Pass Jeux : La possibilité d’accéder au palais de justice de la Cité suscite l’inquiétude

Publié le 02/07/2024

À moins d’un mois des jeux olympiques de Paris, les professionnels de la justice doivent-ils s’attendre à rencontrer des difficultés pour se rendre au palais de la Cité ? La préfecture se veut rassurante.

Pass Jeux : La possibilité d'accéder au palais de justice de la Cité suscite l'inquiétude
Photo : ©AdobeStock/Studio Laure

Il a beau y avoir un site dédié, des explications un peu partout, notamment sur le site de la Mairie de Paris, ainsi qu’un numéro de téléphone (3975), des cartes interactives, schémas, explications, vidéos, codes couleurs et autres tableaux, le Pass Jeux reste pour beaucoup un terrible casse-tête. Avec cette crainte à la clef : ne pas pouvoir accéder à son domicile ou son lieu de travail. Rappelons que celui-ci sera nécessaire pour accéder à certains zones liées aux sites olympiques :

*le périmètre SILT (sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme) de la cérémonie d’ouverture du 18 au 26 juillet ;

*les sites olympiques.

Souvent comparé au Pass sanitaire instauré lors de la crise de la Covid, le Pass Jeux déplait. Certains ont même tenté récemment de le faire sauter. En vain. Dans une décision passée relativement inaperçue, le Conseil d’État a rejeté lundi le recours en annulation déposé contre le décret du 14 mai 2024. La demanderesse soutenait que « le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 211-11-1 du Code de la sécurité intérieure, dès lors qu’il fixe un périmètre conduisant à soumettre à un régime d’autorisation d’accès et d’enquête administrative préalable les riverains, les personnes qui travaillent dans ce périmètre et les visiteurs, alors même qu’ils ne souhaiteraient pas accéder à des établissements ou installations liés à la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques ».

Le Pass Jeux est de droit pour les résidents et les personnes qui travaillent habituellement dans le périmètre

Dans sa décision rendue le 1er juillet, le Conseil d’État a rejeté le recours, mais avec une réserve qui constitue tout de même une avancée : «  si le dispositif ainsi mis en place permet de soumettre à une autorisation et à une enquête administrative préalable les personnes souhaitant accéder, à un titre autre que celui de spectateur, au périmètre défini par le décret attaqué, la délivrance d’une telle autorisation est de droit pour les personnes qui résident ou travaillent habituellement dans ce périmètre et qui en font la demande.

Il appartient à l’autorité administrative compétente, s’il apparaît que le comportement ou les agissements d’une de ces personnes pourrait être de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, de prendre, le cas échéant, des mesures de police administrative sur le fondement des textes l’y autorisant, notamment celles prévues au titre II du livre II du Code de la sécurité intérieure, ou, si les conditions sont remplies, d’engager une procédure judiciaire ».

En clair, le Conseil d’État estime que les résidents et personnes qui travaillent dans le périmètre d’autorisation ne doivent pas faire l’objet d’une enquête administrative pour obtenir leur Pass Jeux.

La préfecture annonce 300 000 demandes en cours

Parmi les bâtiments situés au cœur de la zone protégée en raison de la cérémonie officielle d’ouverture entre le 18 et le 26 juillet figure le palais de justice de Paris. Pour s’y rendre, il faut donc disposer du fameux sésame. L’obligation a suscité beaucoup d’inquiétude dans les rangs des magistrats et greffiers. Une magistrate qui a fait sa demande fin mai ne l’a pas encore reçu. Mais il semblerait que les premiers pass commencent enfin à arriver. Au compte-goutte.

Interrogée, la préfecture de police de Paris se veut rassurante : « Les instructions de demandes de pass jeux sont en cours. À ce jour, la plateforme a reçu plus de 300 000 demandes. Ce volume conduit à un délai de traitement, tous les moyens sont mis en œuvre pour le réduire au maximum. Les cartes professionnelles (NDLR : la question posée concernait les magistrats) sont suffisantes en termes de justificatifs lors du dépôt de la demande. Les personnes qui auraient essuyé un refus sont invitées à redéposer une demande ».

Attention à vérifier qu’on a besoin du pass et à bien remplir les conditions

Les avocats sont également concernés par le pass. Me Dominique Piau ne semble pas avoir rencontré de difficulté.

 

 

Il  explique :  « J’ai rempli le formulaire pour le 4 boulevard du Palais en joignant la copie de ma carte d’avocat et j’ai attendu tranquillement. Depuis lors, le barreau a précisé qu’il valait mieux joindre une attestation, sans doute parce que cela prouve qu’on est encore en exercice, contrairement à la carte ».

Concernant les refus invoqués par certains, il précise « en réalité, ce n’est pas un rejet mais une invalidation de la demande, soit parce que celle-ci concerne un lieu hors périmètre, parfois cela dépend du côté pair ou impair de la rue concernée, soit parce que les documents ne convenaient pas ».  On peut citer le cas des habitants d’un immeuble en bord de Seine qui se sont heurtés au refus de la Préfecture de leur attribuer un Pass alors que le bâtiment est cité dans le périmètre SILT sur les cartes. Explication : l’entrée se situe dans une rue adjacente, laquelle ne figure pas dans la liste des voies concernées par les mesures de sécurité.  D’autres rejets peuvent s’expliquer par une photo de pièce d’identité trop floue, par exemple. Dans ce cas, il faut simplement redéposer sa demande en corrigeant les erreurs commises la première fois. Et s’armer de patience !

Et la publicité des débats ?

Reste à savoir comment les justiciables vont, eux, pouvoir accéder au palais de justice. « On va sans doute audiencer le moins possible sur cette période, en ne conservant que les audiences à délai, c’est-à-dire celles relatives par exemple à des personnes qui arrivent à la limite de leur détention provisoire, analyse une magistrate de la cour. Un problème risque toutefois de se poser pour les audiences devant la chambre de l’instruction. Qu’en sera-t-il des personnes qui ne pourront assister à une audience parce que leur demande de Pass aura reçu une réponse négative au terme de l’enquête administrative, par exemple parce que l’intéressé est fiché S ? ». Selon l’article 211-11-1 du Code de la sécurité intérieure relatif aux « grands événements » et ses textes d’application, la préfecture peut en effet consulter tous les fichiers comme précisé sur cette page de la CNIL : Les enquêtes administratives de sécurité | CNIL. « Le principe de publicité des audiences, qui permet à toute personne d’assister aux débats de son choix, n’est-il pas de force supérieure à un décret » s’interroge cette magistrate. La question s’était déjà posée, quoique de manière différente, avec le Pass sanitaire. A l’époque, seuls les journalistes assuraient encore la publicité des audiences…quand ils pouvaient y assister.

 

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