Cette semaine chez les Surligneurs : les banderoles illégales de la Mairie de Paris

Publié le 03/02/2023

La Mairie de Paris pouvait-elle apposer des banderilles sur l’Hotel de ville sans porter atteinte à la neutralité du service public ? Non, répondent les Surligneurs. Pas plus qu’un maire ne peut payer des grévistes. 

Cette semaine chez les Surligneurs : les banderoles illégales de la Mairie de Paris

Emmanuel Grégoire, 1er adjoint à Paris et les banderoles pro-grèves sur l’Hotel de Ville de Paris : « l’Hotel de ville n’est pas une mairie au sens juridique du mot ». 

Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, peine à défendre devant une presse tatillonne, la légalité de la décision d’apposer d’immenses banderoles soutenant la grève et les manifestations contre la réforme des retraites, sur la façade de l’hôtel de ville de la capitale, aux frais du contribuable parisien. L’argumentaire d’Emmanuel Grégoire est fondé sur une distinction entre l’hôtel de ville, qui ne serait qu’un “bâtiment central”, “qui n’est pas une mairie au sens juridique du mot puisque ce sont les mairies d’arrondissements”. C’est vrai. Mais peu importe sur le fond : la décision de faire poser des banderoles partisanes sur la façade de l’hôtel de ville reste illégale.

D’abord une précision syntaxique : le dictionnaire ORTOLANG désigne, sous le mot “mairie”, l’administration municipale”, ainsi que “l’édifice où se trouvent le bureau du maire et les services de l’administration municipale et où siège habituellement le conseil municipal”. La neuvième  édition du dictionnaire de l’académie définit la mairie comme le “bâtiment, ensemble de bâtiments où se tient l’administration municipale”. Les dictionnaires juridiques vont dans le même sens. Quant à l’expression “hôtel de ville”, elle désigne en effet le bâtiment qui héberge, dans les grandes villes, les services centraux de la mairie, dont le conseil municipal.

Si l’hôtel de ville n’est donc qu’un bâtiment au contraire de la mairie, il n’en fait pas moins partie des moyens du service public, et ne peut à ce titre faire l’objet d’utilisations à des fins politiques. Ce bâtiment est d’ailleurs “affecté au service public”, et il est donc soumis, lors de son utilisation, au principe de neutralité.

S’il fallait distinguer entre le bâtiment et le service public qu’il héberge, on pourrait installer des banderoles à caractère politique sur le “Palais de l’Élysée”, qui n’est jamais qu’un bâtiment, et sur l’ ”Hôtel Matignon”. Surtout, l’argument du premier adjoint à la mairie de Paris est non seulement faux en droit, mais il donne raison à Robert Ménard, maire de Béziers, et aux autres maires qui installent des crèches de Noël à caractère religieux dans leur “hôtel de ville” au mépris des principes de neutralité et de laïcité des services publics.

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René Révol, maire LFI de Grabels (Hérault) : « je suis parfaitement en droit » de payer les grévistes. 

René Révol, maire LFI prétend être “parfaitement en droit” de payer les grévistes, invoquant à son profit l’article 72 de la Constitution sur le principe de libre administration des collectivités territoriales. Mais d’abord, la libre administration ne peut s’exercer que dans le respect des autres articles de la Constitution, et de la Déclaration des droits de l’homme qui prévoit que “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits”, ce qui implique l’égalité devant les services publics, et son corollaire, la neutralité des services publics. Il est donc illégal de financer une grève par des fonds publics, par quelque moyen que ce soit. Payer les jours de grève est un moyen de financer les grèves : le Conseil d’État a déjà précisé (par ex. CE 12 oct. 1990, n° 91325) que c’était illégal.

Ensuite et surtout, la règle dite du “service fait”, fondée sur l’article L. 711-1 du Code général de la fonction publique, est claire :  “La rémunération des agents publics (est) exigible après service fait”. Le même Code ajoute : “Il n’y a pas service fait : 1° Lorsque l’agent public s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de service ; 2° Lorsque l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie de ses obligations de service”. Donc il est illégal de payer un agent qui fait grève, au contraire de ce qui se pratique dans le secteur privé (ou les entreprises publiques) où le paiement des jours de grève peut faire partie de la négociation pour arriver à la reprise du travail.

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Jean-Louis Masson propose d’interdire aux auteurs de crimes ou de délits et à leurs ayant-droits de se porter partie civile contre leurs victimes ou les forces de l’ordre

En l’état actuel du droit, l’auteur d’une agression (ou sa famille s’il est décédé) peut demander réparation des préjudices qu’il a subis lorsque sa victime a riposté sans pour autant être en état de légitime défense. Trouvant cette situation injuste, le sénateur Jean-Louis Masson a déposé le 03 janvier 2023 une proposition de loi visant à interdire aux auteurs de crimes ou de délits (et à leurs ayants droit s’ils sont décédés) de se constituer partie civile contre leurs victimes ou contre les forces de l’ordre. Cette proposition de loi pose la question du respect au droit à un recours juridictionnel effectif, et ne sera jugée constitutionnelle qu’à certaines conditions.

Ce droit au recours effectif, consacré par la Convention Européenne des Droits de l’Homme  (article 13) a été interprété par la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, dans une décision Golder c. Royaume-Uni de 1975, comme conférant à toute personne l’accès à un tribunal en vue de faire valoir ses droits et obligations de caractère civil. Le droit à un recours juridictionnel est également protégé par la Constitution (art. 16, DDH), qui permet de consacrer notamment le droit à un recours juridictionnel effectif devant un juge indépendant et impartial, dans le respect des droits de la défense.

Cela précisé, la proposition de loi de Jean-Louis Masson interdisant uniquement de se constituer partie civile, ne rencontrerait aucun obstacle constitutionnel, tant que les autres voies restent ouvertes, en particulier celle du recours indemnitaire devant le juge civil ou devant le juge administratif, dans l’hypothèse où l’auteur du dommage serait un fonctionnaire. Cet obstacle mis sur la voie pénale règle existe déjà sous le nom “Electa una via” (“choisis ton recours”) et empêche de saisir le juge pénal dans quelques circonstances particulières, par exemple en matière de délits commis à l’étranger.

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La « première dame » en France : un statut juridique inversement proportionnel à sa place dans la vie publique 

D’Adolphe Thiers à Emmanuel Macron, les présidents de la République française ont toujours (ou presque) été accompagnés de leur épouse (ou compagne) sur le perron du Palais de l’Élysée. Bien qu’elles n’aient qu’une place symbolique dans l’imaginaire français, les “premières dames” occupent pourtant de plus en plus l’espace médiatique, voire politique. Pour autant, quel est le cadre juridique qui leur est réservé ?

Depuis le début de la IIIème République, le droit n’a jamais mentionné le conjoint du président. Il existe cependant un usage voulant que le conjoint du chef de l’État bénéficie d’une place dans l’ordre protocolaire et soit présent lors des réceptions officielles et des voyages diplomatiques. Entre 1997 et 2011, le Code de procédure pénale assimilait toutefois l’épouse du président à une autorité administrative, avant que ce texte soit abrogé.

Reste que la Première dame joue un rôle toujours plus actif sous la Vème République, passant de l’icône décorative (Yvonne de Gaulle, Anne-Aymone Giscard d’Estaing), à la militante pour certaines causes (Danielle Mitterrand et Bernadette Chirac). Lorsqu’elle s’exprime sur les politiques publiques en revanche, sa légitimité est discutée et discutable.

C’est pourquoi, en 2017, fut élaborée la Charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État. Sans valeur juridique, Cette charte énumère certaines fonctions et moyens. La première dame “assure la représentation de la France, aux côtés du Président de la République, lors des sommets et réunions internationales”, et “peut également prendre part à des actions nationales et internationales, mises en place avec d’autres conjoints de Chefs d’État, notamment pour lutter contre le changement climatique ou encore les violences faites aux femmes et aux enfants“, “soutient, par son parrainage ou sa présence, des manifestations à caractère caritatif, culturel ou social ou qui participent au rayonnement international de la France”. De même, elle apparaît comme une sorte d’intendante de la maison élyséenne : elle “répond aux sollicitations des Français et des personnalités françaises et étrangères qui souhaitent la rencontrer”, “supervise la tenue des manifestations et réceptions officielles au sein du Palais de l’Élysée”. A cet égard, elle dispose de moyens : un bureau au sein de l’Élysée et un cabinet de conseillers.

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Tribunal spécial chargé de poursuivre le crime d’agression contre l’Ukraine : pourquoi les tribunaux internationaux déjà existants ne peuvent être saisis 

À tous ceux qui réclament la création d’un tribunal chargé de juger les agissements de la Russie en Ukraine, il est tentant de répondre qu’il existe déjà une cour internationale compétente pour les crimes d’agression, il s’agit de la Cour pénale internationale (CPI), créée en 1998. Selon le Statut de Rome, la compétence de la CPI se limite aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. Il s’agit des crimes suivants : le crime de génocide ; les crimes contre l’humanité ; les crimes de guerre ; le crime d’agression. Et pourtant, la CPI ne peut pas juger le cas de l’agression de l’Ukraine par les dirigeants russes.

Mais la CPI ne juge les crimes d’agression que depuis le 17 juillet 2018 à la suite des amendements dits de Kampala en 2010 qui ont modifié le Statut de Rome en y ajoutant la définition du crime d’agression et en déterminant les conditions dans lesquelles la CPI peut juger ces crimes. Or ni l’Ukraine ni la Russie ne reconnaissent la compétence de la CPI pour les crimes d’agression. De plus, le Conseil de sécurité des Nations-Unies, qui peut saisir la CPI, serait systématiquement bloqué par le veto russe. En effet, le Procureur de la CPI, chargé des poursuites, ne peut mener une enquête sur un crime d’agression que si le Conseil de sécurité a d’abord constaté l’existence d’un acte d’agression, après en avoir été informé par le Secrétaire général des Nations-Unies.

Quelles alternatives reste-t-il ? La CPI n’étant pas compétente, il faudrait créer un nouveau tribunal international indépendant de l’ONU. Deux options ont été avancées par la Commission européenne : créer un tribunal international ad hoc fondé sur un traité multilatéral, à la compétence limitée aux crimes d’agression commis par les dirigeants russes contre l’Ukraine.

Autre solution, la création d’un tribunal spécialisé intégré dans le système judiciaire ukrainien, mais comportant des juges internationaux : une juridiction hybride en somme, à l’image du Tribunal spécial pour le Kosovo institué en 2015 par la loi kosovare, mais se situant à La Haye, et composé de professionnels issus de la communauté internationale.

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