2018 : quel impôt pour les revenus fonciers ?
Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Mais quel sera le traitement pour les revenus et charges foncières perçus au cours de l’année 2018 qui est dite « année blanche » ?
Jusqu’à présent, l’impôt sur le revenu est acquitté avec une année de décalage par rapport à la perception des revenus. Ce calendrier change au 1er janvier 2019, avec l’entrée en vigueur du prélèvement à la source. Le but de cette mesure consiste principalement à rendre le paiement de l’impôt contemporain de la perception des revenus. Afin d’éviter un risque de double imposition en 2019 avec un prélèvement à la source correspondant aux revenus de 2019 et un impôt à acquitter sur les revenus 2018, il a été décidé de ne pas imposer les revenus de 2018. Le législateur a prévu à cet effet un crédit d’impôt exceptionnel de modernisation du recouvrement (CIMR). On parle donc d’année blanche pour 2018, puisque les revenus ne seront pas imposés. L’investisseur immobilier doit se poser les bonnes questions pour que cette année blanche n’impacte pas défavorablement la gestion de ses revenus fonciers.
4,6 millions de foyers concernés
Sur l’ensemble des 36,1 millions de foyers fiscaux, 13 % d’entre eux déclarent des revenus fonciers, soit 4,6 millions de foyers. Ils représentent une assiette de 31,2 milliards d’euros, soit 3,3 % de l’assiette totale de l’impôt sur le revenu, environ 960 milliards d’euros. L’assiette nette est répartie entre le régime micro-foncier, soit 5,5 milliards d’euros et le régime réel, soit 25,7 milliards d’euros. Près de 82 % des titulaires de revenus fonciers déclarent des revenus nets fonciers inférieurs à 10 000 euros. Sur les 4,6 millions de foyers déclarant des revenus fonciers, environ 82 % déclarent par ailleurs des revenus strictement positifs. Le produit de l’impôt sur le revenu sur les revenus fonciers représente 4,5 milliards d’euros, auquel il faut ajouter 5,2 milliards d’euros au titre des prélèvements sociaux, soit un produit total de 9,7 milliards d’euros. Il se répartit entre le régime au réel, c’est-à-dire 4,2 milliards d’euros de produit, et le régime micro-foncier, à savoir 0,3 milliard d’euros. Pour 1,5 % des 17,5 millions de foyers imposables, soit 250 000 personnes, les revenus fonciers constituent les revenus majoritaires.
Des revenus irréguliers
Sur près de 4,8 millions de foyers titulaires de revenus fonciers suivis entre les années 2014 et 2015 et ayant effectivement déclaré des revenus fonciers, environ 34 % d’entre eux, soit 1,6 million de foyers environ, ont vu ces revenus diminuer entre ces deux années, la baisse médiane étant de 17,8 %, dont environ 0,8 million ont vu ces revenus diminuer de plus de 30 %. En revanche, environ 44 % d’entre eux, soit 2,1 millions de foyers environ, ont vu ces revenus augmenter entre ces deux années, dont environ 1,1 million ont vu ces revenus augmenter de plus de 30 %. Sur près de 3,6 millions de foyers imposables titulaires de revenus fonciers suivis entre les années 2014 et 2015 et ayant effectivement déclaré au moins l’un de ces revenus (positif ou négatif) au titre de l’une des deux années, environ 33 % d’entre eux, soit 1,2 million de foyers environ, ont vu ces revenus diminuer entre ces deux années, dont environ 0,5 million ont vu ces revenus diminuer de plus de 30 %. Environ 45 % d’entre eux, soit 1,6 million de foyers environ, ont vu ces revenus augmenter entre ces deux années, dont environ 0,8 million ont vu ces revenus augmenter de plus de 30 %. Absence de revenus entre deux locations, imputation des charges par nature irrégulière en particulier en cas de réalisation de travaux, etc. : les revenus fonciers peuvent présenter une certaine irrégularité. On pouvait s’interroger sur l’opportunité de soumettre au champ du prélèvement à la source les revenus fonciers. Cependant, pour le gouvernement, il était essentiel qu’ils fassent l’objet d’un prélèvement à la source par souci de cohérence globale et dans un souci de lisibilité globale de la réforme. Deux options ont été étudiées et écartées par le gouvernement : la mise en œuvre d’un acompte contemporain calculé par le contribuable lui-même sur la base de ses revenus fonciers de l’année en cours et une majoration du prélèvement contemporain auquel le redevable est soumis au titre de la part dominante de ses revenus.
Revenus exceptionnels ou récurrents ?
Le CIMR ne s’appliquera qu’aux revenus fonciers récurrents, les autres revenus feront l’objet d’une régularisation au moment du solde de l’impôt à l’été 2019. Autrement dit, les loyers dus et perçus en 2018 ne seront pas soumis à l’impôt sur le revenu. En revanche, les revenus immobiliers exceptionnels, comme les plus-values immobilières, seront imposées en 2019. Conformément à l’article 150 U du CGI, les plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques domiciliées en France sont soumises, au titre de l’impôt sur le revenu, à un prélèvement proportionnel de 19 % auquel il convient d’ajouter la perception des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global de 15,5 %. Conformément à l’article 150 VG du GI, une déclaration retraçant les éléments nécessaires à la liquidation de l’impôt doit être déposée, en général par les soins du notaire, à l’appui d’une demande d’enregistrement au service de publicité foncière. Compte tenu de ce prélèvement, qui est déjà en pratique opéré à la source sous le contrôle d’une personne assermentée et dont le fonctionnement actuel ne soulève pas de problèmes, le gouvernement a opté pour le maintien de ces revenus hors du champ du prélèvement à la source.
Sont également considérés comme des revenus exceptionnels les indemnités « pas-de-porte » perçues par un propriétaire, c’est-à-dire un supplément de loyer perçu à l’entrée dans les lieux ou le supplément de loyer résultant de l’attribution gratuite en fin de bail des aménagements effectués par le preneur. Il en est de même de revenus comme des arriérés éventuels de loyers dus en 2017 et perçus en 2018. Cependant ces revenus exceptionnels de 2018 seront taxés au taux moyen d’imposition et non au taux marginal d’imposition, ce qui aboutira à une taxation plus favorable. C’est un facteur d’optimisation à prendre en compte. En outre, les réductions d’impôt obtenues grâce à des dispositifs d’investissements locatifs, comme le dispositif Pinel par exemple, pourront le cas échéant venir réduire encore cette facture fiscale.
Les revenus fonciers en provenance de l’étranger
Les plus-values immobilières perçues par un résident fiscal français en provenance de l’étranger sont donc également placés hors du champ de la réforme. S’agissant des revenus fonciers, les conventions fiscales liant la France prévoient en règle générale qu’ils sont imposables dans l’État dans lequel l’immeuble est situé. Les revenus fonciers que des résidents fiscaux français pourraient tirer d’immeubles situés à l’étranger sont donc, en principe et sous réserve de conventions particulières, placés hors du champ de la réforme du prélèvement à la source dans la mesure où ils sont imposés à l’étranger. Cette question ne se pose que pour les résidents fiscaux français soumis à une obligation fiscale illimitée, quelle que soit la source géographique de leurs revenus. Ils s’agit au sens de l’article 4 B du CGI, des personnes considérées comme ayant leur résidence fiscale en France, c’est-à-dire des personnes, qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Quel traitement pour les charges déductibles ?
Intérêts d’emprunt, frais d’assurances, charges de copropriété, frais de gestion, travaux d’entretien, rénovation ou de remise en état : le traitement de ces différentes charges dépend de leur nature. Les charges courantes de 2018 subissent le même sort que les revenus récurrents de 2018. Ils sont à déclarer mais ne sont en réalité pas pris en compte dans le cadre du mécanisme de l’année blanche. Il s’agit notamment des dépenses de réparation et d’entretien, les primes d’assurance, les dépenses supportées pour le compte du locataire, les dépenses d’amélioration, les impositions de toute nature incombant au propriétaire, les intérêts de dettes contractées pour l’acquisition ou la conservation du bien, les frais de gestion et de gardiennage, les dépenses supportées par un fonds de placement immobilier. Seront également pris en compte les amortissements spécifiques (Périssol, Borloo, etc.) en faveur de l’investissement locatif dans la détermination de ce revenu net foncier.
Quant aux travaux qui correspondent à des dépenses exceptionnelles, en l’absence de revenus exceptionnels, ils ne sont pas a priori imputables. Attention cependant à ne pas les différer de façon artificielle en 2019 car Bercy a prévu un mécanisme anti-optimisation qui dans la plupart des cas limite le montant des travaux déductible à la moyenne des travaux payés en 2018 et 2019. D’un point de vue patrimonial, il peut être judicieux de ne les réaliser qu’à partir de 2020.
Report de déficit foncier
Effectuer des travaux constitue également une opportunité de créer un déficit reportable. Rappelons qu’en 2018 comme en 2019, l’investisseur garde la possibilité d’imputer les déficits fonciers sur son revenu global dans la limite de 10 700 euros hors intérêts d’emprunts. En 2018, il a ainsi la possibilité d’imputer ce déficit sur les revenus qui ne sont pas soumis au prélèvement à la source (dividendes, plus-values immobilières, etc.). Et, si un déficit foncier supérieur à 10 700 euros est imputé en 2018, l’investisseur a la possibilité de bénéficier pour l’année 2019 non seulement du report du déficit mais également de la prise en compte de 50 % de ces travaux pour la détermination de ses revenus nets fonciers de 2019. À cet égard, réaliser des travaux importants en 2018 peut permettre à certains propriétaires de bénéficier d’un véritable effet de levier sur le montant de leurs déficits reportables.
Prélèvements sociaux
Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine représentaient 8,6 milliards d’euros en 2015, en augmentation de 5,8 % par rapport à 2014. Les revenus fonciers sont imposés aux prélèvements sociaux au taux global de 15,5 %. Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine font désormais l’objet d’un prélèvement à la source concomitant au versement de l’acompte de PAS. Cette mesure ne s’applique qu’aux revenus entrant dans le champ de l’acompte prévu par le présent article. A contrario, les prélèvements sociaux pesant sur des revenus du patrimoine qui n’entrent pas dans le champ de la présente réforme restent prélevés par voie de rôle en année N + 1. C’est notamment le cas des plus-values immobilières.