Cette semaine chez les Surligneurs : Retour sur l’affaire Palmade et la question de l’enfant à naître

Publié le 17/02/2023

Avec les Surligneurs, on fait le point sur le statut de l’enfant à naître dans le cadre de l’affaire Palmade. Ils nous expliquent pourquoi la qualification de l’infraction reprochée à l’humoriste dépend d’éléments factuels très précis concernant le foetus. Les spécialistes du legal checking reviennent également sur les ballons chinois et ce qui les différencie des satellites, ainsi que sur l’impossible souhait de Jordan Bardella de faire primer les lois françaises sur tout le reste. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Retour sur l'affaire Palmade et la question de l'enfant à naître

 

Pierre Palmade et mort de l’enfant à naître : y a-t-il homicide involontaire ?

Le 10 février, un accident de la route met en cause l’humoriste Pierre Palmade, conducteur du véhicule et testé positif aux stupéfiants. Parmi les victimes : une femme enceinte de sept mois qui perd son bébé. La délicate question de la possibilité ou non d’appliquer la qualification pénale d’homicide involontaire lorsque la victime est un enfant à naître est alors relancée. Quelles sont alors les conditions pour retenir cette qualification ?

Selon l’article 221-6 du code pénal « Le fait de causer (…) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire (…) ». La loi exige donc la mort d’autrui. Par conséquent, la victime doit être vivante au moment de la réalisation de l’infraction. Or, la question qui s’est posée en jurisprudence était de savoir si le fœtus pouvait être qualifié « d’autrui » au sens de la loi pénale. Tout dépend du moment de la mort du fœtus.

Pour la Cour de cassation, la victime doit être née vivante de manière indépendante du corps de la mère. Dans une décision remarquée, la Cour de cassation – interprétant strictement la loi pénale – refusa de considérer un fœtus, enfant à naître, comme victime d’un homicide involontaire (Cass. ass. plén. 29 juin 2001, 99-85.973). Elle avait précisé en 2001 qu’ »il ne peut y avoir d’homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré ». Selon la presse, les médecins ont tenté, par césarienne, de sauver l’enfant à naître qui aurait été extrait mais n’aurait vécu que quelques secondes. Dans cette hypothèse, peut-on parler d’homicide involontaire ? Affirmatif. Selon la Cour de cassation dès lors que l’enfant est né vivant, même un très court instant, il devient « autrui » au sens de la loi, et la qualification d’homicide involontaire s’applique (Cass. crim. 2 décembre 2003, 03-82.344).

Faute de connaître les éléments du dossier, il convient de rester prudent sur les termes employés. Si l’expertise démontrait que le fœtus avait respiré puis était décédé à cause de l’accident, la qualification d’homicide involontaire aggravée pourrait être retenue et faire encourir jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende à l’humoriste voire dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si le délit a été commis après usage de stupéfiants et en cas de violation délibérée d’une obligation de sécurité.

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Ballons chinois abattus par les autorités américaines : une question d’altitude

Une internaute affirmait sur Twitter : « Juridiquement, en droit international, en quoi le ballon [chinois] diffère-t-il du satellite ? Les États-Unis ont créé un précédent. Non seulement la Chine, mais aussi la Russie [peuvent] avoir maintenant l’occasion et le droit d’abattre des satellites américains survolant leurs territoires. » Qu’en-est-il réellement ?

Tout d’abord, les deux objets n’évoluent pas dans les mêmes espaces : un satellite évolue dans l’espace extra-atmosphérique, entre 2000 et 3000 km d’altitude, alors qu’un ballon « météorologique » évolue à une altitude de 6 à 12 km.

Selon le Traité de l’espace de 1967, signé et ratifié par plus de 110 États, l’espace extra-atmosphérique  est libre d’utilisation (art. 1), y compris militaires, sauf si ils sont agressifs et placent une arme de destruction massive en orbite (art. 4). Ainsi, il est possible de survoler et d’observer un État depuis l’espace extra-atmosphérique (environ 100 km d’altitude). Enfin, il est interdit d’abattre un satellite étranger et espion s’il respecte les conditions évoquées.

Dans le cas des ballons, ceux-ci évoluaient à une altitude située entre 6 et 20 km, dans l’espace aérien des États-Unis et du Canada, relevant du droit aérien et pas du droit spatial. Ainsi, les États sont souverains sur leur territoire aérien (art. 1 de la Convention de Chicago de 1944), même si celui-ci doit nécessairement être limité en altitude. Par conséquent, tout appareil qui traverse l’espace aérien d’un État sans son accord viole sa souveraineté. Dès lors, aucun précédent n’est créé par les Américains puisque juridiquement, le ballon se distingue d’un satellite par son altitude.

Les traités internationaux ne définissent pas strictement la limite entre les deux espaces. Néanmoins, les règles d’interprétation des traités renvoient aux usages permettant d’estimer que l’espace commence à partir de 100 km d’altitude. L’absence de définition claire peut être problématique lorsque des activités se déroulent dans un périmètre proche des 100 km où il est plus difficile de déterminer le régime applicable. Mais ce n’est pas le cas des ballons chinois localisés bien en dessous des 100 km d’altitude, se trouvant clairement dans l’espace aérien américain. Par ailleurs, la majorité des avions de ligne volant entre 5 et 12 km d’altitude, le Pentagone a pu invoquer un risque pour l’aviation civile et abattre certains ballons, peu importe leur fonction.

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Pour Jordan Bardella “les lois françaises doivent être supérieures à toutes autres lois, notamment européennes”

 Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN) veut “voir revenir la souveraineté” et “reprendre le contrôle de notre pays”. Ce faisant, il propose que “les lois françaises [soient] supérieures à toutes autres lois, notamment européennes”. Or, pour que le droit national prime sur le droit européen, il faut soit réformer l’Union européenne, soit la quitter.

N’ayant pas précisé comment il souhaiterait procéder, nous imaginons qu’il envisagerait de modifier la Constitution, en particulier l’article 55 qui prévoit la primauté des traités sur les lois nationales. Mais l’article 88-1 de la Constitution prévoit que le respect des normes européennes par la France est obligatoire. C’est d’ailleurs une exigence constitutionnelle (Décision n°2004-496 DC, 10 juin 2004 pour les directives, obligation étendue par la suite à tous les actes législatifs adoptés par l’Union européenne). La modification de l’article 55 de la Constitution devrait donc s’accompagner de celle de l’article 88-1 pour avoir un véritable effet. Ainsi, les juridictions nationales ne pourraient plus faire prévaloir le droit européen (et de façon générale le droit international) sur la loi nationale, alors qu’elles le font actuellement (CE, ass. 20 octobre 1989, n°108243).

On ne peut cependant pas vouloir le beurre et l’argent du beurre. L’adhésion à l’Union s’accompagne de l’obligation d’appliquer ses règles “supranationales”, car elles ont précisément vocation à prévaloir sur le droit national. C’est le principe même des traités qui ont créé l’Union européenne, lesquels ne sont jamais qu’un contrat entre États. Or, un contrat se respecte. Les traités de l’Union mettent en place un ordre juridique autonome : des “lois” européennes (des directives, des règlements), et les traités eux-mêmes, tous ces textes primant sur la loi nationale (CJUE 15 juillet 1964, Costa, C-6/64). Les États l’ont d’ailleurs unanimement reconnu (voir déclaration des États membres sur la primauté).

Rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes qui en découlent est impossible, en l’état du droit européen. Cela ferait encourir de fortes amendes à la France, pour manquement à ses obligations européennes (art. 260 TFUE). En somme, si la France ne veut pas accumuler les amendes, il lui faut soit convaincre les 26 autres  États de modifier les traités, ce qui aurait pour conséquence que chaque État pourrait agir à sa guise sans n’avoir plus à respecter la législation européenne, soit sortir de l’Union comme l’a fait le Royaume-Uni.

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