Cette semaine chez les Surligneurs : passe-t-on « trop par la loi dans notre République » ?
Le président Emmanuel Macron a déclaré récemment qu’on recourait trop à la loi en France. Les Surligneurs rappellent qu’elle seule constitue l’expression de la volonté générale. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur les mercenaires et autres « contractors » sur fond de guerre en Ukraine et nous éclairent sur la portée réelle du mandat d’arrêt lancé par la CPI contre Vladimir Poutine.
Selon Emmanuel Macron : « On passe trop par la loi dans notre République »
Le mercredi 22 mars, au journal de 13 heures, le président de la République a estimé “qu’on passait trop par la loi dans notre République”. Il faudrait donc passer davantage par le pouvoir réglementaire, plus réactif, et moins par le Parlement. Reste que seule la loi représente en droit l’expression de la volonté générale, même lorsque les sondages vont à l’encontre de ce que décide le Parlement, et elle ne peut être contournée sans risquer une violation de la Constitution. Ainsi, parmi les prochains “chantiers” de réformes promis par le président de la République, la plupart devront passer par le Parlement parce que la Constitution l’exige.
La répartition des compétences entre le Parlement et le gouvernement est prévue par la Constitution. L’article 34 énonce une série de sujets essentiels de la vie nationale dont seule la loi fixe les règles ou les principes, comme le droit du travail, la nationalité ou les régimes électoraux. Pour le reste, l’article 37 renvoie au pouvoir exécutif, lequel intervient aussi pour mettre en œuvre les lois dans le détail avec des décrets d’application.
Les prochains chantiers évoqués par le Président lors de l’entretien relèvent de la loi, qu’il s’agisse du projet de loi immigration, du débat sur la fin de vie, de la réforme du revenu de solidarité active ou du partage des profits dans les grandes entreprises.
Faute de majorité absolue, Emmanuel Macron cherche à contourner le Parlement en “découvrant” le phénomène d’inflation législative. Ce phénomène, très réel, n’est toutefois pas nouveau : dès 1992, le Conseil d’État déplorait une véritable ”logorrhée législative”.
En dehors du gouvernement et du Parlement, il existe deux autres pistes. Il est d’abord possible de solliciter davantage les collectivités territoriales et leur pouvoir réglementaire. Si elles ne peuvent agir que dans les limites imposées par les lois de décentralisation, il existe une marge de manœuvre largement inexploitée.
L’autre piste serait de laisser plus de place à la négociation collective entre représentants des syndicats et du patronat. Elle ne figure pas explicitement dans la Constitution mais son importance apparaît dans le Préambule de celle de 1946 qui prévoit que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises« . Toutes ces possibilités ne dispensent pas de lois en dernier ressort, afin notamment d’étendre à tous le bénéfice de certains accords, ou au contraire de pallier l’absence d’accord.
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Militaires, mercenaires, contractors, volontaires… à ne pas confondre
Le conflit opposant l’Ukraine et la Russie, qui est entré dans sa deuxième année, confronte non seulement les armées de ces deux pays mais aussi d’autres types de combattants : mercenaires, contractors, volontaires internationaux… Souvent confondus dans les médias, ces acteurs non étatiques sont pourtant distincts et qualifiés séparément par le droit.
Sont considérés comme “combattants” l’ensemble des personnes participant aux opérations militaires au contraire de la population civile. Ils manient des armes et s’engagent au combat. En cas de capture, les combattants deviennent prisonniers de guerre. Mais ils ne peuvent pas faire l’objet d’un jugement et ils doivent être libérés une fois la guerre terminée. Ils doivent être protégés en tout temps et faire l’objet d’un traitement décent. Ce statut n’est plus réservé aux seuls combattants membres des forces armées régulières et peut dans certaines conditions être accordé aux civils.
Le mercenaire est un individu spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé qui répond à six caractéristiques énumérées par l’article 47 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève. Il s’agit d’un combattant aguerri, ressortissant d’un État tiers au conflit, qui prend une part directe aux hostilités en vue d’obtenir (souvent) une forte rémunération. De nombreux pays et organisations internationales sanctionnent aujourd’hui ces pratiques, comme la France depuis 2003.
Un autre type de combattant est le “contractor”. Il s’agit d’un professionnel salarié recruté par les sociétés militaires privées, comme le groupe Wagner. Si les contractors agissent clairement hors du cadre des forces armées classiques, un flou juridique subsiste pour qualifier ces employés. En tout état de cause, et comme le mercenaire, le contractor doit obligatoirement bénéficier d’un traitement garantissant sa dignité et sa sécurité.
Enfin, vient la notion de “combattant volontaire international”. C’est un individu qui quitte son pays d’origine ou de résidence pour prendre part à un conflit armé à l’étranger de son plein gré et sans avoir pour motivation principale l’espoir d’un gain matériel. Le droit international ne comporte aucune définition claire du combattant volontaire international.
Ajoutons qu’au-delà du droit, la distinction entre ces catégories de combattants a aussi un rôle politique, selon les intérêts des États…
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Les mandats d’arrêt de la CPI à l’encontre du président russe et de la commissaire russe aux droits de l’enfant : un coup d’épée dans l’eau ?
Dans le cadre de l’enquête sur d’éventuels crimes relevant de sa compétence commis en Ukraine depuis l’offensive militaire russe, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 17 mars 2023, deux mandats d’arrêt : l’un contre le président russe, Vladimir Poutine, l’autre contre la commissaire aux droits de l’enfant en Russie, Maria Alekseyevna Lvova-Belova. Le procureur de la CPI a confirmé l’existence de motifs raisonnables permettant de croire qu’ils portent une responsabilité pénale individuelle dans les crimes de guerre constatés en Ukraine.
Le procureur aurait ainsi identifié la déportation de centaines d’enfants enlevé à des orphelinats et à des maisons d’accueil pour enfants, puis donnés à l’adoption en Russie. De tels actes de déportation, qui auraient débuté dès 2014, auraient été commis alors que les enfants ukrainiens étaient des personnes protégées en vertu du droit international.
Reste à savoir quels seront les effets de ces mandats d’arrêt. Ni la Russie, ni l’Ukraine ne sont des États parties au Statut de Rome instituant la CPI, même si l’Ukraine a récemment reconnu la compétence de la CPI sur son territoire. Si M. Poutine ou Mme. Alekseyevna Lvova-Belova, voyagent dans l’un des États parties au Statut de Rome, ce dernier sera tenu de l’arrêter et l’envoyer au siège de la CPI.
La pratique nous démontre toutefois que les chances sont minces d’aboutir à des arrestations, même dans des situations de renvoi par le Conseil de sécurité de l’ONU. La situation de l’Ukraine n’ayant pas fait l’objet d’un renvoi par une résolution du Conseil de sécurité, mais par des États parties, il n’est pas certain que les autres États accepteraient de passer outre l’immunité dont bénéficie tout chef d’État en exercice d’un pays tiers au Statut de Rome, sauf hypothèse improbable où la Russie renoncerait à l’immunité de celui-ci.
Par ailleurs, la CPI n’est pas la seule à avoir compétence en matière de crimes de guerre : les tribunaux en Ukraine ou les tribunaux dont les États reconnaissent la compétence universelle pourraient également être compétents. En revanche, on peut être sceptique quant à la mise en œuvre de ce dernier mécanisme qui suppose que le chef d’État accusé se trouve sur le territoire d’un État dont les tribunaux seraient saisis par des victimes, qu’il y soit arrêté puis jugé sans que joue son immunité en tant que chef d’État en exercice.
S’il demeure peu probable que Vladimir Poutine prenne un jour place sur le banc des accusés de la CPI, il n’en demeure pas moins que cette juridiction a voulu frapper fort dans le dossier ukrainien.
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Référence : AJU359769