Greffiers : l’UNSA appelle à une journée « Justice morte » le 21 septembre
L’UNSA Services judiciaires a déposé un préavis de grève le 21 septembre prochain* et appelle à une journée « Justice morte ». La colère des greffiers, qui a éclaté en juin dernier, n’est toujours pas retombée. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’UNSA Services judiciaires, nous expose les revendications de sa profession.
Actu-Juridique : Depuis le début du mois, les greffiers ont repris leur mouvement de protestation. La CGT a déjà appelé à la grève et l’UNSA Services judiciaires a décidé de lancer une journée « Justice morte ». Pour quelles raisons ?
Hervé Bonglet : Le mouvement de colère est né spontanément en juin dernier, puis a repris en effet en septembre. Du côté des syndicats, nous avons conclu le 13 juillet un accord de méthode avec le ministère de la Justice pour engager une négociation sur notre statut. Depuis début septembre, nous avons déjà eu deux réunions de travail, mais pour l’instant nous n’avons pas beaucoup avancé. La prochaine réunion se tiendra mercredi et nous appelons à la grève jeudi pour maintenir la pression. Notre principale revendication vise à obtenir le passage de l’ensemble des greffiers en catégorie A, soit 10 000 à 11 000 personnes. Le principe de la catégorie A est acté, en revanche nous ne savons pas encore combien de greffiers seront concernés. Si c’est 200, ça ne nous intéresse pas. Il y a urgence car d’ici la fin du mois le projet de budget de la justice sera bouclé et si nous n’avançons pas maintenant, nous perdrons une année.
Actu-Juridique : Que représenterait concrètement un passage en catégorie A pour les greffiers ?
HB : Il s’agit d’obtenir la reconnaissance de la spécificité des missions des greffes, mais aussi d’accéder à une grille de carrière plus intéressante. Un greffier en fin de carrière touche, à l’heure actuelle, 2 400 euros en salaire et prime, ce qui représente 1 600 à 1 700 euros de retraite car celle-ci est calculée, dans la fonction publique, sur la base du salaire hors prime. En catégorie A, il terminera à 3 200, 3 300 euros. Par ailleurs, comme 80 % des greffiers qui passent le concours maintenant sont détenteurs d’un bac + 4 ou 5, nous demandons une passerelle vers la magistrature, comme cela existe déjà pour les directeurs des services de greffe judiciaire.
Actu-Juridique : Qu’en est-il des autres difficultés récurrentes, en particulier concernant les effectifs ?
HB : Le ministre a annoncé le recrutement de 1 500 greffiers supplémentaires d’ici 2027, c’est évidemment une très bonne nouvelle, mais ça ne suffira pas. J’étais ce week-end à Prague pour assister à l’assemblée générale de l’Union européenne des greffiers, si nous comparons nos effectifs à ceux de pays comme l’Espagne ou l’Italie, ce n’est pas entre 10 000 et 11 000 que nous devrions être, mais entre 16 000 et 17 000 ! Cette situation est la conséquence d’une absence totale de gestion prévisionnelle des effectifs. Entre 1968 et 1978, on a fonctionnarisé les greffes et donc énormément recruté. Cette génération aujourd’hui part en retraite, c’était parfaitement prévisible, sauf que personne ne s’en est préoccupé. C’est cela que nous payons en ce moment. Donc c’est très bien de recruter 1 500 greffiers supplémentaires, mais il va falloir beaucoup travailler pour remplacer les départs à la retraite et trouver en plus recruter en plus 1 500 personnes. En attendant, les greffes vont devoir continuer à travailler en sous-effectifs. Par ailleurs, lorsque le plan sera réalisé, il faudra continuer car il manquera encore 4 000 greffiers pour être au niveau des pays comparables aux nôtres.
Actu-Juridique : la colère dans les greffes a visiblement dépassé les syndicats, qu’est-ce que cela nous dit de l’état psychologique de vos collègues ?
HB : Ce mouvement est totalement inédit. Habituellement, les greffiers travaillent en silence et ne revendiquent rien. Cela montre que les gens sont à bout, ce que confirme d’ailleurs le chiffre de 400 % d’augmentation des demandes de détachement, signalé dans le rapport des états généraux sur la justice.
*Une manifestation est prévue à Paris sur les marches du palais de justice de la Cité de 10 heures à 15 heures.
Référence : AJU389992