Présentation du projet de loi de finances pour 2025
Le projet de loi de finances pour 2025 a été déposé le 10 octobre 2024 sur le bureau de l’Assemblée nationale. Pour réduire le déficit public et le ramener à 5 % du PIB en 2025, le texte budgétaire présente des « mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de freinage de la dépense, d’un montant très important ». Il entend faire participer de manière temporaire et exceptionnelle les plus grandes entreprises et les foyers aux revenus les plus élevés au redressement des comptes publics. Les débats actuels à l’Assemblée modifient sans cesse le texte mais certains grands axes sont à retenir, en attendant un vote définitif du texte avant la fin de l’année.
Le 10 octobre 2024, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, et le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, ont présenté en conseil des ministres le projet de loi de finances pour 2025. Ce texte budgétaire a prévu « des mesures d’ampleur » afin de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025, alors que celui-ci devrait atteindre 6,1 % en 20241. En l’absence de ces mesures, qui représentent au total un effort de 60 milliards d’euros (Md €), le déficit public pourrait s’élever, d’après le gouvernement, à environ 7 % du PIB dès 2025.
Cet effort significatif de redressement des comptes publics a été présenté par le Premier ministre Michel Barnier comme un effort « juste » et « équilibré »2. Selon le gouvernement, l’effort de consolidation budgétaire de 60 Md € se décompose en 40 Md € de réduction de dépenses et 20 Md € de hausse de prélèvements obligatoires. Ces proportions diffèrent de celles retenues par le Haut Conseil des finances publiques3 qui, sur la base de modes de calcul différents, estime que cet effort repose à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires (30 Md €) et à 30 % sur les dépenses (12 Md €).
Le budget 2025 marque une rupture par rapport aux budgets précédents qui ont été caractérisés par une baisse continue de la pression fiscale. La politique de l’offre, qui a été engagée à partir de 2017, a notamment consisté en une baisse massive d’impôts pour les entreprises4. « Nous ne changerons pas notre doctrine fiscale et notre politique de l’offre en faveur de l’emploi, de l’investissement et de l’activité » a cependant précisé le ministre de l’Économie Antoine Armand, le 10 octobre 2024. Ce dernier a souligné le caractère « temporaire, ciblé et exceptionnel » des hausses d’impôt en matière de fiscalité des entreprises.
Le texte budgétaire comporte des mesures fiscales concernant autant les entreprises que les particuliers. S’agissant des entreprises, on retiendra en particulier un nouveau report de la suppression progressive de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ainsi que l’instauration d’une contribution sur les bénéfices des plus grandes entreprises et d’une taxe sur les rachats d’actions. S’agissant des particuliers, on relèvera notamment la création d’une contribution différentielle sur les hauts revenus et la modification du régime des plus-values immobilières des loueurs en meublés non professionnels.
Il s’agira pour nous dans cette étude de présenter le projet de loi de finances pour 2025 qui a été adopté en conseil de ministres le 10 octobre 2024 et déposé le même jour sur le bureau de l’Assemblée nationale5. Nous examinerons successivement les grandes orientations du budget 2025 (I), ainsi que les principales mesures fiscales concernant les particuliers (II) et les entreprises (III).
I – Les grandes orientations du budget 2025
Nous présenterons les chiffres clés du budget 2025 (A) et l’avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) qui a estimé que le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement pour 2025 « est dans l’ensemble fragile » (B).
A – Les principales hypothèses et mesures du budget 2025
Le budget de l’État s’appuie sur une prévision de croissance de l’activité de 1,1 % comme en 2024. Cette prévision est légèrement inférieure à celle de l’OCDE et de la Banque de France (+ 1,2 %) ainsi qu’à celle de la Commission européenne et du FMI (+ 1,3 %).
Le déficit public devrait s’établir à 5 % du PIB en 2025 (art. liminaire). Afin de respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), le gouvernement a prévu un retour du déficit public sous le seuil de 3 % à l’horizon 2029. On rappellera à ce propos que, le 26 juillet 2024, le Conseil a approuvé la recommandation de la Commission européenne d’ouvrir une procédure pour déficit public excessif contre la France en raison du non-respect des règles relatives au déficit pour l’année 2023.
La dette publique devrait atteindre, en 2025, le « point haut » de 115 points de PIB observé en 2020 lors de la crise sanitaire.
La charge de la dette des administrations publiques devrait elle aussi augmenter et passer de 53 Md € en 2023 à 70 Md € en 2025.
Les dépenses publiques devraient, quant à elles, diminuer de 15 Md € et passer de 56,8 % du PIB en 2024 à 56,3 % du PIB en 2025. Le taux de prélèvements obligatoires devrait, lui, passer de 42,8 % du PIB en 2024 à 43,6 % du PIB en 2025. La loi de finances fixe, pour 2025, le déficit budgétaire de l’État à 135,6 Md € et évalue son besoin de financement à 306,7 Md €.
Enfin, la contribution de la France au budget de l’Union européenne est évaluée à 23 321 M € pour l’année 2025 (art. 40) ; un montant supérieur à celui qui avait été inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 (21 610 M €).
B – L’avis du Haut conseil des finances publiques
Dans son avis6 rendu le 8 octobre 2024, le HCFP a estimé que la prévision de croissance pour 2025 apparaît « un peu élevée compte tenu de l’orientation restrictive du scénario de finances publiques associé ». Il a également jugé que « la prévision d’inflation (+ 1,8 %) paraît un peu élevée au regard de l’ampleur du mouvement de désinflation observé depuis le début de [l’année 2024] ».
Le HCFP a relevé que « la prévision de déficit public de 5,0 points de PIB pour 2025 est fragile du fait de l’optimisme du scénario macroéconomique sur lequel elle repose et de l’ampleur des mesures à mettre en œuvre sans que celles-ci soient documentées à ce stade ». Selon le HCFP, « le risque est élevé qu’elle soit dépassée ».
S’agissant de la dette publique qui devrait s’élever à 115 % du PIB en 2025, le HCFP a rappelé que celle-ci s’est accrue fortement ces dernières années, faisant de la France le troisième État le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce et l’Italie.
Par ailleurs, en ce qui concerne « le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur lesquelles reposent le PLF (…) pour 2025, le Haut Conseil [a considéré] que, malgré ses demandes, l’information qui lui a été communiquée n’est pas suffisante pour apprécier les mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de freinage de la dépense, d’un montant très important ».
Enfin, le HCFP a souligné que la soutenabilité des finances publiques appelle « à une vigilance accrue » et à « des efforts immédiats et soutenus dans la durée ».
II – Les principales mesures fiscales intéressant les particuliers
Le texte budgétaire prévoit l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le niveau de l’inflation (A). Il instaure une contribution différentielle applicable à certains particuliers titulaires de hauts revenus qui sera codifiée à l’article 224 du CGI (B). Il permet de sécuriser les modalités d’imposition applicables aux personnes non-résidentes de France (C). Il modifie le régime fiscal de la location meublée non professionnelle (D). Il met en conformité le champ du taux réduit de TVA avec le droit de l’Union européenne (E).
A – L’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu
Afin de préserver le pouvoir d’achat des Français, il est procédé à l’indexation du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de l’évolution des prix hors tabac de 2024 par rapport à 2023, soit 2 % (art. 2). Le coût de cette mesure a été évalué à 3,7 Md €. Selon le gouvernement, elle devrait permettre d’éviter à près de 530 000 foyers d’entrer dans le champ de l’impôt sur le revenu7.
B – L’instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus
L’article 3 du projet de loi de finances vient créer une contribution temporaire et exceptionnelle permettant d’assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus. Ce mécanisme anti-optimisation fiscale8 concernera les contribuables assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)9, à savoir ceux dont le revenu fiscal de référence dépasse 250 000 € pour un célibataire et 500 000 € pour un couple. Cette contribution ne s’appliquera que pour l’imposition des revenus 2024, 2025 et 2026. Elle devrait rapporter 2 Md € en 2025. Selon l’exposé des motifs de l’article 3 du projet de loi de finances, elle ne concernera « que quelques dizaines de milliers de foyers aux revenus les plus élevés » et n’affectera « aucun foyer non imposable ».
La contribution différentielle sur les hauts revenus sera égale à la différence, lorsqu’elle est positive, entre le montant résultant de l’application d’un taux de 20 % au revenu fiscal de référence et le montant résultant de la somme de l’impôt sur le revenu et de la CEHR, ainsi que des prélèvements libératoires de l’impôt sur le revenu, majoré de 1 500 € par personne à charge et de 12 500 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
Un mécanisme de décote est prévu pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 330 000 € pour un célibataire et à 660 000 € pour les couples soumis à imposition commune.
C – La sécurisation des modalités d’imposition applicables aux personnes non-résidentes de France
La définition du domicile fiscal en France prévue à l’article 4 B du Code général des impôts (CGI) est précisée à la suite de l’arrêt du 5 février 2024 du Conseil d’État10. Dans cette décision, le juge administratif avait considéré que la condition de domiciliation fiscale hors de France entraînant l’application de la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères prévue à l’article 182 A du CGI devait s’apprécier au regard des dispositions de droit interne prévues à l’article 4 B du CGI, indépendamment de la « résidence fiscale » au sens des conventions fiscales internationales11.
Cependant, par un communiqué de presse du 29 avril 2024, l’administration fiscale avait exposé son désaccord avec cette jurisprudence qu’elle avait considérée comme étant susceptible de « rendre complexes les modalités d’imposition des revenus de source française des contribuables concernés et d’introduire de l’insécurité juridique pour les débiteurs des sommes versées »12. Elle avait également tenu à réaffirmer que « la primauté de la notion de résident en droit conventionnel sur celle de domicile fiscal en droit interne [restait] en vigueur ainsi que ses conséquences sur les modalités d’imposition, tel qu’exposé dans la documentation administrative (BOI-INT-DG-20-10-10-12/09/2012) ».
Le gouvernement a donc souhaité clarifier les modalités d’imposition applicables aux personnes non-résidentes de France. L’article 4 B du CGI précisera désormais que les personnes qui ne sont pas résidentes fiscales de France, par application des conventions internationales, ne peuvent pas être considérées comme ayant leur domicile fiscal en France (art. 23). Ce faisant, le texte budgétaire vient contredire la jurisprudence du Conseil d’État et légaliser la doctrine administrative selon laquelle la notion de résident en droit conventionnel doit l’emporter sur celle de domicile fiscal au sens du droit interne pour l’application des dispositions du CGI.
D – Le nouveau régime fiscal de la location meublée non professionnelle (LMNP)
Le gouvernement a voulu « corriger une spécificité du régime fiscal de la location meublée non professionnelle (LMNP) qui contribue aux tensions sur le marché locatif »13. Actuellement, les contribuables relevant du régime de la LMNP ont la possibilité, sous certaines conditions, de déduire de leurs recettes locatives imposables les amortissements afférents au logement loué sans que ceux-ci ne soient pris en compte dans le calcul de la plus-value lors de la cession dudit logement. Afin de garantir une plus grande égalité de traitement entre les loueurs professionnels et les loueurs non professionnels, l’article 24 du projet de loi de finances prévoit que les amortissements déduits pendant la période de location d’un bien seront désormais pris en compte lors de sa cession pour le calcul de la plus-value immobilière afférente. Cette nouvelle règle ne concernera pas les amortissements correspondant à des « dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration », conformément à l’article 150 VB, II, 4°, du CGI.
Enfin, les dispositions de l’article 24 du projet de loi s’appliqueront aux plus-values qui seront réalisées à raison des cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025.
E – La mise en cohérence avec le droit de l’Union européenne des taux réduits de TVA sur les opérations liées au chauffage
L’article 10 du projet de loi de finances vient mettre en conformité le champ du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la chaleur et le froid avec les évolutions du droit de l’Union européenne, notamment la directive (UE) n° 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments. Conformément à l’article 17 de cette directive européenne, il vient exclure la fourniture et l’installation de chaudières recourant à des énergies fossiles des taux réduits de 5,5 % ou 10 % de TVA prévus par les articles 278-0 bis A et 279-0 bis du CGI. Ces opérations se verront appliquer le taux normal de 20 % à compter du 1er janvier 2025. Les travaux d’entretien ou de réparation sur les chaudières existantes ne seront pas concernés et resteront éligibles aux taux réduits.
III – Les principales mesures fiscales intéressant les entreprises
Le texte budgétaire modifie le calendrier de la suppression progressive de la CVAE (A). Il instaure de manière temporaire une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (B). Il instaure également une contribution sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime (C) ainsi qu’une taxe sur les réductions de capital consécutives à un rachat d’actions (D). Enfin, le budget 2025, qui traduit « les engagements pris par l’État envers les agriculteurs »14, comporte des mesures concernant les entreprises agricoles (E).
A – L’aménagement de la suppression de la CVAE
L’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu la suppression progressive de la CVAE qui est perçue par le bloc communal et les départements. Cette suppression, qui a pour objectif « le soutien de l’activité économique et la reconquête industrielle », devait se faire en deux fois, sur 2023 et 2024. La cotisation due par les entreprises redevables, qui a été réduite de moitié en 2023, devait être supprimée pour l’ensemble des redevables en 2024. Mais afin de concilier la maîtrise de la situation des finances publiques et la poursuite de la réduction des impôts de production, le législateur a décidé de revenir sur ce calendrier. La loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a effectivement prévu d’échelonner sur quatre ans la suppression de la CVAE restante pour aboutir à sa suppression totale en 2027 (art. 79).
Le projet de loi de finances pour 2025 vient reporter une nouvelle fois le calendrier de la suppression de la CVAE. Son article 15 prévoit de reporter de trois années la poursuite de la trajectoire de suppression définitive de la CVAE, d’ici à 2030.
Les taux d’imposition à la CVAE seront maintenus à leur niveau de 2024 pour les années 2025 à 2027, soit, pour le taux maximal, à 0,28 %. Par la suite, ce taux sera abaissé à 0,19 % en 2028, 0,09 % en 2029, et la CVAE sera entièrement supprimée en 2030.
B – L’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises
L’une des mesures phares du projet de la loi de finances pour 2025 est la mise en place d’une contribution exceptionnelle et temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises au titre des deux premiers exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024 (art. 11).
Cette contribution exceptionnelle concernera les plus grandes entreprises dont le chiffre d’affaires réalisé en France est supérieur ou égal à 1 Md € et qui sont redevables de l’impôt sur les sociétés. Son assiette sera égale à l’impôt sur les sociétés « calculé sur l’ensemble des résultats imposables aux différents taux prévus à l’article 219 du CGI », déterminé avant imputation des réductions, crédits d’impôt et créances fiscales de toute nature15.
Deux niveaux d’imposition sont prévus pour cette nouvelle contribution qui devrait rapporter 12 Md € (8 Md € en 2025 et 4 Md € en 2026). Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 Md € et inférieur à 3 Md €, le taux de la contribution sera fixé à 20,6 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 10,3 % pour le second exercice clos à compter du 31 décembre 2024. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 3 Md €, ces taux seront respectivement portés à 41,2 % et à 20,6 %.
Un mécanisme de lissage est prévu afin d’éviter les effets de seuils de chiffre d’affaires. Il concernera les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les seuils d’assujettissement aux différents taux de moins de 100 M €.
La contribution exceptionnelle, qui ne sera pas déductible du résultat imposable des entreprises redevables, devra être payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard au versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés. Elle ne donnera pas lieu au paiement d’acomptes.
C – La création d’une contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime
Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une taxation exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime « pour tenir compte des modalités spécifiques d’imposition de ce secteur »16 (art. 12). Cette contribution exceptionnelle sera assise sur le résultat d’exploitation de l’entreprise déclaré au titre de l’exercice. Elle constituera un dispositif complémentaire à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises.
Elle concernera les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 Md € et s’appliquera au titre des deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024. Son taux sera fixé à 9 % pour le premier exercice et à 5,5 % pour le second.
Cette contribution exceptionnelle, qui ne sera pas déductible du résultat imposable des entreprises redevables, devra être payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard au versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
D – L’instauration pour les grandes entreprises d’une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres
Le texte budgétaire instaure une taxe sur les réductions de capital des grandes entreprises, qu’elles effectuent en annulant leurs propres actions rachetées (art. 26). Seront redevables de cette taxe, qui ne sera pas instituée à titre temporaire, les sociétés ayant leur siège en France et ayant réalisé au cours du dernier exercice clos un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 1 Md €.
Ce nouveau prélèvement ne s’appliquera pas aux réductions de capital réalisées afin de compenser une augmentation de capital en lien avec certains dispositifs d’intéressement des salariés. Il ne sera pas non plus applicable aux réductions de capital visant à faciliter une fusion ou une scission par rachat et annulation d’actions représentant au plus 0,25 % du montant du capital social.
La taxe sera assise sur la somme constituée par le montant de la réduction de capital et une fraction des sommes qui revêtent sur le plan comptable le caractère de primes liées au capital.
Cette nouvelle taxe, qui ne sera pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, sera applicable aux opérations de réductions de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024, date de présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres.
Avec cette taxe sur les rachats d’actions, qui sera calculée au taux de 8 %, il s’agit de « mettre à contribution les entreprises ayant un recours croissant à cette pratique leur permettant de distribuer une partie de leur excès de trésorerie à leurs actionnaires »17. Comme le rappelle le gouvernement, les rachats d’actions, opérations par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché, ont considérablement augmenté en France ces dernières années : ils sont passés de 23,7 Md € en 2022 à 30,1 Md € en 202318. On observera que les États-Unis ont instauré, depuis le 1er janvier 2023, une taxe de 1 % pour les entreprises qui rachètent leurs propres actions. Mais à la différence de la taxe américaine, la taxe prévue par le projet de loi de finances s’appliquera à la valeur nominale des titres, et non à la valeur d’achat, c’est-à-dire à la valeur juridique et comptable de l’action, qui a été fixée arbitrairement lors de la création de l’entreprise19.
E – Les mesures concernant les entreprises agricoles
Le texte budgétaire prévoit plusieurs mesures destinées à encourager la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs s’installant pour la première fois (art. 19). Il permet notamment le relèvement de 100 000 € des seuils de recettes prévus à l’article 151 septies du CGI ouvrant droit à l’exonération de la plus-value professionnelle dégagée en cas de cession d’une entreprise agricole, de ses branches complètes d’activités ou de l’ensemble de ses titres au profit d’un jeune agriculteur attributaire d’aides à la première installation.
Par ailleurs, le projet de loi de finances comporte des mesures visant à améliorer la compétitivité des exploitations agricoles. C’est le cas par exemple de l’augmentation de 20 à 30 % du taux de dégrèvement appliqué à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) sur les terres agricoles (art. 18).
Notes de bas de pages
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1.
Initialement, le déficit public était prévu non pas à 6,1 % mais à 4,4 % du PIB par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. On notera que le 15 octobre 2024, l’Assemblée nationale a ouvert la voie à la création d’une commission d’enquête sur ce dérapage des finances publiques.
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2.
Conférence de presse de Michel Barnier, 10 oct. 2024.
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3.
Avis n° HCFP – 2024 – 3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025, 8 oct. 2024.
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4.
La Cour des comptes a rappelé que « la période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 Md € en 2023, soit 2,2 points de PIB » (Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juill. 2024, p. 35).
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5.
AN, projet de loi de finances pour 2025, n° 324, 10 oct. 2024.
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6.
Avis n° HCFP – 2024 – 3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025, 8 oct. 2024.
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7.
V. Dossier de presse – projet de loi de finances pour 2025, p. 8.
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8.
Dans sa déclaration de politique générale prononcée le 1er octobre 2024 devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier a indiqué vouloir demander « une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables ».
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9.
La CEHR, qui a été créée par l’article 2 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, fonctionne comme une tranche additionnelle du barème de l’impôt sur le revenu. Elle est codifiée à l’article 223 sexies du CGI.
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10.
CE, 5 févr. 2024, n° 469771, sté Axa Technology Services.
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11.
V. ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, communiqué de presse n° 1809, 29 avr. 2024.
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12.
V. ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, communiqué de presse n° 1809, 29 avr. 2024.
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13.
AN, projet de loi de finances pour 2025, n° 324, 10 oct. 2024, p. 119.
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14.
V. ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, communiqué de presse, 10 oct. 2024.
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15.
AN, projet de loi de finances pour 2025, n° 324, 10 oct. 2024, p. 81.
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16.
V. Dossier de presse – projet de loi de finances pour 2025, p. 7.
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17.
V. Dossier de presse – projet de loi de finances pour 2025, p. 7.
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18.
AN, projet de loi de finances pour 2025, n° 324, 10 oct. 2024, p. 124.
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19.
V.-R. Imbach et L. Boudoussier, « Comment fonctionne la taxe sur le rachat d’actions ? », Le Monde, 7 oct. 2024 : https://lext.so/pOHFBZ.
Référence : AJU015v8