Amiable préalable obligatoire : renaissance de l’article 750-1 du CPC

Publié le 12/05/2023

Annulé en septembre 2022 par le Conseil d’État, l’article 750-1 du code de procédure civile relatif au recours préalable à un mode de résolution amiable des litiges vient d’être rétabli par un décret paru ce vendredi. Fabrice Vert explique ce qui a changé et l’intérêt de cette « renaissance ». 

Amiable préalable obligatoire : renaissance de l'article 750-1 du CPC
Business people shake hands with business partnership at a meeting. The concept of mediation.

Depuis l’annonce, le 13 janvier 2023, par le Garde des Sceaux d’une politique nationale de l’amiable, qui manquait cruellement pour permettre enfin de développer un circuit efficace et efficient de l’amiable dans le traitement des plus de deux millions d’affaires civiles annuelles, la chancellerie s’active pour donner du contenu à cette annonce.

Le premier acte vient de se produire avec la renaissance (attendue) de l’article 750-1 du code de procédure civile.

Une renaissance espérée 

Pour revenir brièvement sur la genèse de cette renaissance, il faut rappeler que le 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat avait annulé l’article 750-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret numéro 2019-1933 du 11 décembre 2019 (trois ans après) qui prévoyait l’obligation d’un recours préalable à un mode amiable de résolution (médiation, conciliation de justice, convention de procédure participative) avant toute action judiciaire,  notamment pour les litiges jusqu’à 5 000 euros ou les troubles anormaux de voisinage, au motif du manque de précision de ce texte sur  l’indisponibilité du conciliateur de justice, cette décision ayant causé un certain émoi alors que depuis plusieurs années cette disposition était appliquée.

L’article 750-1 du code de procédure civile, par le décret n°2023-357 du 11 mai 2023, paru ce jour au journal officiel est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 750-1. – En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

« Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

« 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ; « 2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ; « 3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ; « 4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ; « 5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution. »

Ce décret était particulièrement attendu, car on a pu constater, depuis l’annulation de cet article, que le nombre de saisine des conciliateurs de justice avait singulièrement baissé dans ces contentieux dans lesquels pourtant leur efficacité n’est plus à démontrer.

Il faut saluer la réactivité et la célérité de la direction des affaires civiles et du Sceau dans ce rétablissement.

Les prochaines étapes

Quelles sont les prochaines étapes ?

Ce décret n’est qu’une pièce du puzzle d’une politique de l’amiable.

Une politique nationale de l’amiable réussie repose sur une vision révolutionnaire de l’office du juge et du rôle des avocats, ces acteurs judiciaires devant s’approprier cette culture de l’amiable qui est de nature à répondre à la mission essentielle de la justice de garante de la paix sociale justice.

Comme le dit justement Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats, la volonté politique d’orienter les procédures vers l’amiable sous le contrôle du juge serait une révolution intellectuelle dans un pays qui préfère la querelle à la négociation.

Une politique nationale de l’amiable réussie suppose, entre autres,  une formation des acteurs judiciaires dans ce domaine, une structuration de la voie amiable dans  les juridictions, des mesures incitatives pour favoriser le recours aux modes  amiables (généralisation du pouvoir d’injonction du juge), une réflexion sur la compétence et la déontologie du médiateur, sujets qui seront sûrement au centre des préoccupations du futur Conseil national de la médiation, dont la création devrait être la deuxième pièce du puzzle de cette politique.

À suivre.

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