Seine-Saint-Denis et Paris : l’encadrement des loyers mal respecté

Publié le 12/11/2024
Seine-Saint-Denis et Paris : l’encadrement des loyers mal respecté
Antonio/AdobeStock

En 2024, près de la moitié des annonces de location de logement ne respectent pas l’encadrement des loyers dans le département de la Seine-Saint-Denis (93), une situation dégradée par rapport à l’année précédente. À Paris, le taux d’annonces illégales atteint presque un tiers.

En Seine-Saint-Denis (93), 47 % des annonces de location de logements ne respectent pas le plafond d’encadrement des loyers, révèle l’association nationale de défense des consommateurs et usagers CLCV (Consommation Logement Cadre de vie) dans son enquête Encadrement des Loyers 2024, publiée en septembre 2024, portant sur 800 annonces en Seine-Saint-Denis, et 1 000 à Paris. « Il s‘agit de l’un des taux de conformité les plus bas jamais constatés, après 2018 ».

Un dispositif spécifique

Le dispositif d’encadrement des loyers concerne les locations de logements nus ou meublés tant qu’ils constituent la résidence principale du locataire, les lieux devant être occupés 8 mois par an, sauf cas particuliers (obligations professionnelles, raisons de santé…). Il ne s’applique pas aux locations saisonnières ni aux logements de fonction. Le dispositif étudié ici est celui qui s’applique spécifiquement à Paris et, en Seine-Saint-Denis, dans les zones d’Est ensemble et de Plaine commune. Sont donc concernées les communes suivantes : Aubervilliers, Bagnolet, Bobigny, Bondy, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, Les Lilas, Montreuil, Noisy,-le-Sec, Pantin, Pierrefitte-sur-Seine, Le Pré Saint Gervais, Romainville, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse. Ces règles encadrent notamment le complément de loyer, les loyers de référence minorés et majorés. Le bailleur qui ne respecte pas l’encadrement des loyers peut se voir infliger une amende administrative de 5 000 euros, au plus, 15 000 euros s’il s’agit d’une personne morale.

La situation se dégrade surtout pour les meublés

L’année 2024 marque un recul dans la bonne application de l’encadrement des loyers, puisqu’en 2023, le taux d’annonces illégales était de 31 %. À Paris, les résultats sont meilleurs avec 29 % d’annonces non conformes. Si on cumule les annonces parisiennes et séquano-dyonisiennes, le taux de non-conformité s’élève à 37 %. Cette tendance met fin à plusieurs années de progression continue. Les locations meublées sont les plus touchées, avec un taux d’annonces illégales qui flambe à 61 % en Seine-Saint-Denis, et à 32 % à Paris. En moyenne, les loyers mensuels dépassent de 149, 83 euros, en Seine-Saint-Denis. C’est donc un surcoût de 1 797, 96 euros par an qui est réclamé au locataire en toute illégalité. À Paris, le surcoût mensuel s’élève à 170,62 euros (2047, 44 euros par an). Dans le 93, certaines annonces vont bien plus loin que ce surcoût moyen, l’association a en effet relevé le loyer d’un studio de 20 m² à 1 300 euros quand il ne pouvait dépasser 642,50 euros, c’est-à-dire une différence de 657,50 euros par mois, 7 890 euros à l’année ! Pour justifier de leur dépassement, les propriétaires évoquent l’argument des caractéristiques exceptionnelles. Mais ils l’appliquent à des éléments qui n’en sont vraisemblablement pas, comme la présence d’un ascenseur dans l’immeuble, d’une cave et du bon état général du logement.

L’explosion des meublés : un effet JO ?

Pour expliquer cette dégradation, l’association y voit un effet des Jeux olympiques (JO). « Certains bailleurs, peu scrupuleux, n’avaient d’ailleurs pas hésité à délivrer des congés à leurs locataires afin de libérer leurs logements pour espérer le louer à des touristes à des loyers plus ou moins élevés ». Sans parler d’annus horribilis, ce recul n’en demeure pas moins important, qui plus est dans une agglomération qui compte un public fragile économiquement. Autrefois minoritaires, les meublés, sont désormais quasiment à égalité avec les locations nues. Pour l’heure, CLCV reconnaît ne pas être en mesure de conclure à l’aspect pérenne de cette réelle transformation du marché. L’association regrette cette situation qui limite considérablement le choix des ménages qui recherchent une location nue. Elle constate par ailleurs que les grands logements (3 ou 4 pièces) n’échappent pas à ce phénomène, alors que les locations meublées étaient auparavant traditionnellement réservées aux studios et aux logements composés de deux pièces. Or le taux de conformité des locations meublées en Seine-Saint-Denis est le plus mauvais score jamais constaté depuis la réalisation de cette étude. « Si le taux de conformité des locations nues est tout juste correct avec 65 %, il plonge littéralement pour les locations meublées avec un score de 39 % ».

Un recours abusif au bail mobilité et au bail civil

Le contournement de la loi ne se limite pas au complément de loyer non justifié. Il passe également par le recours en hausse au bail mobilité. Créé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Elan, le bail mobilité est un contrat de location de courte durée, entre 1 et 10 mois, d’un logement meublé donnant plus de flexibilité au bailleur et facilite l’accès au logement, notamment, à des étudiants ou des personnes en mobilité professionnelle. En pratique, ces contrats sont souvent utilisés pour contourner l’encadrement des loyers, en partant du principe erroné qu’il s’agit d’une location saisonnière. Idem pour le recours au développement des baux « Code civil » ou bail de droit commun, qui ne sont pas destinés à la résidence principale. Prévu par les articles 1713 à 1778 du Code civil, ces baux sont marqués par une grande souplesse puisque les parties sont libres de négocier tous les aspects de la location comme la durée, le délai de préavis, le montant du loyer ou du dépôt de garantie. Ils peuvent être choisis lorsqu’aucune réglementation spécifique n’est applicable, type bail d’habitation, bail commercial ou professionnel.

Les propositions de la CLCV

Forte de ces constats, la CLCV propose trois mesures fortes : la pérennisation de l’encadrement des loyers. L’association plaide aussi pour l’interdiction du complément de loyer pour les logements ayant une superficie inférieure ou égale à 14 m² et dans le cadre d’un bail mobilité. Enfin, elle préconise la création d’un modèle type de petite annonce avec l’instauration de sanctions en cas de non-respect et l’obligation d’y préciser les motifs justifiant l’application d’un complément de loyer.

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