Pour ses 50 ans, l’École nationale des greffes s’adapte à la hausse des emplois des greffiers

Publié le 16/07/2024

L’École nationale des greffes célèbre ses 50 ans. Créé en 1974 par un arrêté du 29 avril, cet établissement forme les greffiers et les directeurs des services de greffe judiciaires destinés à l’ensemble des juridictions. Les 11 000 greffiers actuellement en poste vont être renforcés par la création de près de 2 500 emplois temps plein suite à la loi de programmation et d’orientation du ministère de la Justice, adoptée le 20 novembre 2023. Cette disposition engage un véritable défi pour l’École nationale des greffes. Nommée au poste de directrice en février 2021, Véronique Court a exercé différentes fonctions comme directrice de greffe ou dans les ressources humaines. Pour le cinquantième anniversaire de son établissement, elle revient sur l’évolution de la formation et l’attractivité du métier de greffier. Entretien.

Actu-Juridique : Quelle est l’origine de l’École nationale des greffes créée il y a 50 ans ?

Véronique Court : L’École nationale des greffes a été créée en 1974 suite à la réforme du personnel de greffe. Un arrêté a été pris pour officialiser la création des corps de greffier et de greffier en chef. La fonctionnarisation des greffes de justice a permis le lancement de leur formation professionnelle pour prendre leur poste en juridiction. La création de l’établissement devait donc permettre de professionnaliser l’activité et d’harmoniser les pratiques dans toutes les juridictions de France. Avant la fonctionnarisation, les greffes fonctionnaient sous l’autorité d’un officier ministériel titulaire de charge et qui recrutait ses propres personnels.

AJ : Comment a évolué la formation au sein de l’École nationale des greffes ?

Véronique Court : À sa création, l’École proposait de la formation continue pour les greffiers déjà en poste. Progressivement, elle s’est développée, professionnalisée au gré des évolutions et des réformes statutaires. La formation s’est donc enrichie de parcours de formation initiale, alliant scolarité et stage, théorie et pratique. Durant la période de scolarité, les cours théoriques sont effectués à Dijon. Depuis la fondation de l’établissement, cette partie de la formation a augmenté au fil des années. Puis, il y a toujours eu des périodes de stages où le stagiaire apprend le métier en immersion en juridiction auprès de ses pairs. Ainsi, il va apprendre à tenir les audiences, à opérer tous les actes dans le cadre d’une affaire, de l’accueil jusqu’à l’exécution de la peine. Les stages sont devenus obligatoires en formation initiale. Aujourd’hui, la formation dure 18 mois. Les greffiers stagiaires débutent par la scolarité sur une période de trois mois. Ensuite, ils enchaînent différents types de stage sur les 15 autres derniers mois. De leur côté, les directeurs suivent un cursus sur un principe d’alternance entre les cours théoriques et les stages. Ce modèle de formation a été instauré suite aux réformes de 2012 et 2015.

AJ : Quelle est la situation actuelle de l’École nationale des greffes ?

Véronique Court : Suite aux États généraux de la justice et à la loi de programmation et d’orientation du ministère de la Justice du 20 novembre 2023, l’École s’est mise en ordre de marche pour répondre à une commande nouvelle à travers les nouveaux moyens obtenus par le garde des Sceaux. Il va y avoir des créations nettes d’emplois. Nous avons donc décidé d’augmenter notre capacité d’accueil en modifiant la répartition des promotions. Auparavant, nous pouvions accueillir une à deux promotions de 350 greffiers dans l’année. Maintenant, nous sommes en capacité de former quatre promotions de 260 greffiers stagiaires et une promotion de directeurs de 260 stagiaires en un an. Nous avons plusieurs rentrées durant l’année : en mars, en avril, en juillet, en septembre et en octobre. Notre particularité est de prendre en charge le logement des stagiaires au sein de l’École à Dijon. Nous avons un campus adapté à l’hébergement durant la scolarité avec un restaurant administratif et toutes les commodités. Nous avons même une crèche.

AJ : Comment s’organisent les effectifs du personnel de votre établissement ?

Véronique Court : Au sein de l’établissement, 163 personnes travaillent au quotidien. Dans son organisation, l’École est divisée en trois départements. D’abord, il y a une direction des activités pédagogiques qui s’occupe de la formation, de l’ingénierie pédagogique, des évaluations et des plannings de stage. Cette section est composée de 85 personnes. Parmi elles, il y a 40 chargés d’enseignement qui sont des greffiers expérimentés et des directeurs de service de greffes. Ils viennent en poste au sein de l’École suite à une mutation, pour former les futurs professionnels. Le deuxième département est celui du secrétariat général qui regroupe l’ensemble des services supports permettant à l’École d’accomplir ses missions. Il s’agit du service ressources humaines, du service informatique, du service de la logistique, du service budgétaire et de la crèche. Le troisième et dernier département est celui du pôle directionnel qui regroupe les relations internationales et outre-mer, le pôle des études et évaluations ainsi que la communication.

AJ : Quel est le contenu de l’enseignement délivré aux stagiaires ?

Véronique Court : Les stagiaires reçoivent des connaissances sur la posture, le statut et la déontologie. Le métier de greffier est divers et varié. Ils doivent savoir s’adapter à différentes activités et situations. Nous transmettons aussi l’ensemble des fondamentaux sur toutes les procédures pénales, civiles et prud’homales. Progressivement, suite aux cours et aux stages, les stagiaires peuvent se spécialiser sur le métier qu’ils souhaitent pour leur première affectation. Par exemple, si un stagiaire est nommé greffier d’instruction, les dernières semaines de stage vont être axées sur cette adaptation à l’emploi. Auparavant, il a découvert toute la chaîne pénale de l’accueil du justiciable et de la plainte jusqu’à l’exécution des peines. À la fin de la formation, les stagiaires doivent avoir un aperçu complet de l’ensemble des métiers qu’ils peuvent exercer durant leur carrière.

AJ : Comment sanctionnez-vous les élèves greffiers à la fin de leurs 18 mois de formation ?

Véronique Court : Durant leur scolarité, il y a des évaluations de connaissance sur les procédures, l’outil informatique et la maîtrise des logiciels. Pour les stages, nous compilons un ensemble d’appréciations par les maîtres de stage en juridiction sur les compétences, la manière de travailler et de tenir par exemple une note d’audience. Des items nous permettent d’évaluer l’aptitude et la progression du stagiaire. À l’issue de la formation, le service des activités pédagogiques de l’École établit un rang de classement pour chaque greffier stagiaire en fonction des notes et des évaluations de stage. Leur position dans le classement leur donne accès à un emploi choisi à partir d’une liste de postes émises par l’administration centrale du ministère de la Justice. Le directeur de greffe de la juridiction en question donne l’affectation dans un service au greffier stagiaire.

AJ : Comment évolue l’attractivité du métier de greffier ?

Véronique Court : La dernière promotion sortie de l’École a prêté serment le 31 mai 2024. En discutant avec les stagiaires, j’ai constaté qu’ils avaient eu connaissance du métier de greffier à l’université ou grâce à un proche exerçant au sein de l’institution judiciaire. Ils ont aussi un attrait pour la procédure. Les matières enseignées en droit à l’université ont donc un impact sur l’attractivité du métier de greffier. La majorité de nos élèves sont des étudiants. Nous avons un tiers de personnes en reconversion dans certaines promotions avec des tranches d’âge assez variées. L’intérêt du métier persiste à travers l’ancrage, le sentiment d’être utile auprès des citoyens, les valeurs et le caractère humain rattachés aux activités judiciaires et à l’institution. Mais nous ressentons des effets liés au marché de l’emploi comme pour d’autres administrations et certains secteurs dans le privé. Nous devons donc travailler à mieux communiquer par rapport à l’attractivité générale de la fonction publique. La sécurité de l’emploi ne veut plus dire la même chose qu’auparavant. Aujourd’hui, on recherche plus le sens des missions, en se sentant utile. L’institution judiciaire a beaucoup de choses à apporter pour répondre à ce besoin.

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