Dans les Hauts-de-Seine, un Observatoire des violences faites aux femmes aux côtés des acteurs de terrain et en soutien aux associations

Publié le 19/11/2024
Dans les Hauts-de-Seine, un Observatoire des violences faites aux femmes aux côtés des acteurs de terrain et en soutien aux associations
jozefmicic/AdobeStock

En mars 2023, le département des Hauts-de-Seine s’est doté d’un Observatoire des violences faites aux femmes. À l’approche du 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Actu-Juridique s’est entretenu avec Camille Bedin, conseillère départementale déléguée à l’Égalité Femmes-Hommes, pour faire le point sur les actions menées depuis plus d’un an et connaître les chantiers à venir. Entretien.

Actu-Juridique : D’où est venue la volonté de créer un Observatoire des violences faites aux femmes dans les Hauts-de-Seine ?

Camille Bedin : L’Observatoire est né de cette volonté de visibilité et de synergie du travail des acteurs de terrain et des acteurs institutionnels. Le département des Hauts-de-Seine est engagé depuis longtemps sur cette question, notamment avec la création du dispositif Femmes Victimes de Violences (FVV92), qui consiste à accompagner les associations avec des subventions, mais aussi dans leur action auprès des femmes victimes de violences. Dans le cadre du nouveau mandat de Georges Siffredi, président du département des Hauts-de-Seine, nous avons voulu aller plus loin dans la coordination et la lisibilité de tout ce qu’il se passe sur le territoire. Bien sûr, la lutte contre les violences faites aux femmes, c’est avant tout un sujet qui dépend de la compétence de l’État, mais nous avons évidemment une part de responsabilité à prendre et donc modestement, nous voulons améliorer la cohésion et faire travailler ensemble les différents partenaires.

AJ : L’Observatoire qui existe déjà en Seine-Saint-Denis depuis une vingtaine d’années vous a-t-il servi de modèle ?

Camille Bedin : J’ai rencontré avec beaucoup d’admiration et à plusieurs reprises Ernestine Ronai, qui a fondé le premier Observatoire départemental des violences faites aux femmes en France en 2002. Nous avons beaucoup échangé, elle a d’ailleurs participé à la première formation de nos agents sur le sujet en 2023. Nous avons évidemment regardé ce qui se faisait en Seine-Saint-Denis, mais notre ambition n’est pas de faire l’Observatoire tel qu’il est dans le 93. Chacun a ses spécificités et elle me l’a d’ailleurs très bien dit elle-même, à l’époque elle l’a créé avec les personnes et les structures du 93, leur volonté, leur façon de faire, et nous faisons avec les personnes et les structures du 92, en s’adaptant aux réalités et aux volontés territoriales.

AJ : Justement, quelles sont les spécificités d’un territoire comme le département des Hauts-de-Seine ?

Camille Bedin : Il y a, sur le territoire des Hauts-de-Seine, des associations extrêmement fortes et relativement concentrées. Le dispositif FVV92, coordonné par plusieurs associations – l’Escale, l’AFED, l’ADAVIP et le Centre Flora Tristan – est vraiment un trait de caractère fort qui fonctionne bien avec des acteurs remarquables. En 2023, 1 866 femmes ont été accompagnées par ce dispositif dont 1 659 en tant que victimes de violences conjugales. Le département des Hauts-de-Seine accompagne les associations spécialisées autant qu’il peut, à hauteur de 1,9 million d’euros de subventions, notamment pour le dispositif FVV92, l’aide aux victimes, le soutien à l’hébergement temporaire et d’urgence, et à l’évaluation et au suivi des demandes de Téléphones Grave Danger (TGD), par l’Escale.

Autre spécificité, récente et dûe à l’Observatoire, c’est l’action menée en matière de développement de l’éducation et de la sensibilisation des jeunes. La sensibilisation des collégiens sur le thème de l’égalité femmes/hommes, c’est un volet important et nouveau, puisque la lutte contre les violences commence par là, par la lutte contre les préjugés et les stéréotypes, par la sensibilisation aux phénomènes de violences et de harcèlement sur les réseaux sociaux. Sur l’année 2023-2024, on a sensibilisé au total 17 500 collégiens avec différentes actions, notamment le Curious Lab’, des moments de partage en atelier où on rassemble les collégiens et où on leur fait partager leur vision des métiers. Il y a l’action contre la précarité menstruelle de l’Institut des Hauts-de-Seine, Toutes Culottées, sur des sujets malheureusement pas ou très peu abordés, l’intimité, la sexualité, le respect de son corps, du corps des autres. J’ai été frappée qu’en France en 2024, on en soit à ce niveau d’inculture de nos enfants sur ces sujets-là, c’est dramatique. C’est urgent d’y remédier.

AJ : Quels sont les premiers constats au bout d’un an d’actions menées par l’Observatoire ? Et quels sont les prochains chantiers ?

Camille Bedin : L’Observatoire montre la nécessité de se parler. À chaque réunion entre les différents acteurs, on se rend compte que le travail social sur ce genre de thématiques est difficile et très solitaire. Le fait de se rencontrer, de partager, de se donner des bons contacts, de s’entraider, de faire part de ses besoins, c’est hyper utile. L’Observatoire a aussi formé des professionnels du département : 300 personnes en 2023, et à nouveau 300 sur 2024. Un guide pour les acteurs de terrain a été créé, destiné à toutes les personnes qui travaillent dans le département, dans les associations, dans les tribunaux, dans les CCAS, dans l’éducation. Ça permet de donner des informations de base quand une femme arrive dans une situation d’urgence : qu’est-ce qu’on fait, qui on appelle, comment ça se passe pour obtenir des « bons taxis », quels sont les process, les numéros utiles. Ce guide a été actualisé pour l’année 2024-2025. C’est un bon exemple de ce qu’on fait en termes de lisibilité.

Nos professionnels ont été formés au repérage des violences et à l’usage du violentomètre, cela peut paraître tout bête mais c’est très utile pour apprendre à poser les bonnes questions. Nous souhaitons élargir ces formations, toucher les professionnels de santé, les éducateurs, les médiateurs dans les collèges. Concernant notre action logement et hébergement, nous allons dresser prochainement un diagnostic territorial au niveau des acteurs locaux et institutionnels.

Enfin, la campagne d’affichage « Une c’est déjà trop » a été menée à l’automne 2023, pour diffuser le numéro à appeler en cas de violences et interpeller sur la gravité du phénomène. Elle a été bien reçue et elle sera renouvelée en novembre. Les statistiques d’appels sur cette période avaient explosé, et on a tendance à se dire que c’est catastrophique, mais en réalité, ça signifie que les gens parlent donc c’est plutôt une bonne nouvelle. De plus, nous avons organisé l’an dernier un colloque avec 300 agents de terrain sur le thème des cyberviolences. On tiendra le même format sur une nouvelle thématique : les violences au sein des couples adolescents et des jeunes.

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