Guyane : l’impossible délivrance de copie de dossiers aux avocats de mineurs
Le manque de moyens de la justice est encore plus criant en outre-mer. En Guyane par exemple, la justice ne respecte pas l’article 1187 du code de procédure civile, dénonce Me Patrick Lingibé.
Le droit à l’accès à la justice n’a décidément pas la même importance sur tout le vaste territoire français totalisant une superficie de 641 184 kilomètres carrés, outre-mer compris.
Cela est particulièrement vrai pour ce qui est de l’outre-mer ainsi que l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon l’avait relevé lors de son audition en 2019 lors de son audition par la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Le territoire de la Guyane est confronté à une pénurie de moyens au niveau de la justice des mineurs.
En effet, en raison d’une insuffisance de moyens, les cabinets des juges des enfants ne délivrent plus aux avocats de copies de dossier de procédure pour les mineurs qu’ils doivent défendre dans des conditions difficiles, cela depuis un temps certain.
Ce refus de délivrance est totalement illégal puisque le premier alinéa de l’article 1187 du Code de procédure civile institue, sur demande de l’avocat du mineur, un droit à se faire délivrer la copie du dossier de la procédure dans des termes dépourvus de toute ambiguïté :
« Dès l’avis d’ouverture de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe, jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience, par l’avocat du mineur et celui de ses parents ou de l’un d’eux, de son tuteur, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié. L’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l’usage exclusif de la procédure d’assistance éducative. Il ne peut transmettre les copies ainsi obtenues ou la reproduction de ces pièces à son client. »
Cet article prévoit bien dans ses alinéas suivants la possibilité de consulter le dossier, celle-ci restant soumise aux contraintes de jours et d’heures fixées par le juge.
Sauf à considérer que les avocats défendant les mineurs guyanais ne relèvent pas des exigences de l’article 1187 du Code de procédure civile au même titre que leurs confrères hexagonaux, il appartient au ministère de la Justice d’assurer le respect de ce droit fondamental de délivrance de la copie la procédure afin que l’avocat intervenant puisse assurer de manière efficace et efficiente la défense du mineur confié.
Situation de non-droit
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu à rappeler l’obligation inhérente à un État de prendre des mesures pour assurer notamment l’effectivité des droits fondamentaux, lesquels ne sauraient être méconnus pour des difficultés d’organisation de services et/ou d’ordre de nature financière (par exemple CEDH, 2 mars 2017, affaire Talpis c. Italie, requête n° 41237/14).
Il est temps donc que la Chancellerie intervienne pour faire cesser cette situation de non droit dans une juridiction ultramarine ayant pour mission d’assurer la protection des mineurs.
Pour information, nous rappelons à ce titre les 18 propositions que nous avons formulées pour améliorer l’état de la justice en outre-mer, dont certaines propositions ont été retenues par la Chancellerie (Une justice ultramarine en état de grande fragilité : que faire après le rapport Sauvé ?, Patrick Lingibé).
Rappel des dispositions de l’article 1187 du Code de procédure civile :
« Dès l’avis d’ouverture de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe, jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience, par l’avocat du mineur et celui de ses parents ou de l’un d’eux, de son tuteur, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié. L’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l’usage exclusif de la procédure d’assistance éducative. Il ne peut transmettre les copies ainsi obtenues ou la reproduction de ces pièces à son client.
Le dossier peut également être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié et par le mineur capable de discernement, jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience.
La consultation du dossier le concernant par le mineur capable de discernement ne peut se faire qu’en présence de ses parents ou de l’un d’eux ou de son avocat. En cas de refus des parents et si l’intéressé n’a pas d’avocat, le juge saisit le bâtonnier d’une demande de désignation d’un avocat pour assister le mineur ou autorise le service éducatif chargé de la mesure à l’accompagner pour cette consultation.
Par décision motivée, le juge peut, en l’absence d’avocat, exclure tout ou partie des pièces de la consultation par l’un ou l’autre des parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié ou le mineur lorsque cette consultation ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers.
Le dossier peut également être consulté, dans les mêmes conditions, par les services en charge des mesures prévues à l’article 1183 du présent code et aux articles 375-2 et 375-4 du Code civil.
L’instruction terminée, le dossier est transmis au procureur de la République qui le renvoie dans les quinze jours au juge, accompagné de son avis écrit sur la suite à donner ou de l’indication qu’il entend formuler cet avis à l’audience. »
Référence : AJU371795