Cette semaine chez les Surligneurs : Non M. Véran, la grève SNCF à Noël n’était pas inédite

Publié le 13/01/2023

Olivier Véran a-t-il eu raison de s’émouvoir de l’organisation de la grève SNCF à Noël ? LFI peut-elle vraiment bloquer les prix ? Béatrice Roullaud a-t-elle été flashée pour des raisons fiscales ? On vous répond avec Les Surligneurs, spécialistes du legal checking. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Non M. Véran, la grève SNCF à Noël n'était pas inédite

Olivier Véran : « nous faisons face à quelque chose qui n’existait pas dans notre pays : une grève multi-individuelle couverte par une préavis déposé par des centrales qui, elles-mêmes, n’appellent pas à la grève. 

En sortant du Conseil des ministres du 22 décembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a tenu des propos un peu surréalistes en droit, qui méritent qu’on s’y attarde. Il s’est étonné de la manière dont s’annonçait la grève du week-end de Noël à la SNCF. Il a déclaré : “Nous faisons face à quelque chose qui n’existait pas dans notre pays : une grève multi-individuelle couverte par un préavis déposé par des centrales qui, elles-mêmes, n’appellent pas à la grève ».

Ce faisant, il passe sous silence les principes juridiques français en matière de grève : garanti par la Constitution, le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; la grève est définie comme lacessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles Cass. civ. 11 juil. 2016, n° 14-14.226 ; et enfin la grève est un droit individuel ou personnel (Cas. soc. 10 oct. 1990, n° 88-41.427).

Comme l’y autorise le préambule de la Constitution de 1946, la loi peut limiter le droit de grève et en particulier l’interdire à certaines catégories professionnelles en raison de l’obligation d’assurer la continuité du service public (militaires, policiers, gendarmes, CRS, magistrats, surveillants pénitentiaires…). Pour d’autres professions, le droit de grève peut être limité notamment pour assurer un service minimum : contrôleurs aériens, audiovisuel public, secteur nucléaire, personnel hospitalier… et transport comme dans ce cas précis.

Dans le cadre d’une grève des transports ferroviaires, la loi du 21 août 2007, sans limiter le droit de grève, en définit certaines modalités, notamment  plusieurs étapes successives que la SNCF a d’ailleurs précisées dans un accord sur la prévention des conflits et des normes internes.

Un ou plusieurs syndicats identifient une ou plusieurs revendications collectives déposent une Demande de Concertation Immédiate (DCI), transmise à la direction de l’entreprise. Cette dernière doit les recevoir dans les trois jours pour ouvrir des négociations. Ensuite, direction et syndicats rédigent conjointement un relevé de conclusions. Il faut ensuite, le cas échéant, un préavis de grève, déposé par les seules organisations syndicales, déposé cinq jours au moins avant le premier jour prévu de grève.

Mais la décision finale de faire grève, ou pas, reste une décision individuelle de chaque travailleur. Après le dépôt du préavis, les personnes souhaitant faire grève informent leur direction de leur intention au minimum 48 heures avant la cessation du travail, par le dépôt d’une « déclaration individuelle d’intention » (DII). Grâce à cette DII, l’entreprise connaît 48 heures avant le début de la grève les effectifs dont elle disposera, ce qui lui permet d’informer les voyageurs et de modifier l’organisation du travail des non-grévistes pour tenter d’assurer un service minimum partout. Dans la grève de noël 2022, tout cela a été rigoureusement mis en place.

Quant à la “spécificité” de ce mouvement selon Olivier Véran, à savoir la présence d’un collectif de contrôleurs (Collectif national ASCT) et l’absence “d’appel à la grève” de la part organisations syndicales, rappelons que les collectifs ou coordinations ne sont pas chose nouvelle en matière de conflits collectifs : on se souvient de la coordination des infirmières à la fin des années 80 comme du collectif inter-urgences créé en 2019.

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La Suède « prend la présidence de l’Union européenne » à partir du 1er janvier ?

Depuis le début du mois de janvier, différents médias, mais aussi une députée européenne, ont relayé l’idée selon laquelle la Suède prendrait la “Présidence de l’Union européenne”, et présiderait aux destinées des vingt-sept États membres. Lorsque le tour était à la France, l’exécutif français a lui-même entretenu la confusion, en adoptant l’acronyme “PFUE” (pour présidence française de l’Union européenne).

En réalité, ce n’est que du Conseil de l’Union européenne qu’un État prend la présidence. Il s’agit d’une institution, certes puissante, mais qui n’est pas au sommet dans la hiérarchie des institutions européennes. Elle réunit les représentants des États membres (des ministres) pour adopter la législation de l’Union, qui doit être négociée avec le Parlement européen, qui peut bloquer le processus.

De surcroît, la présidence n’est pas attribuée uniquement à la Suède, mais à un trio d’États qui, pour 18 mois, assurent cette présidence à tour de rôle. Cela, conformément à l’article 16 paragraphe 9 du Traité sur l’Union européenne, précisé par une décision du Conseil européen du 1er décembre 2009La France, la République tchèque et la Suède ont donc défini une feuille de route politique qu’ils souhaitent mettre en œuvre jusqu’au 30 juin 2023. Le trio d’États a besoin du Parlement européen et de la Commission européenne, la seule habilitée à proposer une législation dans la plupart des cas.

Au-dessus de ce Conseil de l’Union européenne se trouve un Conseil européen qui, lui, réunit les premiers ministres (ou les présidents pour certains États comme la France ou Chypre). Il dispose d’un président élu par ses membres pour 2 ans et demi, en la personne de Charles Michel. Celui-ci s’apparenterait davantage à un “président de l’Union”, puisqu’il lui donne un cap, à l’image du Président français. Cependant, il ne décide pas seul de ces orientations, son rôle étant essentiellement de coordonner les réflexions des membres du Conseil européen.

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LFI en croisade contre l’inflation frappant les plus démunis : « contre la vie chère, bloquons les prix ! « 

LFI continue dans son programme de proposer de bloquer les prix des produits de première nécessité et ceux du gaz et de l’électricité. La loi actuelle ne permet pas un blocage si large de prix. Le Code de commerce prévoit que les prix des biens, produits et services sont “librement déterminés par le jeu de la concurrence”, sauf exceptions.

Le gouvernement peut réglementer les prix lorsque des “situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement” limitent la concurrence, ce qui n’est pas le cas en ce moment. Le gouvernement peut également, dans des circonstances exceptionnelles, prendre “des mesures temporaires”. Or, l’inflation généralisée actuelle n’a rien d’exceptionnel, car la concurrence joue normalement.

Si l’on modifiait la loi, il faudrait de toute façon rester en conformité avec la législation européenne. Si les prix fixés par le gouvernement entravaient les importations en provenance de l’Union, ils seraient contraires au principe de libre circulation des marchandises, comme l’a dit la cour de justice de l’Union en 1979. Le blocage doit aussi tenir compte de la moyenne des prix européenne. L’inflation des pays de l’Union européenne étant forte, il pourrait être perçu comme une mesure protectionniste.

Enfin, l’application d’une telle loi s’avérerait difficile. Il faudrait fixer les prix de toutes les variétés et marques et ensuite contrôler le respect de ce prix chez tous les marchands – indépendants et grandes surfaces – qui n’ont pas les mêmes coûts ni les mêmes marges. De plus, les producteurs français seraient tentés d’exporter vers des pays sans blocage des prix pour conserver leurs marges, et les étrangers d’exporter ailleurs qu’en France. Enfin, les expériences précédentes montrent que tout blocage se solde par un rattrapage inflationniste après coup.

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Béatrice Roullaud, députée RN, flashée : « 51 km/h : 135 euros d’amende (…) la nouvelle façon de prélever l’impôt ».

L’avis d’infraction au Code de la route de Béatrice Roullaud, députée RN, indique qu’elle roulait à 56 km/h et non à 51 km/h, car il est tenu compte d’une marge d’erreur de 5 km/h. Si elle avait réellement roulé à 51 km/h lorsqu’elle a été flashée, la vitesse retenue aurait été de 46 km/h, et elle n’aurait donc pas eu l’amende que prévoit le Code de la route.

La députée parle d’une “nouvelle façon de prélever l’impôt”. Cependant, en France, les contraventions et leurs amendes sont définies par le gouvernement, qui y est autorisé par la Constitution. Celles-ci sont donc différentes de l’impôt, que seul le Parlement peut autoriser.

Le Parlement définit la politique fiscale, qui alimente les budgets des administrations, et le gouvernement définit la politique pénale en matière de contraventions. Si l’amende pénale alimente aussi le budget des administrations, sa finalité est différente : assurer la sécurité publique par la peur de la répression. On attend des élus de tous bords autre chose que la sempiternelle antienne sur le racket fiscal qui ne contribue en rien au débat : comment continuer à réduire le nombre de morts sur les routes ? Par larépression pénale (les amendes) ? Par la sensibilisation ? Par une plus grande progressivité du montant des amendes ? Par l’instauration d’une plus grande marge d’erreur ? Etc.

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Elon Musk, Twitter et la réaction européenne 

Thierry Breton, commissaire européen du marché intérieur, a twitté “En Europe, l’oiseau volera selon nos règles européennes”. Il est révélateur de l’opposition de l’Union européenne à la vision d’Elon Musk de la modération des contenus sur Twitter, qu’il envisage beaucoup plus permissive qu’auparavant.

Elon Musk privilégie une modération automatisée, pour dé-référencer les contenus, et non les supprimer. Il a aussi rétabli 12 000 comptes antérieurement bannis, parmi lesquels des comptes de suprémacistes blancs et de néo-nazis. Depuis, l’on a observé une hausse des contenus haineux : une étude du Center for Countering Digital Hate a notamment montré une expansion des contenus terroristes depuis son arrivée.

Le règlement dit “TCO” (“terrorist content online”), applicable depuis le 7 juin 2022, impose pourtant aux plateformes en ligne le retrait dans l’heure des contenus terroristes ou leur blocage dans l’Union européenne. Le non-respect de cette obligation peut entraîner une amende allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

Thierry Breton, dans le cadre du Digital Services Act, a rappelé à Elon Musk les grands principes de ce règlement, dont la facilitation des signalements de contenus illicites et la coopération avec les “signaleurs de confiance, la transparence dans la politique et les algorithmes de modération, et la participation active à l’atténuation des risques de désinformation.

Elon Musk a confirmé la participation de Twitter à l’appel de Christchurch, dont les acteurs luttent contre la diffusion des contenus terroristes et extrémistes sur internet, ce qui l’engage notamment à leur retrait immédiat sur la plateforme. Il n‘en a pas moins suspendu plusieurs comptes de journalistes américains appartenant à CNN, New York Times ou le Washington Post qui avaient tweeté sur la décision de suspendre le compte qui relayait les trajets du jet d’Elon Musk.

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