Cinq ans après, quel bilan pour la réforme du prélèvement à la source ?
En 2019, avec la réforme du prélèvement à la source notre système de l’impôt sur le revenu a connu une réforme majeure. Cette réforme s’est révélée être un succès pour l’administration fiscale tout en facilitant le quotidien des particuliers même si des marges de progression subsistent notamment pour améliorer encore la contemporanéité de l’impôt.
La réforme du prélèvement à la source (PAS) a été mise en œuvre depuis le 1er janvier 2019, conformément à l’ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017, avec pour double objectif de simplifier les démarches des usagers et d’améliorer le recouvrement de l’impôt.
Le principe de la réforme du PAS
Le prélèvement à la source consiste à déduire l’impôt avant versement du revenu : le montant de l’impôt est prélevé chaque mois sur le bulletin de paie du contribuable. Ainsi, le paiement est étalé sur douze mois et le décalage d’un an supprimé. Les indépendants paient, quant à eux, leur impôt sur le revenu par acompte, calculé et prélevé automatiquement chaque mois ou chaque trimestre par l’administration fiscale. À la demande du contribuable, le montant de l’acompte peut être modifié en cas de variation du revenu ou interrompu en cas de cessation d’activité. De plus, l’impôt s’adapte automatiquement au montant des revenus perçus. Le contribuable continue à déclarer chaque année au printemps les revenus de l’année précédente à l’administration fiscale. Le calcul du taux de prélèvement s’appuie sur les données renseignées dans la déclaration : revenus, personnes à charge, charges déductibles, dépenses ouvrant droit à crédit d’impôt, etc. En effet, si la perception des revenus et le paiement de l’impôt coïncident, en revanche le taux de prélèvement est calculé sur les revenus de l’année n -2 déclarés au printemps de l’année n -1, avec une actualisation en septembre. Ainsi, suite à la déclaration de revenus faite au printemps 2023, le montant définitif de l’impôt dû au titre des revenus 2020 est calculé par l’administration fiscale. Si un écart apparaît avec l’impôt prélevé à la source, le contribuable est remboursé ou doit s’acquitter du solde. Il est à noter que l’article 155 de la loi de finances pour 2020 dispense de déclaration annuelle les foyers fiscaux dont la déclaration ne nécessite pas de compléments ou rectifications. Il s’agit d’une déclaration tacite, sans aucune démarche à effectuer.
Une réforme majeure
Le prélèvement à la source constitue un changement majeur de mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu. Ce mode de recouvrement consiste à prélever l’impôt en même temps que le contribuable perçoit les revenus sur lesquels porte l’impôt. Le PAS vise donc à rendre le recouvrement de l’impôt contemporain, en limitant autant que possible les restitutions ou compléments d’impôt calculés par l’administration à partir de la déclaration de revenus de l’année suivante. « Le prélèvement à la source est l’une des réformes fiscales les plus importantes de ces dernières années, par son impact sur la vie quotidienne des Français et par sa mise en œuvre en un peu plus de quatre ans, alors qu’elle était pendant longtemps réputée impossible, souligne la Cour des comptes (Cour des comptes, La mise en œuvre du prélèvement à la source, janvier 2022). Ce projet apparaît globalement comme une réussite, « tant dans son rapport coût-rendement favorable que par son taux d’approbation élevé auprès de la population », précisent les sages de la rue Cambon.
Cinq ans après, un bilan très positif
Cinq ans après, le bilan de la réforme constitue un réel succès, conclut de son côté la DGFiP dans son dernier rapport d’activité publié en juin 2024. Premier enseignement : les employeurs ont été au rendez-vous, ce qui s’est traduit par un très bon niveau de civisme fiscal. Deuxième enseignement : les citoyens se sont, quant à eux, globalement approprié la réforme, puisque près de 3,6 millions d’actions ont été effectuées sur impots.gouv.fr en 2023 dans l’espace « Gérer mon prélèvement à la source », soit 1 million de plus qu’en 2019. Le recouvrement de l’impôt sur le revenu, dont le taux s’élève désormais à 99,6 %, est plus réactif et anticipé, offrant de ce fait une relation plus apaisée avec les contribuables. Les raisons d’un tel succès ? Pour les sages de la rue Cambon, cette réforme a bénéficié d’une conjonction de facteurs favorables, en particulier « son adossement à la déclaration sociale nominative (DSN), déclaration mensuelle unique issue directement des logiciels de paie. Cette opération a également permis de limiter le coût de la réforme, estimé à un peu moins de 215 M€, comprenant majoritairement des dépenses d’investissement dans les systèmes d’information ». Si son impact sur le taux de recouvrement global n’est pas encore mesurable, la réforme a permis une accélération du recouvrement de l’impôt et une plus grande réactivité à la conjoncture. « En permettant l’adaptation immédiate du prélèvement à l’évolution des revenus, le prélèvement à la source s’est révélé un instrument particulièrement adapté en temps de crise », précise encore la Cour des comptes.
Supprimer le décalage entre perception et imposition des revenus
Quotient familial, changement de situation en cours d’année mariage, divorce, les éléments qui impacte l’impôt sont nombreux. La réforme a eu pour intérêt de supprimer le décalage d’un an entre la perception et la taxation des revenus. En France, jusqu’alors l’impôt sur le revenu était décalé d’un an. Pour des situations stables, ce dispositif ne posait guère de problème mais en cas de changement de situation, chômage, retraite, changement de carrière et donc de perte de revenu, ce décalage s’avérait particulièrement préjudiciable. Et, il ne s’agit pas d’un cas d’école puisque « chaque année, environ cinq millions de foyers imposables subissaient une variation importante de leur revenu et du montant de leur impôt, à la suite d’un changement de situation personnelle ou professionnelle » (La documentation française, Les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France, mars 2007). Si la réforme du PAS a constitué un succès c’est sans doute parce que les contribuables ont adhéré en masse au principe d’une imposition des revenus la moins décalée possible par rapport à la date de perception de leurs revenus, une solution qui est leur est généralement plus avantageuse. À cet égard, la contemporanéité de l’impôt facilite sans doute l’adhésion des citoyens à l’impôt sur le revenu.
Un mécanisme de restitution des crédits d’impôts perfectionné
Au-delà d’une modification du mode de recouvrement, le prélèvement à la source s’est accompagné d’évolutions d’ensemble de la gestion de l’impôt sur le revenu, concernant par exemple les réductions et crédits d’impôts. L’impôt s’adapte désormais à la situation réelle des Français et cette contemporanéité est renforcée par un mécanisme de restitution des crédits d’impôts en début d’année, qui a bénéficié en 2023 à plus de 9 millions de foyers fiscaux, d’après les chiffres de la DGFiP. Les crédits d’impôts restent calculés sur la base des dépenses mentionnées dans la déclaration de revenus et versés avec une année de décalage : les crédits d’impôts ouverts au titre de 2023 seront versés en 2024. Cependant, un acompte est versé en janvier pour certains crédits et réductions d’impôts : emploi à domicile, garde d’enfants, hébergement en EHPAD, dons, cotisations syndicales et investissements locatifs. Il correspond à 60 % du montant de l’année précédente. Ainsi, en 2024, un acompte correspondant à 60 % du montant perçu en 2023 a été reversé en janvier aux contribuables concernés, le solde sera versé à l’été en fonction des dépenses 2023 déclarées au printemps 2024. Les bénéficiaires éligibles pour la première fois aux réductions/crédits d’impôt sur leurs dépenses 2023 recevront l’intégralité à l’été 2024. Ils ne sont pas concernés par l’acompte versé en janvier. De même, les crédits/réductions d’impôt non concernés par cet acompte seront restitués en totalité à l’été 2024. Depuis 2022, pour aller plus loin, le service « CESU Avance immédiate » de l’Urssaf permet aux usagers de bénéficier d’un crédit d’impôt immédiat pour les dépenses de service à la personne.
Changement de situation et modulation de taux de prélèvement
Des défauts de contemporanéité dus aux changements de revenus des foyers ou de situation familiale qui ne sont pas totalement pris en compte de manière automatique par le PAS subsistent. Le mécanisme des modulations permet une meilleure prise en compte de ces changements et donc d’améliorer la contemporanéité pour les foyers qui l’utilisent. Le taux de prélèvement est la seule information transmise à l’employeur par l’administration fiscale, qui reste l’interlocuteur unique du salarié. Dès la déclaration en ligne, le contribuable connaît le taux de prélèvement de son foyer fiscal. Celui-ci est repris sur l’avis d’impôt adressé chaque année en été. Le taux est appliqué au salaire, pension ou revenu de remplacement, et figure sur la fiche de paie. Le taux de prélèvement est actualisé chaque année en septembre en fonction de la déclaration des revenus effectuée au printemps. Tout changement de situation (mariage, naissance…) doit être signalé immédiatement à l’administration fiscale, qui modifie le taux de prélèvement. Le taux peut également être modifié en cours d’année à l’initiative du contribuable, à la hausse ou à la baisse. Cependant, cette modification de taux prend fin au 31 décembre et n’est pas reconduite automatiquement.
Contemporanéité : encore un effort ?
Au lendemain de la réforme, au titre des revenus perçus en 2019, près de trois foyers sur dix ont finalement perçu une restitution d’impôt de la part de l’administration fiscale d’un montant moyen de près de 700 euros, tandis que plus de deux foyers sur dix ont dû verser un complément d’un montant moyen de 1 350 euros. Dans l’ensemble, le prélèvement à la source a permis d’accroître la contemporanéité du paiement de l’impôt sur le revenu de 5,6 milliards d’euros, soit environ 7 % du montant total de cet impôt. Des foyers ont pu connaître une détérioration de la contemporanéité de leur impôt mais elle est globalement restée inférieure à l’amélioration qu’ont connue les autres foyers. Cependant, les décalages subsistent. Ainsi, lors de la campagne 2022, au total 13,7 millions de foyers fiscaux, soit 35 % d’entre eux ont bénéficié d’un remboursement pour un montant total de 11,5 milliards d’euros, soit au titre de d’une restitution de réductions ou crédits d’impôt soit parce que les prélèvements à la source, effectués tout au long de l’année, ont été supérieurs au montant final de leurs impôts. Cela peut être le cas si, par exemple, leurs revenus ont baissé et qu’ils ne l’ont pas signalé à l’administration fiscale ou s’ils ont tardé à déclarer la naissance d’un enfant qui leur donne droit à une demi-part supplémentaire. Dans ce cas, le montant remboursé correspond au trop versé d’impôt prélevé. 10,7 millions de foyers fiscaux, soit 28 % d’entre eux ont eu un reste à payer pour un total de 22,5 milliards d’euros. Pour ces contribuables, les prélèvements à la source, n’ont pas couvert le montant total de l’impôt soit parce que leurs revenus ont augmenté ou qu’ils bénéficiaient d’une avance de réductions ou crédits d’impôt trop importante par rapport à leurs dépenses réelles. Pour la Cour des comptes, « des marges de progrès subsistent cependant au niveau de la modulation du taux de prélèvement à la source, afin de l’adapter facilement et aussi précisément que possible à l’évolution de la situation de chacun ». Des simulations suggèrent qu’une utilisation plus large des modulations par les contribuables permettrait d’améliorer encore plus la contemporanéité.
Taux individualisé ou taux personnalisé ?
Pour la réforme du PAS, il a été prévu que le calcul de l’impôt reste attaché au foyer : par défaut, les membres du couple sont imposés au même taux. Cependant, il est possible d’opter pour un taux individualisé correspondant aux revenus individuels, le montant total de l’impôt versé par le couple restant inchangé. Cette option se fait en ligne, dans l’espace personnel du contribuable. Désormais, le prélèvement à la source se veut aussi vecteur de justice sociale notamment à travers le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes du 8 mars 2023 qui prévoit pour les couples mariés ou pacsés l’application par défaut d’un taux individualisé à partir de l’année 2025. Ce dispositif vise une répartition de la charge plus favorable au membre du couple qui connaît les revenus les plus faibles, le plus souvent la femme. En fiscalité, le diable se niche souvent dans les détails !
Référence : AJU014o7