine ab initio.
Le tribunal l’a condamné aux réquisitions. Sa mère, présente dans la salle, n’a pu réprimer un petit cri.
Référence : AJU482700