Chez les Surligneurs : la FNSEA peut-elle demander une justice sur mesure ?

Publié le 09/02/2024

La FNSEA est-elle fondée à demander une limitation des recours par exemple contre les autorisations de mégabassines ? Non, estiment les Surligneurs qui vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur le plan Ecophyto, le cadran solaire de Perpignan et…LouisXX. 

Chez les Surligneurs : la FNSEA peut-elle demander une justice sur mesure  ?

Gestion de l’eau et agriculture : La FNSEA demande de « limiter les recours et les durées d’instruction »

L’exaspération des agriculteurs à l’égard de la justice tient son origine dans la multiplication des recours introduits par les associations de protection de la nature contre certains permis et autorisations relatifs à des projets agricoles tels que les “mégabassines”. Dans bien des cas, les juges ont annulé ces autorisations, suscitant la colère des agriculteurs. Pour ces raisons, ils exigent de « limiter les recours et les durées des instructions ». Quelles en sont les implications en termes d’État de droit et d’égalité devant la justice ?

La durée des procès est la même pour tous, à savoir excessive. La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en raison du non-respect du droit à un procès équitable (article 6§1 Conv. EDH). Exiger une justice plus rapide pour les agriculteurs revient mécaniquement, à moyens constants, à réclamer une justice plus lente pour les autres, au mépris du principe d’égalité devant la justice.

L’État de droit suppose que les lois et règlements, qui s’imposent au citoyen comme à l’État, puissent être opposés à tous de manière égale. Le juge a pour mission d’y veiller. « Limiter les recours » signifie concrètement limiter les délais de recours, la liste des personnes pouvant effectuer un recours, ou encore les « moyens recevables » au cours d’un procès, ce qui évidemment limite les chances d’obtenir gain de cause.

À vrai dire, la limitation des moyens recevables dans le cadre d’un recours en justice existe déjà dans certains domaines, notamment en droit de l’urbanisme concernant les procédures longues et complexes pour mettre au point les plans locaux d’urbanisme (PLU) qui peuvent être annulés par le juge en cas de « vice de procédure ». Il en résulte une insécurité juridique pour les communes et pour les personnes qui demandent un permis de construire. D’où la limitation des moyens recevables décidée par la loi (article L. 600-1 du code de l’urbanisme).

Voilà donc ce que souhaite la FNSEA pour les projets à vocation agricole. Ni le Conseil constitutionnel, ni la CEDH ne condamnent ces limitations des moyens recevables, dès lors qu’elles se justifient par un intérêt général, comme précisément la sécurité juridique.

En dehors de ces étroites exceptions, limiter les moyens pouvant être avancés contre des autorisations ou des permis de construire reviendrait à restreindre le droit à un recours effectif, qui a valeur constitutionnelle (article 16 DDHC, et Conseil constitutionnel, 21 janvier 1994). Enfin, s’en prendre au juge ne résout pas le problème puisqu’il ne fait qu’appliquer des normes dont précisément les agriculteurs veulent la suppression ou l’assouplissement. Si ces normes sont effectivement supprimées ou assouplies, le juge n’aura pas le choix : il suivra. C’est encore l’État de droit.

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Marc Fesneau promet aux agriculteurs de “mettre le plan Ecophyto sur pause”

En réponse à la colère des agriculteurs, Gabriel Attal et Marc Fesneau ont annoncé, notamment, vouloir mettre le plan Ecophyto “en pause”. De quoi s’agit-il ?

Ce plan recouvre un ensemble de dispositifs visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires par les agriculteurs et à trouver des voies alternatives aux traitements chimiques. Le ministre n’indique pas ce qu’il convient exactement de suspendre dans cette “boîte à outils”, mais il semblerait que le gouvernement renonce, au moins temporairement, à fixer de nouveaux objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.

En effet, des objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides ont été posés depuis longtemps (loi Grenelle I du 3 août 2009). Le dernier plan Ecophyto, qui date de 2018, prévoit d’avancer en deux temps : – 25 % en 2020, puis -25 % d’ici à 2025.

Or, ces objectifs ne sont pas tenus. Cela a été dénoncé par la Cour des comptes (référé du 27 nov 2019), mais, surtout, cela a donné lieu à une condamnation de l’État en 2023 (TA Paris 29 juin 2023). Selon le tribunal administratif, l’État n’a pas respecté les objectifs qu’il s’est fixés et cela constitue une carence fautive qui a engendré divers préjudices écologiques. En conséquence, il enjoint le gouvernement “de prendre toutes les mesures utiles” pour suivre “la trajectoire prévue par les plans Ecophyto” d’ici au 30 juin 2024. Il ne saurait donc à ce sujet y avoir de “pause”, sauf à admettre l’idée d’une nouvelle condamnation de l’État qui n’aurait pas exécuté la décision de justice.

Par ailleurs, si le droit de l’Union européenne ne comprend pas d’objectifs chiffrés, il n’en demeure pas moins qu’une directive de 2009 prévoit que les États membres doivent établir des plans avec des objectifs et un calendrier pour limiter les risques des pesticides. Donc, là encore, il ne peut, en droit, y avoir de “pause” sauf à prendre le risque d’un recours devant la cour de justice de l’Union.

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Cadran solaire Solart2 à l’entrée de Perpignan incendié par les gilets jaunes : l’agglomération renonce à sa remise en état et accorde 60 000 euros à l’artiste

La flèche du gigantesque cadran solaire créé par l’artiste Marc-André 2Figuères (MA2F), installée à l’entrée de Perpignan, fut incendiée par les gilets jaunes. Sa remise en état fut estimée à un total de 680 000 euros à la charge de l’Agglomération de Perpignan faute d’avoir retrouvé les incendiaires et d’engager leur responsabilité. Le tout avec la crainte d’une récidive, ce rond-point étant devenu une sorte de symbole local de la contestation. C’est pourquoi le conseil communautaire de l’Agglomération décida de renoncer à la remise en état malgré les protestations et les actions judiciaires engagées par l’artiste, de raser l’œuvre et de dédommager le même artiste à hauteur de 60 000 euros, qui correspondent au montant de l’indemnisation accordée par l’assureur à l’Agglomération. Un montant très généreux au regard de la jurisprudence, qui est plutôt favorable à l’Agglomération.

Le cadran solaire monumental en question, même incendié, n’en reste pas moins une œuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle (CPI), et bénéficie donc de certaines protections. Lorsqu’un artiste (auteur) vend son œuvre, il n’en est plus propriétaire, mais il garde une propriété dite « incorporelle » (article L. 111-1 du CPI), que doit respecter le propriétaire matériel (celui qui a acquis l’œuvre). Ainsi, l’Agglomération de Perpignan, propriétaire du cadran solaire, devait respecter les droits de l’artiste, qui jouit d’une propriété incorporelle sur ce même cadran (article L. 111-3 du CPI).
Cela permet à l’artiste de revendiquer le respect de son nom et de son œuvre, ce droit étant « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » (article L. 121-1 du CPI), et même transmissible aux héritiers. En théorie donc, le cadran aurait dû être restauré à l’identique par l’Agglomération. C’est le principe d’immutabilité ou d’intangibilité de l’œuvre.

Toutefois, dans le cas des œuvres acquises par les collectivités territoriales, destinées à orner le domaine public, le juge interprète le CPI de manière plus tempérée. Il tient compte de la vulnérabilité de l’œuvre, de l’usure, du vandalisme ambiant et de la difficulté voire de l’impossibilité de l’empêcher pour la collectivité propriétaire. C’est ainsi que le juge admet qu’une collectivité puisse remanier ou supprimer une œuvre du domaine public, lorsqu’elle est constamment dégradée même après réparations, et lorsque la surveillance ne peut être constante ni efficace à cent pour cent. Les protestations de l’artiste n’y font rien, et il n’a pas le droit à une indemnisation.

Dans ces conditions, on peut estimer que Perpignan n’avait pas à indemniser l’auteur du cadran solaire. Elle se défend en affirmant qu’ »au final, le dédommagement versé à l’artiste ne coûtera pas un centime d’argent public, puisque la somme correspond à ce que va verser la compagnie d’assurances suite à l’incendie« . Mais ce sont autant de recettes en moins pour l’Agglomération.

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Julien Rochedy : « Louis XX doit monter sur le trône »

Julien Rochedy, militant classé à l’extrême droite, appelle au retour sur le trône de France et de Navarre de la dynastie Bourbon en la personne de Louis-Alphonse de Bourbon, qui revendique le nom royal de Louis XX. Si l’on a bien conscience que la Restauration n’est pas une préoccupation immédiate de la plupart des Français, étudions tout de même sa faisabilité en droit.

Pour transformer notre République en Monarchie, même parlementaire et donc démocratique, il faudrait modifier les dispositions de la Constitution de 1958 relatives au président de la République, en le remplaçant par un monarque et en modifiant son mode de désignation. Or, la révision constitutionnelle, régie par l’article 89 de la Constitution, peut porter sur tous les sujets, sauf un : la forme républicaine du gouvernement.

Certains constitutionnalistes considèrent qu’il serait tout de même possible de rétablir un régime dans lequel le chef de l’État (Empereur ou Roi) serait désigné par l’hérédité. Il faudrait, pour cela, modifier la Constitution en deux temps : d’abord en supprimant le cinquième alinéa de l’article 89 qui interdit de revenir sur la forme républicaine du gouvernement, puis en remplaçant la forme républicaine par un régime monarchique. Pour d’autres, minoritaires toutefois, ce procédé constituerait un détournement de procédure, sauf à avaliser ce qui s’apparenterait à un coup d’État ou révolution juridique.

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