Chez les Surligneurs : JL Mélenchon a-t-il raison de refuser de qualifier le Hamas de terroriste ?

Publié le 20/10/2023

Pour Jean-Luc Mélenchon, reconnaître que le Hamas est une organisation terroriste empêcherait de les traduire devant la justice pour crimes de guerre. C’est faux, on vous explique pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent également sur la restriction des VPN. 

Chez les Surligneurs : JL Mélenchon a-t-il raison de refuser de qualifier le Hamas de terroriste ?

 

Luc Mélenchon : “si nous acceptions de caractériser comme terroriste une action de guerre, nous la soustrairions au droit international”

La polémique se poursuit sur le refus de certains membres LFI de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. Pour Jean-Luc Mélenchon, reconnaître que le Hamas est une organisation terroriste, ou même que ses actes en Israël sont des actes terroristes, empêcherait de les traduire devant la justice pour crimes de guerre.

Or c’est faux, et il est possible d’utiliser les deux qualifications.

Tout d’abord, l’Union européenne, les États-Unis ou encore bien évidemment Israël qualifient le Hamas d’organisation terroriste, ce qui ne les empêchera pas d’aller plaider contre le Hamas devant la Cour pénale internationale (CPI). En tout cas, cela n’a pas empêché la Procureure de la CPI de considérer, en 2019, que le Hamas s’était rendu coupable de crimes de guerre en 2014. D’autres États, en revanche, n’ont pas fait ce choix, comme la Norvège (accords d’Oslo de 1993). Cela ne signifie pas que ces États approuvent ses actes, mais qu’ils se positionnent diplomatiquement comme un point de contact possible.

La qualification de “crimes de guerre” a une importance particulière en droit international car elle ouvre la possibilité d’un procès de ses auteurs devant la Cour pénale internationale (CPI) (article 8 du Statut de la CPI). La CPI est en revanche compétente en matière de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou encore d’infractions graves au droit international humanitaire (comme les prises d’otages). Autrement dit, les auteurs d’actes de terrorisme peuvent, dans ce contexte, être jugés en tant que criminels de guerre, mais des terroristes ne peuvent pas toujours être jugés en tant que criminels de guerre.

En réalité, le refus de la qualification de “terrorisme” place, en droit, Israël et Hamas sur un pied d’égalité. Il ressort de l’actualité que la riposte d’Israël pourrait elle-même donner lieu à des exactions visant directement des civils palestiniens, actes eux-mêmes qualifiables de crimes de guerre. Par ailleurs, la violation du droit international par Israël, et notamment le refus de démanteler le mur en Territoire palestinien occupé et la poursuite de la colonisation de ces terres depuis plusieurs années, a pu être analysée comme constitutive d’un crime de guerre par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

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Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique : vers une restriction des VPN ?

En France, plusieurs grandes propositions sont à débattre, visant la sécurisation et la régulation de l’espace numérique. Le député Vincent Thiebaut a proposé l’ajout d’un article dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 qui viserait à empêcher la mise à disposition au public de VPN permettant l’accès à un réseau internet non soumis à la réglementation française ou européenne par les boutiques d’application logicielle (amendement n°915). En cas de non-respect de cette interdiction, les sanctions encourues par les boutiques d’application logicielle seraient une peine d’amende ne pouvant excéder 1 % du chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.

Tout d’abord, un Virtual Private Network (VPN) permet d’accéder au Web de manière sécurisée et privée en acheminant la connexion de l’utilisateur via un serveur qui dissimule notamment son adresse IP. L’usage d’un VPN est précieux pour les utilisateurs cherchant une connexion sécurisée et cryptée vers le web, dans un souci de protection des données de connexion.

À l’inverse, les VPN permettent aussi de se soustraire aux législations et aux réglementations mises en place au sein d’un État, et ainsi contourner les restrictions en vigueur, comme certaines vérifications d’âge ou de localisation. De plus, il permet aussi de se rendre plus anonyme au sein de l’espace numérique. Un VPN confère dès lors aux utilisateurs malveillants une sensation d’impunité, ce qui a pu être relevé pour les cas de harcèlement en ligne.

Le but recherché par cet amendement est de renforcer l’efficacité d’autres dispositions du projet de loi, en particulier par l’instauration d’un référentiel assurant une vérification d’âge efficace, destiné à empêcher l’accès des mineurs aux sites pornographiques. Or, l’utilisation d’un VPN permettrait à n’importe quel utilisateur de contourner cette vérification.

Pour autant, l’interdiction totale des VPN, ou le blocage de leur utilisateur, évoquent le spectre de certains régimes autoritaires qui ont délibérément pris pour cible ces systèmes de connexion.

L’utilisation de VPN en France demeure pour l’instant légale et autorisée, tant que l’utilisateur ne contrevient pas à la loi. Néanmoins, le législateur doit concilier le respect des nouvelles réglementations relatives à certains services et contenus (comme empêcher l’accès aux mineurs aux sites pornographiques) et le droit aux utilisateurs de sécuriser leurs données de connexions dans un monde numérique constamment en proie au vol de données.

L’amendement est toujours en discussion, mais le député Antoine Armand portant le projet de loi déclare souhaiter à terme abolir “ce bouclier naturel derrière lequel certains harceleurs se cachent une fois derrière leur écran” tout en concédant que « la technologie des VPN présente bien trop d’avantages (…) pour être balayée d’un revers de main ».

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