Cette semaine chez les Surligneurs : le « blocus challenge » de L. Boyard est-il légal ?

Publié le 10/03/2023

Le député LFI Louis Boyard peut-il impunément lancer un « blocus challenge » consistant à appeler au blocage des lycées et universités ? Les Surligneurs nous expliquent pourquoi c’est illégal. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur les ambitions de Gérald Darmanin concernant le projet de loi asile-immigration ainsi que sur le terrible scandale Jumbo qui a défrayé la chronique dans le sud de la France. 

Capture d’écran 2023-03-10 à 13.51.58

 

Le député Boyard appelle au “blocus des universités et lycées” avec un “blocus challenge”

Louis Boyard (député LFI) a appelé les jeunes à bloquer les universités et les lycées le 7 mars, jour de la grève nationale contre la réforme des retraites. Apparemment bon enfant, cette vidéo montre un député qui appelle à violer la loi.

S’agissant des lycées, l’article 431-22 du code pénal est très clair : “Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire sans y être habilité (…) ou y avoir été autorisé (…), dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende”. Ces peines n’ont jamais été appliquées à l’encontre d’élèves, mais c’est tout de même un appel au délit de la part d’un député.

S’agissant des universités, même s’il n’existe pas de texte similaire, ces blocages ne sont pas pour autant légaux. L’article L811-1 du code de l’éducation prévoit que “Les usagers du service public de l’enseignement supérieur (…) disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté (…) dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public”. Des sanctions disciplinaires peuvent être infligées par la section disciplinaire, notamment en raison de “tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université “ (articles L811-6 et R811-11 du Code de l’éducation).

Il appartient au président d’université, autorité de police, de faire appel au besoin aux forces de l’ordre pour mettre fin au blocage, mais aussi d’assurer la possibilité pour les étudiants qui le souhaitent d’étudier en toute quiétude. Pour autant, une certaine marge de manœuvre dans le choix de donner la force ou pas est reconnue aux autorités de police dès lors que le remède (la force) peut parfois être pire que le mal (le blocage). Le président d’université refuse souvent d’évacuer les bloqueurs par crainte d’envenimer la situation. Alors certains étudiants ont saisi directement le juge pour demander le déblocage de leur université (tribunal administratif de Toulouse, 13 avril 2006). Or, même s’il donne raison aux requérants, ce n’est pas le juge qui évacuera les bloqueurs, mais bien le président aidé des forces de l’ordre, lesquels temporiseront… jusqu’au déblocage spontané.

En savoir plus ? Cliquer ici.

Gérald Darmanin sur le projet de loi asile-immigration : “Je serais favorable […] à des dispositions qui pourraient limiter le regroupement familial sans être contraires à la Constitution”

Le projet de loi “Asile-immigration”, porté par le ministre de l’Intérieur, a été défendu devant une commission du Sénat. S’agissant du droit au regroupement familial, le ministre a choisi de jouer sur la marge de manœuvre des conditions du regroupement familial.

Parmi ces conditions restrictives, il y a la limitation du regroupement familial aux seuls travailleurs immigrants, excluant donc les réfugiés. Cette distinction entre deux types d’immigrants est contraire au droit au regroupement prévu dans la Constitution telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel en 1993, et qui est valable pour tout étranger quel que soit son statut, y compris de réfugié. Cette distinction est également contraire à la directive 2003/86 de l’Union européenne, qui harmonise les conditions de regroupement, sans établir de différence entre travailleurs et réfugiés. La Convention de Genève de 1951, qui prévoit les critères pour prétendre à l’asile s’oppose aussi à cette conception en raison du principe d’unité de famille. Reste encore la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit le droit à une vie familiale, y compris pour les étrangers quel que soit leur statut.

Autre proposition faite par le ministre, les membres de la famille devraient prouver une forme d’intégration avant leur arrivée sur le sol français, notamment par des tests linguistiques. Cette condition n’apparaît pas dans le texte de la directive, la France ne peut donc ajouter ce critère d’entrée. Il a également été fait mention d’une limitation des personnes pouvant bénéficier du regroupement, ce qui est déjà le cas car seuls le conjoint marié et les enfants mineurs peuvent faire partie du regroupement.

Tout étranger souhaitant faire venir sa famille devra montrer qu’il possède un logement d’une superficie adaptée, et des ressources suffisantes. En l’état du droit, il n’y a pas d’obstacle à imposer ces conditions si elles sont jugées proportionnées par le Conseil constitutionnel.

Une condition de résidence en France avant de pouvoir demander le regroupement est également envisagée, mais la directive prévoit déjà que seules des personnes qui ont un titre de séjour d’une année renouvelable et une perspective de séjour permanent peuvent faire une demande de regroupement. Cette directive peut-elle être interprétée dans le sens d’une durée de séjour plus longue, ou de perspectives de séjour permanent plus détaillées ? Ce sera, le cas échéant, au juge de trancher.

En savoir plus ? Cliquer ici.

Franck Muller, dit John Zavatta directeur du cirque éponyme, face au scandale Jumbo : Estrosi serait un “dictateur” en interdisant son cirque

Christian Estrosi, Maire de Nice, débarque sur un terrain près duquel s’apprête à s’installer le cirque Zavatta, après avoir été alerté par une vidéo montrant un hippopotame se frappant violemment la tête de façon répétée contre les parois du conteneur métallique dans lequel il est transporté. Franck Muller, dit John Zavatta, directeur du cirque, arrive à son tour et traite alors le maire de “dictateur” parce qu’il lui refuse l’autorisation de s’installer en raison de l’utilisation d’animaux sauvages.

En pratique, le maire n’interdit pas un cirque : il lui refuse l’autorisation de s’installer sur un terrain communal. Si le cirque s’installe sur un terrain privé, même avec l’autorisation du propriétaire, le maire peut alors l’interdire en vertu de ses pouvoirs de police administrative. Mais le maire ne peut interdire une activité par principe : seule la loi nationale peut le faire.

Si les cirques avec animaux sauvages sont encore autorisés à l’heure actuelle, ils sont soumis à des normes strictes en matière de respect du bien-être animal : un arrêté du 18 mars 2011 soumet à autorisation préfectorale les entreprises gérant des cirques qui utilisent des animaux sauvages, à condition de respecter le bien-être animal. Une fois l’autorisation préfectorale obtenue, le cirque doit obtenir celle du maire pour s’installer. Or ce dernier peut refuser en cas de souffrance animale constatée (que le préfet n’aurait pas détecté, ou qui serait survenue après les contrôles préfectoraux).

De plus, le maire doit prévenir les troubles à l’ordre public, notion qui comprend le bon ordre et la moralité publique. Il peut donc interdire une activité qu’il considère comme étant de nature à heurter la sensibilité de publics de sa commune dans certaines circonstances. Mais, s’agissant des cirques, il est difficilement envisageable qu’un maire puisse justifier une telle interdiction sur ces motifs d’ordre moral, sauf en cas de maltraitance animale avérée.

Reste que la polémique devrait s’éteindre en 2028 : la loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 “visant à lutter contre la maltraitance animale” modifie l’article L413-10 du code de l’environnement et met fin progressivement à la présence d’animaux dits “non domestiques” dans les cirques à partir du 1er décembre 2023, ou le 1er décembre 2028 s’ils sont déjà en possession des gérants de cirques.

En savoir plus ? Cliquer ici.

Plan
X