Chez les Surligneurs : Peut-on interdire aux étrangers en situation irrégulière de se marier ?
Peut-on interdire à un étranger en situation irrégulière de se marier ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi le pouvoir du Digital Services Act de censurer les réseaux sociaux et sur les accusations de Louis Boyard à l’encontre de la maire de Villeneuve-Saint-Georges.
Peut-on interdire à un étranger en situation irrégulière de se marier, comme le soutient Gérald Darmanin ?
Gérald Darmanin s’est déclaré favorable à l’interdiction du mariage pour les étrangers en situation irrégulière, soutenant une proposition de loi du sénateur Stéphane Dumilly. Pourtant, cette mesure se heurte à d’importants obstacles juridiques.
Le garde des Sceaux réagissait à l’affaire concernant Robert Ménard. Ce dernier a, en effet, refusé de marier une femme française à un homme sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
D’abord, le Conseil constitutionnel a déjà censuré une interdiction similaire en 2003, rappelant que la liberté du mariage est protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ironiquement, Gérald Darmanin lui-même, alors ministre de l’Intérieur en 2023, avait souligné cet obstacle lors des débats sur la loi immigration.
Côté européen, la proposition risque de coincer aussi. Pour rappel, le séjour irrégulier n’est plus un délit depuis 2012. Cette dépénalisation fait suite au fameux arrêt Achughbabian de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu en 2011, et qui se fonde sur la directive « Retour » de 2008. Il est donc peu concevable que les juges européens tolèrent cette loi, ce qui exposerait la France à des sanctions financières.
La proposition de loi de Stéphane Dumilly sera examinée au Sénat le 20 février.
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Non, le mécanisme de réaction aux crises du DSA ne permet pas de censurer complètement les réseaux sociaux.
Une rumeur circule sur les réseaux sociaux selon laquelle l’Union européenne pourrait censurer tous les réseaux sociaux d’Europe et que la Commission européenne serait en mesure d’annuler des élections via le « bouclier démocratique européen » et le mécanisme de crise du Digital Services Act (DSA). Elle l’aurait même fait en Roumanie et compterait répéter l’opération lors des élections fédérales allemandes, prévues le 23 février, en raison du soutien d’Elon Musk à l’AFD.
Le règlement européen sur les services numériques prévoit un mécanisme de crise, mais celui-ci ne s’applique qu’en cas de menace grave pour la sécurité ou la santé publique, il n’est pas applicable aux élections allemandes. L’article 36 du DSA dispose, en effet, qu’une crise est caractérisée lorsqu’elle entraîne « une menace grave pour la sécurité publique ou la santé publique dans l’Union ou dans des parties importantes de celle-ci. » De plus, même en cas de crise, la Commission européenne ne peut pas censurer les réseaux sociaux. Elle peut uniquement leur demander d’analyser les risques liés à leurs services et d’adopter des mesures temporaires, encadrées et limitées dans le temps, comme améliorer la modération ou ajuster les algorithmes de recommandation.
Seul un juge national peut, en dernier recours, suspendre temporairement les services d’une plateforme numérique, mais uniquement après des violations graves et répétées, et alors même que des amendes et astreintes ont déjà été prononcées à l’encontre d’une plateforme, comme le précise la Commission européenne.
Cette suspension temporaire ne serait d’ailleurs pas une solution envisageable dans le cadre des élections fédérales allemandes, en raison des délais d’enquête de la Commission européenne et du temps qu’il faudrait pour saisir la justice.
Quant à l’annulation d’élections, l’Union européenne n’en a toujours pas le pouvoir. Seules les autorités constitutionnelles d’un État membre peuvent prendre une telle décision. Le cas de la Roumanie, souvent cité, relève du droit roumain et non du DSA.
Enfin, le « bouclier démocratique européen » évoqué sur les réseaux sociaux est en réalité un projet visant à protéger la démocratie européenne des ingérences étrangères. Il ne donne aucun pouvoir à l’UE pour interférer dans les élections nationales.
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La maire de Villeneuve-Saint-Georges s’est-elle arrogée tous les pouvoirs, comme l’affirme Louis Boyard ?
Lors du premier conseil municipal de Villeneuve-Saint-Georges après l’élection de la liste Les Républicains, Louis Boyard a dénoncé sur X l’octroi de « pleins pouvoirs » à la nouvelle maire Kristell Niasme et une censure de l’opposition. Pourtant, ces accusations ne reposent sur aucun fondement juridique.
Ce conseil d’installation, prévu par l’article L.2121-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), est consacré à l’élection du maire et de ses adjoints, ainsi qu’à la lecture de la charte de l’élu local. Il inclut également le vote des délégations de compétences au maire, une procédure classique régie par l’article L.2122-22 du CGCT. Ces délégations permettent à l’exécutif local de gérer certaines affaires courantes sans solliciter le conseil municipal à chaque décision, mais elles restent limitées par la loi.
L’ordre du jour du conseil ne comporte rien d’illégal, et si Louis Boyard estime que des pouvoirs non déléguables ont été accordés, il peut saisir le juge administratif pour contester la délibération.
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Référence : AJU496772
