Cette semaine chez les Surligneurs : Éric Ciotti et les demandeurs d’asile

Publié le 16/06/2023

Le président des LR, Éric Ciotti, souhaite que la demande d’asile faite par les étrangers s’effectue désormais à l’extérieur du territoire français. Il va avoir du mal, mettent en garde les Surligneurs. Cette semaine, les spécialistes du legal checking ont également interrogé deux universitaires sur la relation des Français avec le travail et la réforme des retraites. Leurs réponses vont peut-être vous surprendre. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Éric Ciotti et les demandeurs d'asile

Immigration : Éric Ciotti souhaite que toute demande d’asile soit examinée à l’extérieur du territoire français et entend modifier la Constitution dans ce sens

Éric Ciotti, député et président LR, s’est exprimé au sujet du projet de loi immigration qui sera examiné en fin d’année au Parlement, mais aussi en réaction à l’attaque au couteau sur des enfants à Annecy le 8 juin dernier. Il souhaite que la demande d’asile faite par les étrangers s’effectue désormais à l’extérieur du territoire français. Un dispositif qui est certes à l’étude ailleurs, mais qui est contraire au principe de non-refoulement.

Éric Ciotti souhaite que l’examen de la demande d’asile se déroule à l’extérieur du territoire français. En conséquence, le demandeur d’asile qui entrerait en France illégalement pour établir sa demande serait expulsé le temps que l’administration prenne sa décision, et réintégré si l’asile lui devait lui être accordé. Si l’étranger se présentait directement à nos frontières, il serait refoulé et invité à présenter sa demande d’asile dans un autre État (auprès de nos ambassades et services consulaires) à déterminer. Le Danemark et le Royaume-Uni tentent déjà de mettre en place un tel dispositif en déléguant l’examen de la demande d’asile à un État partenaire, par exemple le Rwanda. L’Union européenne et l’ONU ont alerté sur la mise en œuvre de tels procédés, qu’elles jugent contraires au principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève de 1951.

Ce principe interdit aux États parties de renvoyer une personne vers un pays dans lequel elle craint d’être persécutée. La France étant partie à cette Convention, elle est tenue de s’y conformer (art. 55 Constitution, art. 78 TFUE) Pour contourner cet obstacle, Éric Ciotti a déjà émis le souhait de modifier notre Constitution et donc soit d’y inscrire le refoulement alors qu’il demeure interdit dans les textes internationaux et européens, soit d’introduire des réserves quant à l’application du droit international et européen. Dans les deux cas, la France serait condamnée par la CJUE et la CEDH.

Éric Ciotti se trompe de voie juridique : en réalité, son projet nécessite de se retirer officiellement des différents accords et traités internationaux, ou de négocier des dérogations, comme l’ont fait certains pays comme le Danemark à l’égard du droit européen, avec cependant beaucoup d’obstacles. Et dans ce cas d’ailleurs, il n’y aurait même plus besoin de modifier la Constitution. Et encore, cela ne soustrait pas la France au respect des principes issus de l’ONU et du Conseil de l’Europe.

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Travail : Quelles perspectives d’amélioration ? Un entretien avec la sociologue Danièle Linhart.

Au lendemain de l’adoption de la très contestée réforme des retraites et à l’aune de l’ouverture des négociations autour d’un “Pacte de la vie au travail” promis par Emmanuel Macron, ainsi que du débat parlementaire sur le projet de loi “plein emploi” prévu au mois de juillet, la question de la relation au travail est au cœur de l’actualité.

Pour éclairer ces enjeux complexes, la sociologue du travail Danièle Linhart, directrice de recherches émérite au CNRS et experte des mutations du monde du travail, se livre à l’explication des défis actuels et des perspectives pour l’avenir concernant le travail.

Concernant l’épisode des retraites qui, du point de vue de l’étranger, présentait les Français comme des fainéants, Danièle Linhart dément cette idée d’une nation qui serait en retrait par rapport au travail. Selon elle, les Français sont extrêmement concernés par le travail puisque celui-ci leur donne une légitimité dans la société. En France domine le sentiment que la citoyenneté passe par le travail qu’on concède, qu’on accepte, dans lequel on cherche à se réaliser et dont on cherche à être fier. C’est dans ce contexte-là qu’il faut comprendre la mobilisation contre la réforme des retraites. Ce n’est pas uniquement une volonté d’avoir plus de temps libre. C’est surtout que les Français ne souhaitent pas continuer dans un travail qui les met en contradiction avec leurs aspirations profondes. L’importance du nombre de manifestants était probablement liée au fait que s’ils se sentaient impuissants au travail, et n’acceptaient pas de se sentir impuissants en tant que citoyens.

Contrairement à d’autres pays où la dimension contractuelle est plus forte (échange d’une force de travail contre de l’argent), les Français mettent leur honneur, leur identité, leur image de soi dans leur travail, et ce depuis très longtemps (comme l’analyse Philippe d’Iribarne).

La crise du Covid n’a fait qu’accentuer ce phénomène selon la sociologue, conduisant les individus à s’interroger sur leur travail : “est-ce que ce que je fais est utile ? La recherche de sens a pris plus d’importance. Nombre de personnes ont pu évaluer le sens de leur activité professionnelle à l’aune d’enjeux vitaux. L’écho important qu’ont eu les analyses de David Graeber sur les “bullshit jobs” vient aussi de là : “on nous fait faire un boulot de con, ça n’a pas lieu d’être, ça n’a pas de sens”.

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Travail : Quelles perspectives d’amélioration ? Un entretien avec le professeur de droit Franck Héas.

Selon Franck Héas, professeur de droit à l’Université de Nantes et membre du laboratoire Droit et changement social en France, le droit du travail est le fruit d’un ensemble complexe de lois, de réglementations et de conventions collectives. Il revient sur les évolutions juridiques en matière de santé au travail et sur la marge de manœuvre dont dispose le législateur pour améliorer les conditions de travail et mieux protéger les travailleurs exposés à la pénibilité.

Selon Franck Héas, le conflit sur les retraites est lié aux problématiques d’emploi, à la nature des activités professionnelles, aux conditions de travail (le travail dit réel) et aux politiques de prévention. Or, selon Franck Héas, ces sujets n’ont aucunement été envisagés globalement, d’autant plus qu’il n’y avait selon lui aucune justification économique à cette réforme.

En outre, cette réforme intervient dans le prolongement de nombreuses réformes antérieures, où on voit depuis 2015 une remise en cause des droits et prérogatives des salariés et de leurs représentants. Le résultat selon F. Héas est que le droit du travail devient moins protecteur, moins équilibré et davantage flexible, offrant beaucoup plus de prérogatives d’organisation à l’employeur. Par exemple, en 2017 le terme de “pénibilité” a été rayé du vocabulaire du Code du travail alors que la souffrance au travail reste très prégnante dans certains secteurs d’activité et certaines entreprises.

Le mot pénibilité a ainsi été remplacé par “l’exposition à certains facteurs de risques professionnels”, des termes que le juriste qualifie de “javellisés”, neutres et complètement aseptisés. Or, tout processus législatif étant d’une certaine manière le résultat de choix de société, d’arbitrages et d’équilibres politiques, il y a là une certaine forme de négation de certaines réalités professionnelles. Cette question de la pénibilité est en débat depuis vingt ans. Selon F. Héas, elle a connu des avancées (parfois) et des reculs (souvent).

Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle doté d’un milliard d’euros initialement prévu par le texte de la réforme a été censuré par le Conseil constitutionnel. Que des financements soient consacrés à la prévention est, en soi, une bonne chose. Mais, le juriste est pessimiste : pensant que le gouvernement finira par supprimer la notion juridique de pénibilité. Or, ce serait créer une déconnexion d’avec les réalités du monde du travail.

Enfin, Franck Héas identifie plusieurs niveaux de prévention : la prévention primaire qui consiste à faire en sorte que le risque ne se réalise pas ; la prévention secondaire tendant à faire en sorte que les conséquences soient moins aggravantes pour la santé du salarié ; la prévention tertiaire, qui s’intéresse aux compensations. On accepte et on intègre l’idée que pour certains travailleurs, dans certaines circonstances, leur santé sera automatiquement détériorée. Il y a là une inégalité de traitement criante, inhérente au concept de pénibilité.

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