Protection des mineurs contre les infractions sexuelles : que veut exactement la CEDH ?
La cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, le 24 avril dernier, à indemniser trois requérantes au motif qu’elle ne les avait pas protégées effectivement contre les abus sexuels alors qu’elles étaient mineures. La magistrate Valérie-Odile Dervieux décrypte pour nous cette décision qui soulève de nombreuses et importantes questions.
La Cour Européenne des droits de l’homme (la Cour), dans son arrêt du 24 avril 2025 (requêtes no 46949/21, n° 24989/22 et n° 39759/22) condamne, à l’unanimité, au visa des articles 3[1], 8[2] et, au surplus, dans l’une d’elle (n° 46949/21), de l’article 14[3] de la Convention européenne des droits de l’Homme » (Convention), la France à indemniser 3 requérantes pour manquement aux obligations positives d’appliquer effectivement un système pénal apte à réprimer les actes sexuels non consentis par des mineures, compte tenu du cadre juridique alors applicable et de l’application qui en a été faite aux cas d’espèces
La Cour fait ainsi partiellement droit aux trois requêtes des 17 septembre 2021, 12 mai 2022 et 6 août 2022, dénonçant le droit et la pratique français qui ne leur auraient ni assuré une protection effective contre le viol, ni une prise en considération adéquate leur qualité de mineures et de leur situation de vulnérabilité au moment des faits, ni (pour les première et troisième requérantes) promptement satisfait à leur obligation d’enquêter et de sanctionner les auteurs des infractions dénoncées et aurait au surplus exposé la première requérante à une victimisation secondaire et à un traitement discriminatoire.
Qu’en est-il plus précisément dans chaque espèce ?
S’agissant de la requête no 46949/21
Le 31 août 2010, la requérante porte plainte dans un commissariat du chef de viol commis en 2009 alors qu’elle était âgée de 14 ans, par deux sapeurs-pompiers de 21 ans.
Le cadre juridique était celui de l’article 222-22-1 dernier alinéa du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 3 août 2018 qui dispose que lorsque les faits sont commis sur un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise « sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ».
Les investigations immédiatement diligentées montrent une jeune fille psychologiquement fragile, prise en charge médicalement et très isolée en raison de harcèlements scolaires.
Le 4 mars 2011, une information judiciaire est ouverte à l’encontre d’un sapeur-pompier et de deux de ses amis des chefs de viols et agressions sexuelles en réunion sur mineure de quinze ans et personne vulnérable.
Par ordonnance du 19 juillet 2019, le juge d’instruction prononce une relaxe partielle, requalifie les faits en atteintes sexuelles commises sans violence, menace, contrainte ni surprise sur mineure de quinze ans et ordonne le renvoi des trois prévenus devant le tribunal correctionnel.
Sur pourvoi contre l’arrêt confirmatif de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles du 12 novembre 2020, la Cour de cassation considère que les motifs retenus par la chambre de l’instruction, relèvent de leur appréciation souveraine des éléments de la procédure et sont « exempts d’insuffisance comme de contradiction ».
Le 1ᵉʳ février 2022, la cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi, prononce un non-lieu partiel. Sur second pourvoi des parties civiles, par arrêt du 18 mai 2022, la Cour de cassation déclare les pourvois non admis.
La CEDH critique les décisions judiciaires sur les points suivants :
- absence de mise en balance suffisante entre le comportement de la requérante et les effets des circonstances environnantes sur celle-ci, et notamment les éléments caractérisant la particulière vulnérabilité (13 ans, fragilité psychologique et médicale).
- « graves défaillances » du raisonnement de la cour d’appel en ce qui concerne l’appréciation du discernement suffisant de L. pour consentir réellement à des actes sexuels répétés avec plusieurs partenaires compte tenu de cette extrême vulnérabilité.
S’agissant de l’exigence d’effectivité de l’enquête, la Cour déplore :
- la durée de la procédure (11 ans et presque neuf mois entre le dépôt de sa plainte le 31 août 2010 et l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2022) ;
- une victimisation secondaire caractérisée par la dégradation de l’état de santé de la requérante durant la procédure ;
- des manquements des autorités nationales à leur obligation de protéger la dignité de l’intéressée, en l’exposant à des propos culpabilisants, moralisateurs et véhiculant des stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice inopérants et attentatoires à la dignité de la requérante tant lors de la plainte que dans la motivation de la chambre de l’instruction, la Cour de cassation ne s’étant pas prononcée sur ce point malgré l’invocation devant elle des articles 3, 8 et 14 de la Convention et de la Convention d’Istanbul.
S’agissant de la requête n° 24989/22
Le 27 mai 2020, les parents d’une adolescente âgée de 14 ans et 10 mois, signalent à la gendarmerie de Forbach la disparition de leur fille depuis la veille au soir.
Elle revient le lendemain « en état d’ivresse manifeste » et dans l’incapacité de répondre aux questions.
La plaignante étant mineure de quinze ans à la date des faits dénoncés, le cadre juridique applicable était, comme dans la première requête, défini par les dispositions du dernier alinéa de l’article 222-22-1 du Code pénal.
Des poursuites pénales à l’encontre de deux hommes de 21 et 29 ans sous la qualification d’atteintes sexuelles commises sans violence, contrainte, menace, ni surprise, par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans sont engagées.
Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal correctionnel estime que les faits sont de nature criminelle (viols aggravés), se déclare incompétent et renvoie le ministère public à mieux se pourvoir. Par arrêt du 18 mars 2021, la cour d’appel infirme le jugement et relaxe les prévenus.
Sur pourvoi, par décision du 16 février 2022, la Cour de cassation déclare le pourvoi non admis.
La CEDH estime que, dans son évaluation du consentement de la requérante, la cour d’appel, dont la solution n’a pas été remise en cause par la Cour de cassation, a considéré, que, compte tenu de son comportement, les personnes mises en cause pouvaient légitimement considérer qu’elle était consentante, que rien n’établissait qu’ils avaient agi par violence, contrainte, menace ou surprise.
Pour ce faire, les juges d’appel ont retenu l’absence d’altération du discernement de H.B. par l’effet de l’alcool au moment de jeux sexualisés dès lors qu’elle n’avait jamais évoqué une perte de conscience ou une privation de volonté, mais uniquement des sentiments de remords.
La cour d’appel s’est abstenue d’apprécier l’effet sur la conscience et le comportement de la requérante de sa très forte alcoolisation, alors même qu’elle avait déclaré, tout au long de la procédure pénale, qu’elle « n’aurait jamais fait ça » si elle « n’avait pas consommé d’alcool », qu’elle n’avait pas de souvenirs précis de l’enchaînement des faits, qu’elle avait fait référence à un « accord donné dans un état second » et à une situation « d’abus » de cet accord dès ses premières déclarations aux enquêteurs le jour des faits.
S’agissant de la requête n° 39759/22
Le 13 août 2013, la requérante de 22 ans, porte plainte auprès du commissariat à l’encontre d’un homme pour des actes répétés de pénétrations sexuelles non consentis commis dans la nuit du 10 au 11 janvier 2008 à l’issue d’une fête organisée à son domicile alors qu’elle était âgée de 16 ans et le mis en cause de 18 ans.
La plaignante étant mineure de plus de 15 ans à la date des faits dénoncés, le cadre juridique applicable était fixé par les dispositions des articles 222-23 et 222-22-1 du Code pénal selon lesquels la contrainte morale ou la surprise peuvent être caractérisées par un écart d’âge significatif entre l’auteur majeur et la victime mineure.
En l’espèce, les juridictions internes ont écarté cette hypothèse, en raison du faible écart d’âge entre la requérante (16 ans) et la personne mise en cause (tout juste 18 ans).
L’enquête, entamée le jour même, aboutit le 6 janvier 2015 à un classement sans suite au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée s’agissant de l’élément intentionnel.
Le 3 novembre 2016, une plainte avec constitution de partie civile entraine une information judiciaire du chef de viol. Le 29 mai 2020, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu aux motifs, malgré le traumatisme de la victime, que l’information n’a permis de caractériser ni les actes de violence, contrainte, menace ou surprise du viol au sens de l’article 222-23 du CP, ni l’intention de A.H. de forcer le consentement de la requérante.
Sur pourvoi de la requérante contre l’arrêt confirmatif du 18 mai 2021 de la chambre de l’instruction, la Cour de cassation, par arrêt du 6 avril 2022, déclare le pourvoi en cassation non admis.
La Cour estime que l’appréciation des faits dénoncés par la cour d’appel s’est principalement fondée sur les déclarations du mis en cause sans attribuer le même poids à celles de la requérante ni procéder à aucune évaluation contextuelle de celles-ci.
Que bien que la consommation d’alcool et d’autres toxiques fût établie par les deux protagonistes, cette circonstance, tout comme la virginité de la jeune fille, n’a pas été retenue, par les juges internes, comme un élément qui plaçait la requérante dans une situation de particulière vulnérabilité.
La CEDH estime « inopérant et au demeurant inapproprié des stéréotypes de genre auxquels ils ont eu recours ».
La CEDH estime que les juges d’appel ont caractérisé le consentement de la requérante en se fondant principalement sur son comportement passif et son absence d’opposition physique sans prendre dûment en compte ni sa particulière vulnérabilité ni son état psychologique, à rebours des connaissances actuelles relatives au comportement des victimes de viol notamment lorsqu’elles sont jeunes.
La CEDH critique la décision de la Cour de cassation en ce qu’elle n’a pas remédié à « ces défaillances ».
La Cour ajoute que le défaut d’effectivité de la procédure judiciaire résulte de la durée de procédure pénale (huit ans et huit mois avant d’aboutir à un non-lieu au renvoi de la personne mise en cause devant une juridiction de jugement) qui révèlerait en soi « un manque de diligence dans la conduite de la procédure pénale en cause, alors que l’affaire ne présentait pas de complexité particulière ».
Conclusions de la CEDH sur le traitement des 3 procédures
La Cour estime que dans chacune des trois requêtes,
- les autorités d’enquête et les juridictions internes ont failli à protéger, de manière adéquate, les requérantes qui dénonçaient des actes de viols alors qu’elles n’étaient âgées que de 13, 14 et 16 ans au moment des faits ;
- Les juridictions internes n’ont pas dûment analysé l’effet de toutes les circonstances environnantes ni n’ont suffisamment tenu compte, dans leur appréciation du discernement et du consentement des requérantes, de la situation de particulière vulnérabilité dans laquelle elles se trouvaient, en particulier eu égard à leur minorité.
Pour deux des requêtes, la Cour dénonce 1’absence de célérité et de diligence dans la conduite de la procédure pénale.
La Cour « rappelle que « le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances » et que, compte tenu du cadre juridique alors applicable et de l’application qui en a été faite, la France :
- a manqué à ses obligations positives qui lui imposaient, eu égard aux exigences résultant de sa jurisprudence et à la lumière des standards internationaux, d’appliquer effectivement un système pénal apte à réprimer les actes sexuels non consentis ;
- n’a pas respecté ses obligations positives à l’égard des trois requérantes et, partant, qu’il y a eu violation des articles 3 et 8 de la Convention dans chacune des trois requêtes.
- S’agissant de la requête n° 46949/21, qu’il y a eu violation de l’article 14 combiné avec les articles 3 et 8 précités.
QUESTIONS ET OBSERVATIONS
La Cour, dans sa décision, interroge la position de la France dans le traitement des infractions sexuelles :
- Comment évaluer le délai raisonnable des procédures ?
- Quelle place pour le consentement dans la définition des infractions ?
- Quelles limites aux investigations et notamment aux questions pouvant être posées aux victimes ?
- Quelle sanction pour les motivations discriminatoires de décision de justice ?
La décision interpelle également sur la nature et le domaine du contrôle opéré par la Cour européenne des droits de l’homme.
Rejuger ?
La Cour se livre à une analyse très pointilliste des procédures soumises, voire à une nouvelle appréciation des faits de la procédure. L’absence de contradictoire, puisque les personnes mises en cause dans le cadre des procédures ne sont pas attraites devant la Cour, devient ainsi un sujet.
De fait si la Cour assure ne peut pas entendre réévaluer la culpabilité des mis en cause,
« Elle (la Cour) rappelle qu’elle n’est pas appelée à statuer sur la responsabilité pénale des auteurs des faits litigieux et que ses constats ne sauraient donc être interprétés comme un avis sur la culpabilité des personnes mises en cause. »
force est de constater, qu’en estimant qu’une procédure « ne pose pas de difficulté particulière », ou que les déclarations des mis en cause sont « trop » prises en compte, un doute peut surgir.
La CEDH dispose-t-elle de l’entier dossier des procédures ?
L’absence de contradictoire est-il un sujet ?
La CEDH, 4ème degré de juridiction ?
Juger plus vite ?
Traditionnellement, la CEDH estime le caractère raisonnable de la durée d’une procédure en fonction des circonstances de la cause, eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, notamment la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et des autorités compétentes, l’enjeu du litige pour les intéressés [4].
La Cour estime ici que le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être aussi évalué à l’aune de la vulnérabilité de la victime :
« la particulière vulnérabilité de la requérante, attestée par les tentatives de suicide survenues avant et au cours de la procédure, impliquait de traiter le dossier avec une particulière diligence. » (Requête no 46949/21 et 39759/22)
Est-ce un nouveau critère ?
Redéfinir le viol ?
La Cour rappelle que le consentement doit être au cœur de la définition des infractions sexuelles :
« Le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient, la Cour considère que, compte tenu à la fois du cadre juridique alors applicable et de l’application qui en a été faite, l’État défendeur a manqué à ses obligations positives qui lui imposaient d’appliquer effectivement un système pénal apte à réprimer les actes sexuels non consentis ».
Elle rappelle également que :
- les États ont l’obligation d’adopter des dispositions pénales incriminant et réprimant de manière effective tout acte sexuel non consenti et d’appliquer ces dispositions au travers d’enquêtes et de poursuites effectives et ce, à la lumière des instruments internationaux, en particulier la Convention d’Istanbul;
- conformément aux normes et aux tendances contemporaines en la matière, dont celle consistant à considérer l’absence de consentement comme l’élément constitutif essentiel du viol et des violences sexuelles, la Cour estime que les États ont l’obligation d’incriminer et de réprimer effectivement tout acte sexuel non consenti, y compris lorsque la victime n’a pas opposé de résistance physique.
La condamnation de la Cour ne démontre-t-elle pas que la définition actuelle des infractions sexuelles en droit positif français n’est pas adaptée et est source d’insécurité juridique ?
S’agissant de la définition du viol et de l’introduction de l’absence de consentement dans les éléments constitutifs de l’infraction[5], la proposition de loi vise à intégrer l’absence de consentement de la victime dans la définition du viol et des autres agressions sexuelles devrait répondre à cette demande en :
- introduisant la notion de consentement dans la définition du viol ;
- précisant que l’absence de consentement ne peut être déduite du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».
Investiguer autrement ?
La recherche des preuves
La CEDH rappelle que même si, en pratique, il peut se révéler difficile de prouver l’absence de consentement sans preuves « directes » de viol (traces de violence ; témoins directs), les autorités doivent examiner tous les faits et statuer après s’être livrées à une appréciation de l’ensemble des circonstances, car l’enquête et ses conclusions doivent porter avant tout sur la question de l’absence de consentement (cf supra).
Les augmentations successives des délais de prescription et autres prescriptions glissantes imposent en toute occurrence de penser un droit de la preuve de plus en plus « indirect ».
Un challenge d’autant plus grand, que les principes de la présomption d’innocence et bien sûr le respect du contradictoire demeurent nécessairement.
Mieux protéger les mineurs ?
La nécessité de protéger les mineurs des infractions sexuelles, de les protéger tout court, est au cœur de nos actualités avec le rapport CIVISE du 17/11/23, le rapport Santiago rendu public le 8 avril dernier et les procédures qui animent l’actualité (Affaire Bétharram)
Observons que la nouvelle définition du viol issue de la loi du 21 avril 24 à l’origine du nouvel art 222-23-1 du Code pénal, qui instaure un seuil de non-consentement et criminalise tout acte de pénétration sexuelle ou tout acte bucco-génital intervenant entre un mineur âgé de moins de 15 ans et un majeur, aurait justifié une condamnation dans deux des trois procédures soumises à la CEDH.
Observons que la question du maintien de l’article 227-25 du Code pénal qui définit l’atteinte sexuelle d’un majeur sur un mineur comme « le fait, par un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans, hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle » est à nouveau posée.
S’agissant de la 3ᵉ procédure, elle a sans doute le mérite d’interroger, une nouvelle fois, la pertinence de la clause dite Roméo .
Victimisation secondaire
La CEDH relève que les procédures pénales relatives à des infractions à caractère sexuel sont souvent vécues comme une épreuve par la victime.
Elle préconise une conduite de la procédure qui préserve l’image, la dignité et la vie privée des victimes présumées de violences sexuelles, y compris par la non‑divulgation d’informations et de données personnelles sans relation avec les faits.
Peut-on limiter sur ces critères les demandes d’actes, les plaidoiries et les écrits de la défense ?
Comment ? Jusqu’où ? Sur quels fondements ?
Stéréotypes
La CEDH estime essentiel que les autorités internes évitent de « reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice, de minimiser les violences contre le genre et d’exposer les femmes à une victimisation secondaire en utilisant des propos culpabilisants et moralisants propres à décourager la confiance des victimes dans la justice » et ce d’autant plus que les victimes sont mineures[6] .
La CEDH souligne, à l’aune des évolutions « de la compréhension de la manière dont le viol est vécu, en particulier par les filles mineures », qu’elles n’opposent souvent aucune résistance physique en raison de divers facteurs psychologiques ou parce qu’elles craignent la violence de l’auteur.
La Cour estime donc qu’en l’espèce :
- certaines questions, relatives au comportement de la victime lors des faits, ne peuvent plus être posées (Requête no46949/21), les qualifient donc de « stéréotype de genre culpabilisateurs et de nature à disqualifier la parole de la requérante » ;
- certaines motivations relatives à la caractérisation du consentement qui se fondent « principalement sur son comportement passif et son absence d’opposition physique sans prendre dûment en compte ni sa particulière vulnérabilité ni son état psychologique, à rebours des connaissances actuelles relatives au comportement des victimes de viol notamment lorsqu’elles sont jeunes » ne sont pas pertinentes (Requête no39759/22 ) ;
- les motifs conclusifs de l’arrêt de la chambre de l’instruction du 12 novembre 2020, décrivant de manière caricaturale et péjorative les faits dénoncés par la requérante en faisant référence au « succès habituel auprès de la gent féminine [des sapeurs-pompiers] et [au] comportement parfois débridé de celle-ci à leur endroit » qui ne les auraient pas « incités à la réflexion » sont « parfaitement hors de propos », « inopérants, « attentatoires à la dignité de la requérante » et qualifient une discrimination fondée sur le sexe.
En constatant que la Cour de cassation ne s’était pas prononcée sur ce point malgré l’invocation devant elle des articles 3, 8 et 14 de la Convention et de la Convention d’Istanbul, la CEDH ne suggère-t’elle pas un nouveau motif de cassation via un contrôle de la « pertinence » voire de la « dignité » de la motivation ?
On le voit, la décision de la CEDH est très riche, mais aussi porteuse de très nombreuses interrogations.
Portée par l’« air du temps », elle interroge le juriste en ces termes : comment rétablir et préserver l’équilibre et jusqu’où ne pas aller trop loin ?
[1] Interdiction des traitements inhumains ou dégradants
[2] Interdiction des traitements inhumains ou dégradants
[3] Interdiction de la discrimination
[4] CEDH, 12 oct. 1992, Boddaert c. Belgique, rq. n°12919/87 ; CEDH, 27 nov. 1991, Kemmache c. France, rq. n°12325/86 et rq. n°14992/89,
[5] Définition du viol : osez le consentement !Actu juridique, 1/03/24, VO DERVIEUX
[6] Art 18 à 24 de la Convention de Lanzarote
Référence : AJU498539
