Taux d’imposition minimum : le compte à rebours est lancé

Publié le 21/04/2023
Sablier, compte à rebour
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Les entreprises doivent dès maintenant se préparer à la mise en place d’un taux d’imposition effectif minimum mondial de 15 %. La transposition au plan national de la directive qui vise les grands groupes exerçant leurs activités dans l’Union européenne est prévue pour la fin de l’année 2023.

La directive visant à garantir un taux d’imposition effectif minimum mondial de 15 % pour les grands groupes exerçant leurs activités dans l’Union européenne doit être transposée dans le droit national des États membres avant le 31 décembre 2023. L’année 2023 est donc une année décisive pour les entreprises concernées. En vue d’une première application de la réforme en 2024, elles doivent s’emparer dès maintenant du dispositif afin de mettre en place les process nécessaires à la collecte des informations pour le calcul de leurs taux effectifs d’imposition dans chaque juridiction.

Le rétroplanning de la réforme

C’est la concrétisation de l’engagement pris par l’Union européenne d’agir très rapidement et d’être parmi les premiers à mettre en œuvre l’accord global historique de réforme fiscale conclu par le cadre inclusif de l’OCDE et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). La directive doit être transposée en France au plus tard le 31 décembre 2023, pour pouvoir s’appliquer pour la première fois aux exercices fiscaux ouverts à compter du 31 décembre 2023 et aux exercices fiscaux ouverts à compter du 31 décembre 2024 pour la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés, puisque l’application de la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés a lieu un an plus tard. Pour les sociétés dont l’exercice est calé sur l’année civile, la réforme s’appliquera donc à compter de l’exercice 2024. Précisons que les États membres qui accueillent sur leur territoire les sièges de moins de douze groupes se trouvant dans le champ du dispositif peuvent choisir de ne pas appliquer cette réforme pendant six ans.

Un enjeu fiscal majeur

Le 8 octobre 2021, près de 140 pays du cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) sont en effet parvenus à un accord historique sur la réforme de la fiscalité internationale, ainsi que sur un plan de mise en œuvre détaillé. À l’hiver 2022, les États membres de l’Union européenne sont parvenus à un accord de principe concernant le Pilier 2, de la réforme sur la fiscalité internationale de l’OCDE. C’est une avancée majeure pour mettre en œuvre au niveau européen une imposition minimum pour les plus grandes entreprises. La mise en œuvre effective de la directive limitera le nivellement par le bas des taux d’imposition des sociétés. Les bénéfices des grandes multinationales et des sociétés ou groupes nationaux, dont le chiffre d’affaires annuel cumulé est d’au moins 750 millions d’euros, seront imposés à un taux d’imposition qui ne pourra pas être inférieur à 15 %. Les nouvelles règles réduiront le risque d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, et garantiront que les plus grands groupes multinationaux payent le taux minimum mondial convenu pour l’impôt sur les sociétés.

Pourquoi une telle réforme ?

Nombre de multinationales ont bénéficié de la mondialisation pour exploiter les règles du système de taxation internationale afin d’échapper à l’impôt. Dans ce contexte, la quête d’une plus grande justice fiscale est à l’origine d’une vaste réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) pour lutter contre l’optimisation fiscale des entreprises implantées en France, notamment les géants du numérique et permettre aux entreprises de payer des impôts dans les pays où elles exercent effectivement leurs activités. L’imposition minimale des sociétés est l’un des deux axes de travail convenus par les membres du cadre inclusif de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20 pour relever les défis fiscaux de l’économie numérique. Ils se sont employés à trouver une solution consensuelle à l’échelle mondiale pour réformer le cadre international en matière d’imposition des sociétés. Les discussions se sont donc articulées autour de deux grands thèmes :

– le pilier 1 qui porte sur la réattribution partielle des droits d’imposition des plus grandes multinationales aux juridictions où les bénéfices sont réalisés. L’élément essentiel de ce pilier sera une convention multilatérale. Les travaux techniques sur les modalités respectives sont en cours au sein du Cadre inclusif ;

– le pilier 2 appelé aussi Global Anti-Base Érosion (Globe) concerne le niveau minimum d’imposition des bénéfices des entreprises multinationales. Il comporte des règles visant à réduire les possibilités d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, afin que les plus grands groupes multinationaux des entreprises paient un taux minimum d’impôt sur les sociétés. La transcription juridique de ce pilier est désormais une directive européenne qui a été adoptée à l’unanimité par le vote favorable de l’ensemble des États membres et publiée en décembre dernier (directive 2022/2523 du 14 décembre 2022).

Champ d’application de la réforme

Les règles s’appliqueront à tous les grands groupes, d’envergure nationale et internationale, ce qui inclut le secteur financier, qui génèrent plus de 750 millions d’euros par an de recettes financières cumulées et disposent d’une société mère ou d’une filiale située dans un État membre de l’Union européenne. Sont concernés les groupes multinationaux d’entreprises dont le chiffre d’affaires annuel consolidé est supérieur ou égal à 750 millions d’euros sur deux des quatre exercices précédents. Pour les groupes nationaux atteignant ce seuil, l’imposition supplémentaire en résultant ne s’appliquera qu’à l’issue d’une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le groupe entre dans le champ d’application de la règle. La directive définit la méthode de calcul de taux d’imposition effectif par juridiction afin de garantir que les grands groupes présents dans l’Union européenne paieront un taux minimum de 15 % pour chaque juridiction dans laquelle ils exercent une activité. Conformément à l’accord du cadre inclusif de l’OCDE et du G20, les entités publiques, les organisations internationales ou sans but lucratif, les fonds de pension ou les fonds de placement qui sont des entités mères d’un groupe multinational ne relèvent pas du champ d’application de la directive relative au pilier 2 de l’OCDE.

Des règles d’exclusion

Des règles d’exclusion sont prévues. Ainsi, lorsque les recettes et les bénéfices dans une juridiction sont inférieurs à un montant minimal donné, aucun impôt supplémentaire ne sera dû sur les bénéfices du groupe générés dans cette juridiction, même si le taux d’imposition effectif est inférieur à 15 % (exclusion de minimis). Par ailleurs, les sociétés pourront exclure de l’impôt supplémentaire un montant de revenus correspondant au moins à 5 % de la valeur des actifs corporels et à 5 % des salaires (exception fondée sur la réalité économique). La justification politique d’une exception fondée sur la réalité économique est la volonté d’exclure un montant fixe de revenus en rapport avec des activités substantielles telles que les bâtiments et les personnes. Il s’agit d’un aspect commun des politiques en matière d’impôt sur les sociétés au niveau mondial, dont l’objectif est d’encourager les entreprises multinationales à investir dans la réalité économique dans une juridiction donnée. Cette exclusion porte également sur les règles concernant le revenu excédentaire, telles que celles relatives aux actifs incorporels, qui sont plus exposés à la planification fiscale. Pendant les 10 premières années, une règle transitoire est mise en place et celle-ci prévoit que l’exception fondée sur la réalité économique s’applique lorsqu’on atteint 8 % de la valeur comptable des actifs corporels et 10 % des coûts salariaux. Pour ce qui est des actifs corporels, le taux diminue chaque année de 0,2 % pendant les cinq premières années et de 0,4 % durant la période restante. En ce qui concerne les salaires, le taux diminue chaque année de 0,2 % pendant les cinq premières années et de 0,8 % durant la période restante.

L’accord exclut en outre du champ d’application les revenus générés par le transport maritime international, ce secteur spécifique étant soumis à des règles fiscales particulières. Les caractéristiques particulières du transport maritime international, telles que la forte intensité de capital, le niveau de rentabilité et le long cycle de vie économique, ont conduit un certain nombre de juridictions à mettre en place des régimes fiscaux de substitution pour ce secteur. La généralisation de ces régimes fiscaux de substitution implique que les activités du transport maritime international, souvent, ne relèvent pas du champ d’application de l’impôt sur les sociétés.

Le calcul du taux d’imposition effectif

Le taux d’imposition effectif est établi par juridiction en divisant les impôts payés par les entités dans la juridiction par les revenus de celles-ci. Si le taux d’imposition effectif applicable aux entités dans une juridiction donnée est inférieur au minimum de 15 %, alors les règles du pilier 2 sont appliquées et le groupe doit payer un impôt supplémentaire pour arriver à un taux de 15 %. Cette règle d’inclusion du revenu s’applique que la filiale se trouve dans un pays qui a adhéré ou non à l’accord international de l’OCDE et du G20. Les calculs seront effectués par l’entité mère ultime du groupe, sauf si le groupe désigne une autre entité. Si le taux minimum mondial n’est pas appliqué par un pays tiers dans lequel une entité d’un groupe est établie, les États membres appliqueront la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. Cela signifie qu’un État membre percevra effectivement une part de l’impôt supplémentaire dû au niveau de l’ensemble du groupe si certaines juridictions dans lesquelles les entités du groupe sont établies appliquent un taux d’imposition inférieur au niveau minimal et ne prélèvent aucun impôt supplémentaire. Le montant de l’impôt supplémentaire qu’un État membre percevra auprès des entités du groupe situées sur son territoire est déterminé au moyen d’une formule basée sur les salariés et les actifs.

Une mesure transitoire

Le 20 décembre dernier, une mesure transitoire a été publiée afin de dispenser les groupes multinationaux entrant dans le champ des règles GloBE, de faire l’ensemble des calculs nécessaires à la détermination de leur taux effectif d’imposition GloBE dans certaines juridictions. Il s’agit des juridictions non significatives pour le groupe ou présentant un faible risque de sous-imposition. Cette mesure devrait s’appliquer aux entreprises de l’Union européenne pour les exercices 2024, 2025 et 2026 lorsqu’ils sont calqués sur l’année civile. En pratique, aucun impôt supplémentaire ne devrait être dû par un groupe multinational au titre d’une juridiction si l’entreprise multinationale déclare dans cette juridiction un chiffre d’affaires de moins de 10 M€ et un résultat avant impôt de moins d’1 M€ sur son CBCR (exclusion de minimis) ou si le groupe a un taux effectif d’imposition simplifié supérieur ou égal à 15 % pour les exercices commençant en 2023 et 2024, 16 % pour les exercices commençant en 2025 et 17 % pour ceux commençant en 2026. Le taux effectif d’imposition simplifié est calculé en divisant la somme des impôts couverts par les règles GloBE, issus des états financiers du groupe, par le bénéfice du groupe avant impôt dans la juridiction concernée. De même, aucun impôt supplémentaire ne devrait être dû par un groupe multinational qui réalise dans la juridiction concernée un bénéfice inférieur à un niveau de bénéfice considéré comme courant. Le bénéfice avant impôt, tel qu’il ressort du CBCR, doit alors être comparé avec le montant du bénéfice considéré comme courant. Le bénéficie courant est calculé en faisant la somme d’un pourcentage de la valeur des actifs corporels et des frais de personnel des filiales du groupe situées dans la juridiction concernée. Pendant la période de transition aucune pénalité ou sanction ne devrait s’appliquer si une déclaration GloBE comporte des inexactitudes dans la mesure où le groupe a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’application correcte des règles GloBE.

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