Richard Wissler : « Il faut suivre une méthode précise pour aborder un projet de rénovation énergétique »
Face au réchauffement climatique et pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, la rénovation énergétique des bâtiments est devenue un enjeu majeur. Dans les territoires, des organismes œuvrent au quotidien sur ce sujet. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) disposent d’équipe spécifique. C’est le cas dans le département du Val-de-Marne (94). Le CAUE 94 est situé à Maisons-Alfort. Au sein de cette structure, 8 personnes travaillent au sein de l’Agence de l’énergie. Alors comment ces acteurs locaux s’organisent-ils ? Quelles sont leurs activités ? Les éléments de réponse avec Richard Wissler, responsable de l’Agence de l’énergie du Val-de-Marne.
Actu-Juridique : Qu’est-ce que le conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement ?
Richard Wissler : Le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) est une association, créée par la loi sur l’architecture de 1977. À l’époque, les pouvoirs publics ont décidé que tout permis de construire devait être conçu et signé par un architecte. Une dérogation a été faite aux bâtiments dont la surface était inférieure à 170 m2 (150 m2 à l’heure actuelle). Face à cette situation, les CAUE ont été créés pour remplir une mission de service publique. Leur rôle est de diffuser de l’information, du conseil et de l’accompagnement aux personnes qui veulent conduire des projets d’extension, de surélévation de leur domicile ou de leur entreprise. Ces structures accompagnent aussi les collectivités locales pour l’évolution de leurs projets urbains, pour une meilleure connaissance de leurs équipements publics.
Actu-Juridique : Comment a été créée l’agence de l’énergie du CAUE du Val-de-Marne ?
Richard Wissler : En 2007, le CAUE du Val-de-Marne s’est posé la question sur ses missions par rapport à la maîtrise de l’énergie. Suite à des contacts avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et plusieurs collectivités comme Vitry-sur-Seine ou Choisy-le-Roi, nous avons créé l’Agence de l’énergie du CAUE du Val-de-Marne. Aujourd’hui, avec l’organisation de la métropole du Grand Paris, l’Agence de l’énergie 94 travaille sur deux établissements publics territoriaux : Grand Paris Sud-Est avenir et Grand-Orly Seine Bièvre. Le territoire de Grand Paris Sud-Est avenir regroupe 16 communes avec notamment Créteil, Boissy-Saint-Léger, Le Plessis Trevise ou encore Sucy-en-Brie. L’EPT Grand-Orly Seine Bièvre comprend 24 communes notamment Choisy-le-Roi, Ivry-sur-Seine, Rungis ou encore Orly et 6 communes situées dans le département de l’Essonne.
Actu-Juridique : Quelles sont les missions de l’agence de l’énergie du CAUE du Val-de-Marne ?
Richard Wissler : L’agence de l’énergie travaille sur tous les éléments et facteurs qui concourent à éviter le réchauffement planétaire. Nous proposons des mesures d’adaptation et d’atténuation. Nous sommes une équipe d’architectes, d’ingénieurs et d’urbanistes et travaillons sur le bâtiment durable dans sa globalité. Nous avons aussi une expertise sur les aspects urbains comme la mobilité, les différents types d’aménagement ou encore la nature dans la ville. Ce sont des éléments qui permettent de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Dans cette perspective, nous développons de plus en plus notre activité sur la sobriété énergétique des bâtiments. Travailler sur la consommation énergétique permet de réduire les émissions.
Mais aujourd’hui, avec les différents objectifs donnés par l’État, la région et les collectivités, nous travaillons énormément sur le sujet de la rénovation énergétique. Dans ce cadre-là, nous avons le programme SARE, c’est-à-dire Service d’accompagnement à la rénovation énergétique, mis en place début 2021 au sein de l’Agence de l’énergie du Val-de-Marne. Il est défini par l’Ademe en harmonie avec l’objectif de l’État de fournir 500 000 logements rénovés par an au niveau national. Nous diffusons des informations et proposons un accompagnement aux porteurs de projet de rénovation énergétique. C’est une nouvelle mission pour nous qui nous occupe énormément. Mais, nous continuons à accompagner les collectivités locales sur leur politique urbaine et sur leur politique de réduction de consommation énergétique. Nous avons aussi des actions auprès des écoles ou encore des professionnels du bâtiment.
Actu-Juridique : Comment la prise en compte du sujet climatique et énergétique a-t-elle évolué depuis la création de votre agence en 2007 ?
Richard Wissler : Aujourd’hui, pour réduire sa consommation énergétique, le particulier doit engager des travaux. Les travaux de rénovation et de réduction de la facture énergétique sont très coûteux. Face aux coûts importants, il y a peu de mesures d’aide financière prises à l’échelle de nos territoires, malgré la volonté politique. Les structures supracommunales comme le département ou la région financent le soutien aux structures de conseil comme la nôtre. Mais certaines financent assez peu les aides aux travaux. Aujourd’hui, il n’y a que l’État à travers les programmes de l’Ademe ou de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui financent les travaux pour les particuliers. Même s’il y a eu une amélioration ces dernières années, les ménages ont des difficultés à engager des travaux de rénovation énergétique à cause du reste à charge.
Une particularité tout de même sur notre territoire, une seule commune offre des aides aux travaux. Il s’agit de Chevilly-Larue. Depuis des années, la municipalité s’engage dans des aides pour la rénovation thermique des combles perdus jusqu’à 1 500 €. Pour accélérer la rénovation énergétique des logements des particuliers, les différentes échelles des territoires devraient cofinancer le reste à charge des particuliers. Si on additionnait les aides de l’État et des territoires, nous pourrions réduire de façon importante le reste à charge des travaux de rénovation énergétique.
Actu-Juridique : Quel est le besoin majeur aujourd’hui des ménages dans le cadre de la rénovation énergétique ?
Richard Wissler : Les ménages ont besoin d’être accompagnés dans leur projet de rénovation énergétique. Nous devons être à leur côté, leur donner des conseils gratuits, neutres et indépendants. Ainsi, ils peuvent évoluer dans les différentes étapes. Les ménages ont besoin d’être pris en main dans les phases diagnostic, maîtrise d’œuvre et la réalisation des différents travaux. Nous avons environ 2 500 contacts par an. Ce sont des personnes qui demandent des conseils et de l’information. Au niveau de l’accompagnement, c’est en train de se mettre en place à travers le programme SARE.
Actu-Juridique : Quels sont les outils que vous utilisez pour accompagner les particuliers ?
Richard Wissler : Il y a différentes plateformes de la rénovation énergétique qui existent. D’abord CoachCopro, créée il y a une dizaine d’année par l’Agence parisienne du climat et destinée aux copropriétaires. Ce système nous permet de rester en contact permanent avec le référent énergétique de la copropriété. À tout moment, il peut nous mobiliser et avoir accès à différentes ressources et réponses sur la manière de contacter un bureau d’études pour faire un diagnostic, de lire un diagnostic et tirer les conclusions, pour choisir un scénario de travaux en fonction des aides financières mobilisables. Ces choix sont stratégiques et un particulier non-professionnel ne peut pas le faire lui-même. L’accompagnement est donc essentiel. Pour les maisons individuelles, le même système s’est mis en place avec la plateforme Pass’Réno Habitat. Sur notre territoire de compétence, nous avons 100 000 maisons individuelles à traiter. Uniquement sur Grand-Orly Seine Bièvre, il y a 70 000 maisons individuelles, dont 54 000 qui ont été construites avant 1974.
Actu-Juridique : Quelles sont les principales interrogations des particuliers ?
Richard Wissler : La première question posée c’est « Connaissez-vous une entreprise pour faire les travaux ? ». Ce n’est pas la bonne question à poser directement. L’autre question fondamentale qui nous est posée c’est au sujet des aides financières. Tous les travaux ne sont pas éligibles à des subventions. Les deux tiers des contacts que nous avons avec des particuliers touchent ce sujet. Nous donnons donc des explications à ce propos. Souvent, nous sommes sollicités pour des changements de fenêtres, des isolations thermiques ou un changement de chaudière. Dans tous les cas, par rapport à ces questions, nous leur indiquons qu’une bonne rénovation énergétique d’un habitat se fait toujours globalement. Nous étudions tous les facteurs puis nous les priorisons par la suite.
Actu-Juridique : Si je suis un particulier et que je souhaite mener des travaux énergétiques, par où dois-je commencer ?
Richard Wissler : Il est nécessaire de suivre une méthode précise pour aborder une rénovation énergétique. Avant tout travaux thermiques ou sur les énergies renouvelables, il faut s’assurer de la sobriété du bâtiment, c’est-à-dire une parfaite isolation du clos et du couvert pour réduire au maximum les besoins énergétiques du bâtiment. Cela concerne les murs, les fenêtres, les toits, les planchers. Pour cela, un diagnostic énergétique est nécessaire et important.
Ensuite, dans un second temps, une réflexion sur l’efficacité énergétique des équipements peut être engagée : des questions sur l’adaptation de la chaudière, ou l’installation d’une pompe à chaleur ou d’un poêle à bois. Passées ces deux étapes, on peut étudier la possibilité d’utiliser des énergies renouvelables.
Plusieurs scénarios de travaux sont proposés avec plusieurs possibilités de gain énergétique. Ces scénarios donnent accès à plusieurs aides et subventions publiques pour financer en partie le projet. Des travaux plus ambitieux au niveau énergétique sont plus coûteux mais permettent de bénéficier d’aides financières supplémentaires. Un plan de financement est transmis ensuite pour permettre de choisir le scénario définitif. Les différentes subventions apparaissent sur ce document. Il permet aussi de demander des prêts pour financer ces travaux.
Actu-Juridique : Quels sont les défis de demain pour l’agence de l’énergie du CAUE du Val-de-Marne ?
Richard Wissler : Jusqu’à présent, nous travaillions principalement sur la réduction de la consommation énergétique. Aujourd’hui, l’empreinte carbone des bâtiments s’impose comme un indicateur décisif. Les émissions de gaz à effet de serre sont un nouveau critère avec la consommation énergétique, dans le cadre des travaux et pendant le fonctionnement du bâtiment. C’est essentiel notamment dans le choix des matériaux utilisés et sur la qualité de la démarche pendant la conception, le chantier, la construction et la déconstruction d’un bâtiment. Il faut donc une vision globale. Cette vision s’inscrit dans une stratégie qui se met en place avec la nouvelle réglementation environnementale 2020 (RE2020), applicable depuis le 1er janvier 2022.
L’autre enjeu pour nous c’est de permettre à l’ensemble de la population de réduire sa facture énergétique même pour ceux qui ne sont pas en situation d’engager des travaux de rénovation énergétique. Il s’agit alors d’accompagner ces ménages dans des programmes de soutien à domicile qui leur permettront de mieux maîtriser leur consommation d’énergie.
Référence : AJU005d8