Cette semaine chez les Surligneurs : vous avez dit « trafic d’influence ? »

Publié le 12/05/2023

Le 17 mai prochain, la cour d’appel de Paris rendra sa décision dans l’affaire dite des « écoutes » mettant en cause notamment l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy pour trafic d’influence. Les Surligneurs expliquent ce que vise ce délit. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur l’accident mortel survenu dans le métro parisien le 22 avril dernier, la réforme des retraites et la politique agricole commune. 

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L’affaire dite des « écoutes » de l’ancien président Sarkozy : focus sur l’infraction de « trafic d’influence »

L’affaire dite des « écoutes » mettant en cause Nicolas Sarkozy, a été au centre des débats ces dernières années. En première instance, les trois protagonistes ont été condamnés à trois ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, pour corruption et trafic d’influence. Ceux-ci ont cependant fait appel de cette décision et ont été rejugés le 5 décembre 2022. La cour d’appel de Paris rendra sa décision le 17 mai 2023. Mais, qu’est-ce que le trafic d’influence ?

Le trafic d’influence consiste, pour l’agent public, à solliciter ou à accepter un avantage, de la part d’une personne, en échange de son influence « réelle ou supposée » afin d’obtenir une décision favorable auprès d’une autorité ou d’une administration publique.

Ce délit suppose une relation entre trois individus : une première personne qui souhaite obtenir une décision favorable; une deuxième personne sollicitée par la première, qui fera office d’intermédiaire en usant de son influence ; une troisième personne contactée par la seconde, et qui dispose du pouvoir de rendre la décision favorable aux intérêts de la première. Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy aurait proposé à Gilbert Azibert, magistrat général près la Cour de cassation, de lui obtenir un poste au Conseil d’État de Monaco. En échange, Gilbert Azibert devait obtenir des informations dans une procédure de cassation en cours et influer sur cette décision – prise par des magistrats de la Cour de cassation – pour qu’elle lui soit favorable.

Cette relation triangulaire n’est toutefois pas suffisante, car d’autres conditions doivent être réunies pour caractériser le trafic d’influence actif ou passif (réservé aux agents publics). Ces deux infractions visent à réprimer tant la personne qui usera de son influence (passif) que celle pour qui l’influence sera réalisée (actif).

Ainsi, dans l’affaire des écoutes bien que la relation soit triangulaire, seules deux personnes peuvent se rendre coupables de trafic d’influence : 1/ Nicolas Sarkozy pour trafic d’influence actif ; il entre dans le “quiconque”, bien que chef de l’État à l’époque, et c’est à son profit que l’influence est exercée ; 2/ Gilbert Azibert qui se serait rendu coupable de trafic d’influence passif (magistrat qui usera de son influence). La troisième personne, celle qui aura agi sous influence, n’est pas condamnable pour trafic d’influence.

Nicolas Sarkozy, en échange de l’influence de Gilbert Azibert sur la décision de la procédure pendante devant la Cour de cassation, se serait engagé à lui obtenir un poste au sein du Conseil d’Etat de Monaco. Cet accord suffit à caractériser l’infraction. Pour condamner, les juges doivent donc démontrer que les deux individus avaient agi dans un but précis : l’un pour obtenir une décision favorable et l’autre pour obtenir un avantage en échange de son influence.

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Mort d’un usager et garde à vue d’un conducteur de métro : FO-RATP « ne peut tolérer que notre collègue (…) soit traité comme un criminel (…) nous demandons à tous les conducteurs (…) d’exercer leur droit de retrait »

Le 22 avril, un accident a coûté la vie à une passagère du métro parisien dont le conducteur a été placé en garde à vue. En réaction, le syndicat FO-RATP a lancé un appel au droit de retrait des conducteurs du réseau. Mais, il s’agit d’un détournement des conditions et des finalités du droit de retrait.

En effet, l’article L4131-1 du code du travail prévoit qu’un travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa propre vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut cesser son activité et l’employeur ne peut lui demander de reprendre son activité, si le danger grave et imminent persiste.

Le danger auquel il est fait référence peut être individuel ou collectif : les faits qui sont à l’origine du mouvement sont bien de nature à poser un danger grave et imminent pour la vie ou la santé… mais plutôt celle des usagers de la RATP, pas celle des conducteurs eux-mêmes.

Si les conducteurs estiment que c’est la défectuosité d’un système de protection qui est à l’origine de l’accident – ce que l’enquête pénale aura à montrer et la garde à vue s’inscrit dans cette optique –, ils peuvent alors juger que tant qu’il n’est pas mis fin à ce dysfonctionnement, ils mettent la vie des usagers en danger en continuant à travailler : cela relève de l’obligation de chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

C’est la garde à vue du conducteur qui a justifié l’appel du syndicat à exercer le droit de retrait. Or il paraît très difficile de prétendre que cette garde à vue mettrait en danger la vie et la santé des autres salariés ayant exercé leur droit de retrait vendredi. Cependant, d’autres solutions s’offraient, comme la grève si elle respectait un préavis, et s’accompagnait de revendications professionnelles. En revanche, celle-ci ne peut être justifiée si elle est réalisée par pure solidarité avec un autre salarié.

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Réforme des retraites : pourquoi le deuxième RIP pourrait être invalidé par le Conseil constitutionnel

Le 14 avril, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la réforme des retraites à la Constitution, ainsi que sur la proposition de référendum déposée quelques semaines plus tôt par certains parlementaires. Il a invalidé cette proposition dont l’article unique n’apportait pas de changement de l’état du droit existant conformément à l’article 11 de la Constitution. Consciente des fragilités du texte, la gauche a alors déposé, dès le 13 avril, une nouvelle proposition de RIP. Cette dernière doit néanmoins répondre à certaines conditions.

Première condition, le délai d’un an après la loi : Même si elle porte sur une loi promulguée moins d’un an auparavant, une proposition de loi référendaire peut être validée par le Conseil constitutionnel, dès lors qu’elle a été déposée et enregistrée avant la promulgation de cette même loi. C’était bien le cas du RIP relatif à la réforme des retraites.

Deuxième condition, selon l’article 11 de la Constitution, le RIP doit porter sur des « réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent » : Il faut donc proposer une modification substantielle de l’état du droit en vigueur au moment de la saisine. Sur ce point, les constitutionnalistes étaient sceptiques car la réforme proposée par le RIP portait sur des textes antérieurs à la loi portant l’âge de la retraite à 64 ans, promulguée le 15 avril. Or ces textes n’existaient plus à la date du 3 mai.

Ensuite, la réforme proposée à travers le RIP doit être substantielle. Or, la seconde proposition de RIP visait à “interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans”. Cet article ne modifiait toujours pas l’état du droit en vigueur à la date du 13 avril. Il n’y avait donc aucune raison juridique pour que, le 3 mai, le Conseil constitutionnel revienne sur sa décision initiale du 14 avril.

L’article premier a été complété par un second article qui proposait d’augmenter certains impôts. La question était de savoir si cet ajout suffisait aux yeux des membres du Conseil constitutionnel. Mais avant même de répondre à cette question, le Conseil constitutionnel devait s’en poser une autre : l’inconstitutionnalité du premier article pouvait-elle entraîner la l’inconstitutionnalité de l’ensemble de la proposition de RIP ? Peu probable pour les constitutionnalistes.

Enfin, quand bien même l’invalidité du premier article n’entraînait pas l’invalidation de l’ensemble de la proposition, l’article second modifiant l’état du droit risquait d’être lui aussi rejeté. Ajouté dans le but de « porter une vraie proposition de réforme », il ne faisait que modifier les taux de la Contribution sociale généralisée. Or, modifier le taux d’un impôt qui existe déjà n’équivaut pas à une réforme au sens de l’article 11 de la Constitution (voir DC n°2022-3 RIP 25 octobre 2022 sur la taxation des superprofits).

Cependant, la bataille politique n’est pas terminée : le groupe LIOT a déposé, le 20 avril, une proposition de loi visant à abroger le recul de l’âge légal du départ à la retraite.

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 La nouvelle Politique agricole commune 2023-2027 : des politiques agricoles enfin alignées sur la politique de l’Union dans le domaine de l’eau ?

La PAC de 2014-2020 ne respecterait pas les engagements européens en matière d’utilisation durable de l’eau prévus par la DCE (2000/60/CE), dont l’objectif est de garantir un bon état quantitatif de toutes les masses d’eau souterraine d’ici à 2027.

Ce n’est qu’à partir de 2020 que les objectifs stratégiques de la PAC ont inclus l’utilisation durable de l’eau. Ces objectifs ne seraient toutefois pas suffisants. Il leur est reproché de prévoir trop de dérogations dans le cas de l’agriculture limitant l’effet protecteur des systèmes de tarification et d’autorisation préalable de captage d’eau. L’objectif d’inciter les différents usagers à user de la ressource de manière raisonnée et de garantir une récupération adéquate des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau ne peut être atteint en l’absence d’effet dissuasif de la tarification. Mais, sans un contrôle obligatoire sur la réalité du prélèvement opéré par l’agriculteur, ce dernier pouvait abuser de la ressource.

Ensuite, les paiements directs opérés par la PAC au profit des agriculteurs n’encourageaient aucunement à une utilisation rationnelle de l’eau, ce qui conduisait l’UE à subventionner des cultures nécessitant de grandes quantités d’eau. Enfin, si la modernisation des systèmes d’irrigation existants ou l’installation de nouvelles infrastructures, permises par les aides, a pu conduire à une utilisation plus rationnelle de l’eau, celle-ci est paradoxalement réutilisée à d’autres fins agricoles telles que l’irrigation de cultures plus consommatrices d’eau.

Dotée d’un budget de 287 milliards d’euros, la PAC prévue pour 2023-2027 entend donner davantage d’autonomie aux États membres par le biais de Plans Stratégiques Nationaux (PSN). Les États devront y détailler leur utilisation des subventions européennes et feront l’objet d’un contrôle.

Les changements principaux sont les suivants. Le « paiement vert », qui était une aide financière directement versée aux agriculteurs récompensant les bonnes pratiques environnementales, est remplacé par les « éco-régimes », c’est-à-dire des paiements « redistributifs » destinés aux exploitations à forte valeur ajoutée ou génératrices d’emplois, et qui s’ajoutent aux aides de base. Pour la première fois, le versement de ces aides est soumis au respect des règles minimales sociales européennes (conditions de travail).

La France a dévoilé, le 21 mars dernier, sa propre conditionnalité des aides PAC pour l’année en cours, prévoyant notamment un contrôle du prélèvement en eau pour l’irrigation. Cependant, des doutes subsistent quant à l’efficacité de certaines de ces conditions. L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable s’est montrée très critique du PSN.

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