Robe d’avocat et signes distinctifs : le CNB pose la règle de l’interdiction

Publié le 30/10/2023

Le Journal Officiel du vendredi 27 octobre 2023 a publié une décision du 7 septembre 2023 portant modification du règlement intérieur national de la profession d’avocat prise par le Conseil national des barreaux. Cette décision devrait mettre fin aux divergences interprétatives et décisions ordinales portant sur la robe d’avocat et ce qu’elle peut revêtir lorsqu’elle est utilisée par l’avocat dans le cadre de l’exercice de sa profession.

Avocat en robe
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La compétence normative professionnelle du Conseil national des barreaux.

Il convient de rappeler qu’aux termes du premier alinéa de l’article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le Conseil national des barreaux est un établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale et est chargé de représenter la profession d’avocat notamment auprès des pouvoirs publics.

Le même alinéa lui confie une compétence normative en précisant :

 « (…) Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat. (…). »

Cette compétence d’unifier par voie réglementaire les règles et usages professionnels de l’avocat a fait l’objet d’une confirmation par différentes décisions rendues par le Juge du Palais-Royal qui en a délimité également les limites. Il convient de souligner que le Règlement Intérieur National constitue un acte administratif normatif qui peut être contesté devant le juge administratif soit par la voie de l’action dans le délai de recours de deux mois, soit par la suite par la voie de l’exception d’illégalité.

Ce pouvoir réglementaire d’unification s’exerce dans la « limite dans les droits et libertés qui appartiennent aux avocats et dans les règles essentielles de l’exercice de la profession ; que le Conseil national des barreaux ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui mettraient en cause la liberté d’exercice de la profession d’avocat ou les règles essentielles qui la régissent et qui n’auraient aucun fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d’État prévus par l’article 53 de la loi du 31 décembre 1971, ou ne seraient pas une conséquence nécessaire d’une règle figurant au nombre des traditions de la profession ; » (Conseil d’État, 28 avril 2017, SELARL A.C.A.C.C.I.A. c/ CNB, 400832, cons. 2).

Dans cet arrêt rendu en 2017, le Conseil d’État a ainsi jugé légal le fait que le Conseil national des barreaux ait fait application de son pouvoir réglementaire pour préciser les règles de dénomination des cabinets :

 « (…) que les dispositions critiquées du règlement intérieur national se bornent, ainsi qu’il a été dit au point 6 ci-dessus, à préciser les conditions et limites dans lesquelles peuvent être choisies les dénominations par lesquelles les avocats ou les structures d’exercice sont identifiés ou reconnus, afin d’assurer le respect des exigences déontologiques qui s’imposent aux avocats ; qu’il en résulte, eu égard à l’objet et à la portée des dispositions critiquées et aux impératifs d’ordre public sur lesquelles elles reposent, qu’en n’exceptant pas de leur application les structures existantes, le Conseil national des barreaux n’a pas illégalement porté atteinte, contrairement à ce que soutient la société requérante, à des situations contractuelles existantes ; » (arrêt précité, cons. 7).

De son côté, dans le cadre d’un contentieux ordinal lillois que nous aborderons ci-dessous, la première chambre civile a rappelé la compétence d’un conseil de l’ordre à norme le port de la robe en l’absence fixée par le Conseil national des barreaux, invitant implicitement ce dernier à intervenir au niveau national pour unifier la règle (Cour de cassation, Chambre civile 1, 2 mars 2022, 20-20.185) :

« 14. En l’absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, il entre dans les attributions d’un conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession. »

C’est donc sur la base de cette compétence normative confiée au Conseil national des barreaux par le législateur que la décision du 7 septembre 2023 est intervenue afin d’unifier et poser en l’espèce une règle commune sur le port de la robe s’imposant de jure à l’ensemble des avocats et des ordres qui les représentent.

Les dispositions réglementaires diverses prises par les conseils de l’ordre

La problématique posée par le port des signes distinctifs sur la robe et les réflexions enflammées qu’elles pouvaient donner lieu a amené plusieurs conseils de l’ordre d’adopter des dispositions dans leurs règlements intérieurs.

Le 7 juillet 2015, le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris a inséré à l’article P 33 de son règlement intérieur le second alinéa rédigé dans les termes suivants : « L’avocat ne peut porter avec la robe de signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, communautaire ou politique. »

 Le 7 juillet 2020, le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux a procédé à la modification de l’article 21 de son règlement intérieur en insérant le paragraphe suivant : « L’avocat doit revêtir le costume d’audience devant toutes les juridictions et les instances administratives ou disciplinaires. Le costume d’audience est constitué de la robe à l’exclusion de tout signe distinctif en dehors des décorations de la République française. »

 Le 1er juillet 2021, le conseil de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine insérait dans son règlement intérieur un article 145 intitulé Port de la robe ainsi rédigé : « L’avocat doit se présenter en robe devant toutes les juridictions et organismes à caractère juridictionnel et ne peut porter de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, communautaire ou politique. ».

Enfin, en 2023, le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Lyon insérait à l’article intitulé « Plaidoirie » un nouvel alinéa rédigé dans les termes suivants : « L’avocat doit revêtir le costume d’audience devant toutes les juridictions et instances administratives ou disciplinaires. L’avocat ne peut porter avec la robe aucun signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique ou politique. ».

Deux dispositions réglementaires adoptées par deux conseils de l’ordre donneront lieu à un contentieux.

Le premier contentieux concerne le conseil de l’ordre de Toulouse qui, par une délibération du 5 décembre 2016, a adopté une modification de l’article 2 de son règlement intérieur intitulé  » attitude aux audiences « , prohibant le port des décorations sur la robe des avocats. Par arrêt un rendu le 13 juillet 2017, la cour d’appel de Toulouse a annulé cette délibération ordinale. Ce contentieux va donner lieu à la saisine de la Cour de cassation, laquelle a rendu par sa première chambre civile un arrêt le 24 octobre 2018 rejetant le pourvoi du conseil de l’ordre et validant ainsi l’annulation prononcée par la cour d’appel toulousaine en ces termes :

 « Mais attendu que, d’abord, la cour d’appel s’est fondée sur les articles R. 66 et R. 69 du Code de la légion d’honneur et de la médaille militaire, auxquels renvoie l’article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963 portant création d’un ordre national du Mérite, textes dont elle a justement déduit le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l’attribution d’une décoration française ; qu’ensuite, après avoir énoncé, à bon droit, que le principe d’égalité ne s’oppose pas à l’existence de décorations décernées en récompense des mérites éminents ou distingués au service de la Nation, elle a pu retenir que, lorsqu’un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu’il a reçues, aucune rupture d’égalité entre les avocats n’est constituée, non plus qu’aucune violation des principes essentiels de la profession ; qu’enfin, le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les justiciables n’a pas été invoqué devant la cour d’appel ; que le moyen, irrecevable en sa troisième branche qui est nouvelle et mélangée de fait, n’est pas fondé pour le surplus ; » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 17-26.166, Publié au bulletin).

Le deuxième contentieux concerne une délibération du 24 juin 2019 du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Lille. Il a modifié l’article 9.6 de son règlement intérieur, relatif aux rapports avec les institutions, par l’ajout d’un cinquième alinéa disposant : « l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique. ». Cette délibération a été contestée par une élève avocate devant la cour d’appel de Douai qui par arrêt du 9 juillet 2020 a rejeté son recours. Saisi d’un pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 mars 2022 qui a statué sur la recevabilité du recours formé par la requérante qui n’est pas avocate sans trancher le fond du litige :

 « 5. En deuxième lieu, il résulte des articles 31 du Code de procédure civile, 19 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 14, 15 et 62 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que, d’une part, seul le procureur général ou un avocat s’estimant lésé dans ses intérêts professionnels peut déférer à la cour d’appel les délibérations ou décisions du conseil de l’ordre, d’autre part, l’élève d’un [5] d’avocats dépend juridiquement de ce centre, de sorte que, s’agissant d’une action attitrée, celui-ci n’a pas qualité pour agir en contestation d’une délibération du conseil de l’ordre d’un barreau.

 6.Après avoir relevé que Mme [J] n’était pas avocate, mais élève avocate en formation à l'[7], non encore titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 15 du décret précité, en l’absence de justification d’un intérêt professionnel lésé, et que le serment prêté par les élèves-avocats au début de leur formation n’était pas de nature à les assimiler à des avocats ni leur conférer la qualité exigée par ce texte.

 7.En troisième lieu, ayant retenu que Mme [J], qui n’était pas soumise au port de la robe en sa qualité d’élève-avocate, ne pouvait se prévaloir d’une violation actuelle de ses droits et libertés reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante. » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 mars 2022, 20-20.185, Publié au bulletin).

Les termes de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Douai méritent par ailleurs d’être rapportés pour deux raisons.

La première en raison de l’intervention dans cette instance du Défenseur des droits. Ce dernier soulevait notamment l’incompétence du conseil de l’ordre pour restreindre la liberté de pensée, de conscience et de religion et la liberté d’expression de ses membres au motif d’une part que les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ressortent de la loi et d’autre part que la liberté de conscience et de religion est affirmée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’article 18 de la Déclaration des droits de l’homme du 10 décembre 1948, l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que l’expression individuelle d’une croyance religieuse est reconnue comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État, que la liberté d’expression est consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, que la discrimination fondée sur la religion et toute opinion est interdite par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme, cette interdiction de discrimination étant reprise dans la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, transposée dans la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, l’article 4 de cette Directive Page-5- et l’article 2) 2° § 2 de cette loi n’autorisant de dérogation à ce principe que dans la mesure où la différence de traitement répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

La deuxième en raison de la motivation particulièrement éclairante que va retenir la cour d’appel de Douai pour rejeter le recours contre la délibération du conseil de l’ordre de Lille :

« Afin de protéger les droits et libertés d’autrui et en l’espèce ceux du justiciable que l’avocat représente ou assiste, chaque avocat dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation se doit d’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit, le port de la robe sans aucun signe distinctif étant nécessaire afin de témoigner de cette disponibilité à tout justiciable.

 Dès lors l’interdiction édictée par la délibération litigieuse du 24 juin 2019 ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, la liberté qui lui est reconnue de manifester sa religion devant céder, lorsqu’elle intervient comme auxiliaire de justice, concourant au service public de la justice, devant la protection des droits et la liberté du justiciable.

 L’objectif recherché est ainsi bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des seules missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction. » (cour d’appel de Douai, audience solennelle, 9 juillet 2020)

Les travaux et la réflexion portés par la Conférence des bâtonniers de France

 Dans ce débat posé au sein des conseils de l’ordre de Province, la Conférence des bâtonniers de France a été particulièrement offensive et s’est emparée très tôt de cette question puisque réunie en assemblée générale le 18 novembre 2016 , sur la base d’un rapport présenté par Emmanuel Le Mière, ancien bâtonnier de Coutances Avranche elle va adopter une résolution rappelant « son attachement aux principes essentiels de la profession qui doivent conduire chaque avocat dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation à effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit » et affirmant « son attachement au port de la robe comme signe de cette disponibilité à tout justiciable et au service du droit et d’égalité entre les avocats » (rapport Port de la robe et signe d’appartenance religieuse ou politique, 18 nov. 2016, Emmanuel Le Mière).

La Conférence des bâtonniers de France a souhaité par la suite être une force de proposition majeure afin de parvenir à une harmonisation des pratiques des ordres d’avocats en soumettant au Conseil national des barreaux un projet de texte à intégrer dans le Règlement Intérieur National.

Il est le résultat d’un conséquent et pertinent rapport présenté à l’assemblée générale de la Conférence des bâtonniers le 23 septembre 2022, Port de signes distinctifs avec la robe de l’avocat, présenté par Frédéric Mortimore, ancien bâtonnier de Villefranche et Christophe Bayle, ancien bâtonnier de Bordeaux, lesquels ont estimé pertinemment « préférable de n’envisager que la question des signes ostentatoires limitée au port de la robe ».

Par ailleurs, il résultait d’un sondage réalisé par la Conférence des bâtonniers de France qu’au moins 29 barreaux sur les 164 avaient pris la décision d’insérer dans leur règlement intérieur une clause interdisant le port de signes distinctifs avec la robe.

Les importants travaux menés par la commission Règles et Usages du Conseil national des barreaux

 Le 7 septembre 2023, la présidente de la commission Règles et Usage, Madame la Bâtonnière Laurence JUNOD-FANGET, ancienne bâtonnière de Lyon, a présenté un rapport complet et particulièrement argumenté au soutien d’un projet de décision à caractère normatif n° 2023-001 relatif au port de signes distinctifs avec le costume professionnel de l’avocat.

C’est cette décision qui a été adoptée à une large majorité à l’assemblée générale du Conseil national des barreaux et qui est publiée au Journal Officiel du vendredi 27 octobre 2023.

Ce projet a été présenté après un retour de la concertation des barreaux qui ont tous été interrogés sur le choix entre les trois options rédactionnelles suivantes :

L’option 1 portait sur une proposition de rédaction interdisant tout port de signes distinctifs lors des audiences juridictionnelles ou disciplinaires :

 « Ainsi qu’il est prévu à l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats « revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

En audience juridictionnelle ou disciplinaire, l’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe ».

L’option 2 proposait une rédaction limitant l’interdiction des signes distinctifs dans l’enceinte juridictionnelle :

« Ainsi qu’il est prévu à l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats « revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

 Dans une enceinte juridictionnelle, l’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. »

 L’option 3 formulait une proposition rédactionnelle interdisant le port de tous signes distinctifs dès que l’avocat revêt sa robe :

« Ainsi qu’il est prévu à l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats « revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

 L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. »

Il convient de préciser que sur les 70 barreaux qui ont répondu à la concertation, 63, soit 90 %, ont choisi l’option 3.

C’est cette option 3, soutenue par la Conférence des bâtonniers de France, qui sera d’ailleurs adoptée par l’assemblée générale du 7 septembre 2023.

Comme le rapport de la commission règles et usages du Conseil national des barreaux l’indique, cette règle nouvellement fixée réunit les trois conditions cumulatives permettant au Conseil national des barreaux d’intervenir par voie réglementaire :

En premier lieu, cette règle ne contredit aucune disposition législative ou décrétale mais éclaire la logique de la loi du 31 décembre 1971, fondée avant sur l’appartenance uniforme de l’ensemble des avocats à un corps constitué, clairement identifié et identifiable

En deuxième lieu, cette règle trouve un fondement législatif dans l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et que le Conseil national des barreaux peut parfaitement compléter et préciser conformément à sa mission d’unification de la règle et des usages professionnels

En troisième lieu, cette règle reste d’une portée limitée et en rapport avec la finalité et la mission du Conseil national des barreaux.

Les travaux du Conseil national des barreaux ont été éclairés par un avis rendu le 11 mars 2023 par Christian VIGOUROUX et Élise UNTERMAIER-KERLEO, à la suite de leur saisine par le président du Conseil national des barreaux le 8 juillet 2022.

Il convient de relever cependant que la question des signes distinctifs sur la robe d’avocat avait fait l’objet de travaux antérieurs au niveau du Conseil national des barreaux en 2017 avec une proposition de modification du règlement intérieur national présenté par le président de la commission règles et usages Dominique PIAU ainsi que de propositions formulées par un groupe de travail ad hoc présidé par Françoise Mathe, présidente de la commission droits de l’homme. Ces travaux n’ont pas eu de suites principalement en raison de la fin de la mandature du Conseil national des barreaux de l’époque.

La nouvelle règle posée et ses conséquences

Aux termes de ce très large débat sociétal au sein de la Profession, c’est au final par une décision normative du 7 septembre 2023 que le président Jérôme GAVAUDAN, président du Conseil national des barreaux, va par l’article 1er de celle-ci modifier le règlement intérieur national de la profession d’avocat en ajoutant après l’article 1.3 un nouvel article 1.3 bis. – Port du costume ainsi rédigé :

 « Ainsi qu’il est prévu à l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats “revêtent dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession”.

 « L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. »

Pour rappel, l’article 3 dont il est fait mention ci-dessus dispose :

 « Les avocats sont des auxiliaires de justice.

 Ils prêtent serment en ces termes : « Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».

 Ils revêtent dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession. »

 Il n’y a donc plus d’interprétation ou de possibilité pour les conseils de l’ordre de normer ce qui doit être porté sur la robe, puisque aucun signe distinctif n’étant autorisé avec la décision normative prise par le Conseil national des barreaux le 7 septembre 2023.

Aucun signe distinctif, à l’exception toutefois des décorations républicaines puisque le port de celles-ci est codifié et protégé par des dispositions du code de la Légion d’honneur.

Même en voulant satisfaire les tenants d’une interdiction totale et générale de tout signe distinctif sur la robe d’avocat, il eut été impossible au Conseil national des barreaux d’interdire le port de ce type de décorations sans porter atteinte à une norme de nature décrétale et exposée ainsi la règle nouvellement instituée sans encourir les risques assurés d’une annulation par le Conseil d’État d’une telle disposition interdictive.

D’ailleurs, la Cour de cassation a sanctionné une décision d’un conseil de l’ordre en ce qu’il ne pouvait interdire à un avocat de porter des insignes et décorations républicains :

« Mais attendu que, d’abord, la cour d’appel s’est fondée sur les articles R. 66 et R. 69 du Code de la légion d’honneur et de la médaille militaire, auxquels renvoie l’article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963 portant création d’un ordre national du Mérite, textes dont elle a justement déduit le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l’attribution d’une décoration française ; qu’ensuite, après avoir énoncé, à bon droit, que le principe d’égalité ne s’oppose pas à l’existence de décorations décernées en récompense des mérites éminents ou distingués au service de la Nation, elle a pu retenir que, lorsqu’un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu’il a reçues, aucune rupture d’égalité entre les avocats n’est constituée, non plus qu’aucune violation des principes essentiels de la profession ; (…) »

Cela peut se comprendre car de telles décorations ne sont pas, par nature, ni religieuses, ni philosophiques et ni politiques mais relèvent du décorum, de l’apparat et des symboles de la République

De plus, il ne rentre pas dans la compétence du Conseil national des barreaux de pouvoir interdire ou encore restreindre la portée d’un texte de portée normative supérieure par le biais d’une disposition réglementaire générale qu’elle adopterait dans son règlement intérieur national.

Comme le précisaient dans leur avis les deux personnalités sollicitées, rien n’interdit au Conseil national des barreaux de recommander « pour des motifs de discrétion dans l’audience et de respect de l’égalité des intervenants » aux avocats qui en sont honorés de ne pas porter de décorations républicaines avec leur robe, sauf pour les audiences solennelles.

Ce ne peut être en tout état de cause qu’une simple recommandation que nous soutenons, aucune autorité ordinale ne pouvant en effet interdire à un avocat de porter sur sa robe les insignes et décorations républicaines qui ont pu lui être décernés.

 

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