Chez les Surligneurs : la France assure-t-elle réellement l’impunité des squatters ?

Publié le 23/02/2024

Deux “youtubeurs” québécois affirment dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux que les squatteurs sont protégés en France au détriment du propriétaire. Est-ce exact ? Pas tout à fait, les Surligneurs vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking reviennent aussi sur l’affirmation entendue à TPMP selon laquelle le Conseil d’Etat serait « sous le Conseil constitutionnel » et sur le référendum d’initiative partagée proposé par Éric Ciotti concernant l’immigration. 

Chez les Surligneurs : la France assure-t-elle réellement l'impunité des squatters ?

Vu sur Youtube : “En France, si quelqu’un part en vacances et que tu décides d’aller dans son logement et de changer la serrure, on n’a pas le droit de te foutre dehors”

Deux “youtubeurs” québécois affirment dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, qu’en France un propriétaire n’a pas le droit d’expulser une personne qui aurait pris possession de son logement pendant son absence. Cette rumeur dit que les squatteurs sont protégés en France au détriment du propriétaire. Or il faut nuancer.

Un local est présumé squatté lorsqu’il est occupé par des personnes n’ayant pas conclu de contrat de location avec le propriétaire. Le squat concerne la situation où une personne qui s’est introduite frauduleusement chez une autre personne pour y habiter. Il est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (Art. 226-4 Code pénal).

Un propriétaire ne peut forcer un squatteur à quitter le domicile sans avoir obtenu le concours de la force publique. S’il le fait, il risque trois ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, pour délit d’expulsion illégale. Toutefois, il peut immédiatement demander à la police d’expulser le squatteur, même en l’absence de toute décision judiciaire d’expulsion, dès lors qu’on est dans un cas de délit de flagrance (en pratique, dans les 48 heures). Au-delà de ce délai, il est nécessaire de passer par le juge.

Pour remédier à ces difficultés et mieux protéger les propriétaires, la Loi DALO prévoit une procédure d’expulsion accélérée. Sa mise en œuvre nécessite le respect de trois conditions : 1/ le propriétaire doit porter plainte sur le fondement du délit de squat, 2/ il doit prouver que le logement constitue son domicile, 3/ il doit faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, un maire ou un commissaire de justice. La mise en demeure des squatteurs peut cependant être refusée par le préfet.

Lorsque l’évacuation forcée par le préfet n’est pas possible, la seule solution est de recourir à la procédure judiciaire, qui est beaucoup plus longue (article L 411-1 du code des procédures civiles d’exécution). Le propriétaire doit prouver l’occupation irrégulière, justifier d’un titre de propriété, mais aussi identifier les occupants car l’assignation en justice doit préciser l’identité des personnes poursuivies pour qu’elles puissent se défendre. Cette dernière condition est très bloquante en pratique car le propriétaire doit alors entamer une “procédure sur requête”, qui permet au juge de statuer sans entendre les squatteurs.

Lorsque le juge prononce l’expulsion, et si les squatteurs ne quittent pas les lieux dans le mois suivant cette décision, un huissier de justice peut délivrer un commandement de quitter les lieux. Si les squatteurs ne partent toujours pas, l’huissier pourra solliciter le concours de la force publique. Le préfet peut cependant là encore refuser ce concours en raison de la situation personnelle et familiale des squatteurs. La responsabilité de l’État serait toutefois engagée avec obligation d’indemniser le propriétaire victime.

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Sur le plateau de TPMP, le Conseil d’État est défini comme étant une instance “sous le Conseil constitutionnel qui donne des avis”

Le Conseil d’État a ordonné à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de veiller davantage à ce que la chaîne CNews respecte les obligations de pluralisme et d’indépendance de l’information dans ses émissions. Les chroniqueurs de Touche Pas à Mon Poste (TPMP) ont vivement réagi à cette décision du Conseil d’État. Le chroniqueur Gilles Verdez a donné sa définition du Conseil d’État : « C’est une instance avec des juristes, en dessous du Conseil constitutionnel, et qui rend des avis. Là, elle a rendu un avis qui répond à une question de Reporters sans Frontières« . Et c’est complètement faux.

Le Conseil d’État est au sommet de l’ordre juridictionnel administratif, au-dessus des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, mais en dessous de rien, si ce n’est de la Constitution. Ses décisions ne sont pas susceptibles de recours au niveau national, pas même devant le Conseil constitutionnel. S’il est vrai que le Conseil d’État rend des avis, son rôle majeur est surtout – comme en l’occurrence dans l’affaire Cnews – de rendre des décisions de justice.

Dans son rôle de juridiction, le Conseil d’État statue sur les recours introduits par les justiciables contre les décisions des administrations, comme l’Arcom (Article R311-1 du code de justice administrative). Dans l’affaire CNews, l’organisation non gouvernementale Reporters sans Frontières (RSF) estimait que CNews ne respectait pas son obligation de pluralisme et d’impartialité de l’information, et a donc demandé à l’ARCOM d’exercer ses pouvoirs afin de mettre en demeure cette chaîne de modifier sa ligne éditoriale, et au besoin de la sanctionner. L’Arcom ayant refusé, RSF a contesté ce refus devant le Conseil d’État. Ce dernier pouvait alors soit rejeter la demande de RSF, soit annuler la décision de l’Arcom et lui enjoindre de réexaminer cette demande, ce qu’il a fait.

Le refus par l’ARCOM d’engager une procédure reposait sur le calcul du « temps d’antenne accordé aux personnalités politiques ». C’est exactement le contraire qu’a soutenu le Conseil d’État : le pluralisme interne d’une chaîne de télévision doit être apprécié de manière globale et non au regard des seuls temps d’intervention de personnalités politiques. Ce que devra vérifier l’Arcom.

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Eric Ciotti propose un référendum d’initiative partagée sur l’immigration

Eric Ciotti, député et président des Républicains, propose un référendum d’initiative partagée (RIP) portant sur l’immigration. Revanche à prendre après la censure partielle de la loi Immigration par le Conseil constitutionnel, ce texte regroupera les dispositions qui n’ont pu être promulguées du fait de cette censure. Problème : ce référendum est contraire à la Constitution.

L’article 11, alinéa 3, de la Constitution permet de provoquer le référendum d’initiative partagée si un cinquième des membres du Parlement en est à l’initiative. Si la proposition est validée par le Conseil constitutionnel, elle doit aussi être soutenue par un dixième des électeurs (4 à 5 millions de personnes). C’est un référendum législatif, ce qui signifie que seule une loi peut être adoptée par ce biais, à la différence d’une révision de la Constitution.

L’article 11 fixe la liste exhaustive des sujets sur lesquels peut porter le référendum législatif, et l’immigration n’en fait pas explicitement partie. Or, le Conseil constitutionnel intervient dans la procédure en contrôlant l’objet du référendum. La proposition d’Eric Ciotti ne devrait donc pas pouvoir être soumise aux électeurs.

Selon Eric Ciotti toutefois, la question de l’immigration pourrait être soumise à référendum en respectant la liste fixée à l’article 11 car elle relèverait de la politique économique et sociale de la nation, un des thèmes visés par cet article. Le Rassemblement national partage cet avis. Selon d’autres responsables politiques, organiser un référendum sur l’immigration implique, au préalable, d’ajouter l’immigration à l’article 11, en révisant la Constitution (par l’article 89). Un projet qu’Emmanuel Macron a brièvement soutenu avant de l’abandonner, faute de consensus politique.

Le Conseil constitutionnel devrait avoir l’occasion de trancher lorsqu’il se prononcera sur la proposition de référendum.

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