Chez les Surligneurs : La mairie de Paris ne peut pas suspendre les subventions à Stanislas

Publié le 26/01/2024

La Mairie de Paris a décidé de suspendre les subventions qu’elle verse à l’établissement catholique Stanislas. En avait-elle le droit ? Non, estiment les Surligneurs qui vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur le report de publication du rapport de la cour des comptes sur l’immigration, le mode d’élection des maires, le SMIC et l’indemnisation des habitants du Nord et du Pas-de-Calais. 

Chez les Surligneurs : La mairie de Paris ne peut pas suspendre les subventions à Stanislas

La mairie de Paris suspend le versement de ses subventions à l’établissement catholique Stanislas

Faisant suite aux révélations sur le contenu d’un rapport public de l’Inspection générale de l’Éducation nationale relatif à l’établissement privé d’enseignement catholique Stanislas à Paris, la maire de Paris, Anne Hidalgo a annoncé que la ville supprimait ses subventions “à titre conservatoire, dans l’attente des clarifications requises de la part de l’État”. Pour l’instant, il s’agit d’une annonce, et si elle devait être suivie d’effet à travers une délibération du conseil de Paris ou un acte de la maire, ce serait illégal.

Le Code de l’éducation prévoit que « les établissements d’enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public, s’ils répondent à un besoin scolaire reconnu ». Ce contrat donne droit, pour l’établissement, à une prise en charge forfaitaire de ses dépenses de fonctionnement par les collectivités territoriales, en fonction notamment du nombre d’élèves (article L.442-5 et suivants). La participation au financement est due par les communes, départements et régions en fonction du niveau de l’établissement (primaire, collège, lycée).

Il existe aussi une contribution liée aux dépenses de personnels non enseignants et une contribution concernant le coût moyen d’un élève externe (article L. 442-9). Ces contributions sont également obligatoires dès lors qu’il y a contrat d’association.

L’établissement Stanislas se voit priver des apports financiers de Paris, malgré l’obligation légale de verser les subventions tant que le contrat d’association n’est pas résilié. Cette résiliation ne relève aucunement d’un pouvoir discrétionnaire de la ville de Paris en l’occurrence, mais de l’État seul, à l’issue d’une procédure contradictoire. Autrement dit, supprimer les subventions revient indirectement à résilier le contrat d’association, ce qui n’entre pas dans les pouvoirs de la ville. C’est une sanction déguisée, voire un détournement de pouvoir.

Certes, un rapport apparemment négatif a été rédigé, mais ce rapport ne constitue qu’une étape d’une enquête administrative soumise au principe du contradictoire entre l’État et l’établissement d’enseignement, principe qui passe notamment par l’avis d’une commission de concertation (article L. 442-10). Il appartient au seul ministre ensuite de prendre les mesures concernant le contrat le cas échéant. Mais ce n’est pas aux collectivités territoriales de tirer les conclusions de ce rapport par un retrait de subventions. Elles ne peuvent que demander à l’État de résilier le contrat. Après, seul l’État est compétent pour donner suite, au besoin en résiliant ou en refusant la reconduction du contrat d’association.

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Selon plusieurs médias, le maire dans les communes hors Paris-Lyon-Marseille est élu directement

Emmanuel Macron a annoncé vouloir réformer la loi « Paris-Lyon-Marseille (PLM) » pour rétablir « le droit commun » lors des élections municipales. Dans la presse, il a pu être lu ou entendu que le Président souhaitait que les maires de ces trois villes soient élus directement, comme dans le reste de la France. Or les maires ne sont pas directement élus dans le reste de la France.

L’article L. 260 du code électoral prévoit que les électeurs élisent d’abord des conseillers municipaux sur une liste. Et c’est lors du premier conseil municipal se réunissant après l’élection que les conseillers élisent parmi eux le maire de la commune (article L. 2121-7 CGCT). La confusion vient de ce que les têtes de liste sont dans l’immense majorité des cas ceux qui ensuite se présentent devant le conseil municipal pour être élus maire.

L’expression rétablir le « droit commun » signifie que le Président entend aligner le régime de Paris-Lyon-Marseille sur celui des autres communes de France. Actuellement, les électeurs élisent les conseillers d’arrondissement et les conseillers municipaux de Paris, Lyon et Marseille, qui eux-mêmes élisent respectivement le maire d’arrondissement et le maire de la commune (article L. 271 du code électoral). Il est à noter que les premiers candidats sur les listes élues dans les conseils d’arrondissement siègent également au Conseil de Paris. La réforme pourrait consister en la mise en place de deux scrutins différents le jour du vote : l’un pour le conseil de l’arrondissement et l’autre pour le Conseil de Paris. Chaque conseil élirait ensuite son maire, comme c’est le cas dans les autres communes de France.

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Philippe de Villiers : le report de la parution du rapport de la Cour des comptes sur l’immigration constitue une violation de l’article 47-2 de la Constitution et une forfaiture

Un rapport de la Cour des comptes sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière devant être publié le 13 décembre, est finalement paru le 4 janvier 2023 afin de ne pas entrer en collision avec les débats parlementaires houleux concernant la loi Immigration. Philippe de Villiers reproche à au président de la Cour d’avoir retardé cette parution, ce qui constituerait une « forfaiture », en raison d’une « violation de l’article 47-2 de la Constitution puisque la Cour des comptes est censée éclairer et assister le Parlement. »

Or, tout d’abord, le crime de « forfaiture » n’existe plus depuis 1994. Ce crime visait tout agent de l’administration, y compris un magistrat, qui pouvait se rendre coupable, dans l’exercice de ses fonctions, d’actes directement contraires aux devoirs essentiels liés à sa mission de service public. Le crime de “forfaiture” a été remplacé par des circonstances aggravantes pour certaines infractions comme le harcèlement et la corruption.

Ensuite, Philippe de Villiers invoque l’article 47-2 de la Constitution, qui ne concerne tout simplement pas les rapports dits « thématiques » de la Cour des comptes. Elle n’assiste le Parlement que sur demande des commissions parlementaires, et aussi en déposant, comme le veut la loi organique relative aux lois de finances de 2001, un rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques (LOLF), ou encore en certifiant les comptes de l’État auprès du Parlement (article 58 LOLF).

En l’occurrence, le Parlement n’a rien demandé à la Cour, et les comptes de la nation ne sont pas directement en jeu dans la loi Immigration. Les rapports thématiques, comme celui sur l’immigration, qui sont publiés sur le site de la Cour, font l’objet de reprises fréquentes dans la presse, et éclairent le citoyen sur l’utilisation de l’argent qu’il verse sous forme d’impôt.

En décalant la publication du rapport pour ne pas coïncider avec les âpres débats au Parlement, le président de la Cour des comptes a entendu faire en sorte de respecter d’abord le principe de neutralité et ensuite celui de séparation des pouvoirs.

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Emmanuel Macron : « Dès 2025, il y aura un travail sur les branches qui continuent de payer sous le SMIC »

Abordant la question du pouvoir d’achat, le chef de l’État a déclaré : « Dès 2025, il y aura un travail avec les branches qui continuent à payer sous le SMIC ». Le président de la République laisse donc entendre que l’État est partie prenante à la négociation sur les salaires minima de branches et que faute de négociation dans ces branches, des salariés sont rémunérés en dessous du SMIC … ce qui est doublement faux.

C’est aux partenaires sociaux des branches professionnelles qu’il appartient de négocier avec les syndicats les conventions collectives, en particulier les salaires minima (article L2253-1 du Code du travail), qui devront être pratiqués par les entreprises de la branche concernée. Si les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord sur des rendez-vous réguliers, la loi leur impose alors de se retrouver pour négocier sur les salaires tous les ans. Dans cette négociation, la seule compétence de l’État sera d’étendre l’accord après sa conclusion et à la demande des signataires, c’est-à-dire de le rendre applicable par arrêté ministériel à toutes les entreprises de la branche concernée (article L2261-15).

Le SMIC, de son côté, est automatiquement revalorisé selon l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation (articles L3231-4 à L3231-5). Deux situations d’augmentation automatique sont prévues : chaque année, au 1er janvier en fonction de l’évolution de l’indice ; et en cours d’année, lorsque cet indice atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice précédent. Une augmentation du SMIC est alors prévue par un simple décret ou arrêté.

La fréquence des augmentations et le temps court pour publier un arrêté ou un décret sont peu compatibles avec la temporalité d’une négociation sur les salaires, surtout quand on y ajoute la durée de la procédure d’extension d’un accord indispensable à l’application dans toutes les entreprises de la branche.

Enfin, entre le salaire minimum de branche et le smic, tout employeur doit appliquer le plus favorable au salarié.

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Inondations: Bruno Le Maire promet qu' »aucun habitant ne paiera deux fois la franchise »

En l’espace de quelques mois, les habitants du Nord et du Pas-de-Calais ont été frappés deux fois par des inondations. Se tournant de nouveau vers leurs assureurs en janvier pour obtenir une indemnisation, ils ont la surprise de découvrir qu’ils doivent de nouveau supporter une franchise. Pour cette raison, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé que les particuliers qui ont été victimes à deux reprises d’inondations n’auront pas à payer deux fois la franchise d’assurance associée à leur contrat.

Le système français prévoit une extension de garantie obligatoire couvrant le risque de catastrophes naturelles pour les contrats d’assurance de dommages aux biens. Cette garantie est actionnée lorsqu’une reconnaissance administrative de l’état de catastrophe naturelle a été prise par arrêté ministériel. Ainsi, la garantie est due pour les dommages matériels directs non-assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir des dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises (article L. 125-1 du code des assurances).

Or Il faut savoir que l’indemnisation par un assureur est rarement intégrale : des limites contractuelles délimitent le champ de la garantie.

Dans le cas où le sinistre impactant des biens personnels est consécutif à une catastrophe naturelle telle qu’une inondation, le montant de la franchise est légalement fixé à 380 euros pour les habitations et les autres biens à usage non professionnel. La loi prévoit d’ailleurs que si la commune où a eu lieu la catastrophe naturelle n’a pas de plan de prévention des risques, et en cas de sinistres se répétant pour un même risque, la franchise sera alors modifiée (et donc augmentée) en fonction du nombre de sinistres survenus dans la commune.

En principe, dès lors que le contrat d’assurance est mobilisé, la franchise associée l’est également. Cela résulte d’une simple application du contrat, peu importe que le délai entre deux sinistres soit relativement court, comme c’est le cas pour les habitants du nord de la France. Peu importe aussi que les deux sinistres soient de même nature, avec les mêmes causes. Dès lors, les sinistrés sont en théorie tenus de payer une première franchise pour les inondations de novembre 2023 et une deuxième pour les derniers sinistres de début janvier 2024. Ainsi, les propos du ministre de l’Économie entrent en contradiction avec le contrat d’assurance et la législation. Ce dernier ne peut, en principe, pas s’impliquer dans la relation contractuelle entre l’assureur et l’assuré et encore moins aller dans un sens différent de la loi.

Cependant, et c’est probablement le but du ministre, il n’est pas exclu que les assureurs proposent un geste commercial.

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