Chez les Surligneurs : les étudiants ont-ils eu raison de corriger Louis Boyard ?
Louis Boyard corrigé en public par des étudiants sur l’article 11 de la Constitution ? L’affaire a fait sourire sur les réseaux sociaux. Mais les étudiants ont-ils eu raison ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur l’importation de viande et la possibilité d’interdire les grèves.
Après avoir affirmé devant des étudiants qu’il est possible de modifier la Constitution en passant par l’article 11, le député Louis Boyard se fait surligner en direct
Le député LFI Louis Boyard, lors d’une conférence qu’il donnait à l’université, a été interrogé par un étudiant à propos d’une modification de la Constitution. En réponse, il a affirmé qu’on « peut modifier la Constitution avec l’article 11 », suscitant une réaction immédiate d’une étudiante non visible dans l’extrait, lui rappelant que seul l’article 89 permet de réviser la Constitution, tandis que l’article 11 concerne le seul référendum législatif. Ce qui est vrai.
L’article 11 de la Constitution prévoit la possibilité de convoquer les électeurs à l’occasion d’un référendum pour qu’ils s’expriment sur un projet de loi, dans des domaines limitativement énumérés. Si le vote recueilli est positif, la loi (référendaire) est adoptée.
L’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution permet aussi de provoquer le référendum d’initiative partagée. Ses conditions sont strictes : un cinquième des membres du Parlement doit en être à l’initiative. Si la proposition est validée par le Conseil constitutionnel, elle doit aussi être soutenue par un dixième des électeurs, ce qui représente entre 4 et 5 millions de personnes. Une fois les conditions réunies, le référendum peut être organisé. Cela reste un référendum dit législatif, ce qui signifie que seule une loi peut être adoptée par ce biais, à la différence d’une révision de la Constitution, qui n’est possible qu’en passant par l’article 89.
Louis Boyard appuie sa position en invoquant Charles de Gaulle qui, en 1962, en tant que président de la République, est parvenu à faire modifier l’article 6 de la Constitution pour faire en sorte que le président de la République soit élu au suffrage universel direct. Cette modification s’était en effet opérée en passant par le référendum prévu à l’article 11. Mais ce mode de révision constitutionnelle est majoritairement considéré comme illicite car il ne respecte pas la procédure prévue par l’article 89.
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Grégory Doucet, maire de Lyon : « Le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande nous oblige à importer 38 000 tonnes de viande »
Jeudi 22 février, le maire de Lyon, Grégory Doucet, intervenait sur la crise qui secoue le monde agricole. Après avoir déploré la signature du traité commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, le maire écologiste a déclaré que ce « traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande nous oblige à importer 38 000 tonnes de viande« . C’est faux.
L’annexe du traité intitulée Tariff elimination schedule comporte deux tableaux (pages 10-12) qui montrent clairement que Grégory Doucet s’est exprimé sans aller à la source. Cette annexe fait apparaître que l’Union européenne ne sera aucunement obligée d’importer 38 000 tonnes de viande. Le texte prévoit que ces 38 000 tonnes, qui ne concernent que la viande de mouton sous différentes formes (fraîche ou congelée), sont un maximum exempté de droits de douane, qui n’entrera en vigueur que progressivement, en sept ans. La première année, seules 16 000 tonnes seront exemptées, pour arriver en sept années à 38 000 tonnes.
Si l’Union importe plus de 38 000 tonnes, des droits de douane s’appliqueront au tarif plein pour toutes les quantités supplémentaires, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Et si l’Union achète moins de 38 000 tonnes, il ne se passera rien. Par ailleurs, ces 38 000 tonnes sont autorisées sans droits de douane à l’échelle de l’Union européenne, pas de la France. Rien n’oblige le consommateur français à acheter de la viande néo-zélandaise au supermarché. Lorsque l’accord entrera en vigueur, le seul effet sera donc d’exempter les 38 000 premières tonnes de droits de douane.
De plus, le traité n’est pas encore entré en vigueur. Le Parlement européen l’a approuvé et le Conseil en a autorisé la ratification fin 2023 mais le traité entrera en vigueur quelques semaines après la ratification de la Nouvelle-Zélande.
Enfin, comme c’est en général le cas dans les accords commerciaux, un volet protection des savoir-faire européens est prévu.
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Laurent Wauquiez : « On doit s’orienter vers une interdiction des grèves au moment des périodes de vacances scolaires »
La proposition de Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne Rhône-Alpes (LR), tend à une interdiction pure et simple du droit de grève pendant les vacances scolaires. Cette proposition ne franchirait pas le cap du Conseil constitutionnel qui ne reconnaît aucune valeur constitutionnelle au droit aux vacances, alors que le droit de grève est clairement inscrit dans la Constitution (préambule de 1946, alinéa 7).
En revanche, les exemples avancés à l’étranger vont dans le sens d’une solution intermédiaire, comme en Italie. En effet, la loi italienne (articles 1er et 2) prévoit que pour les services publics essentiels, le droit de grève doit être concilié avec notamment la liberté de circuler lors des événements de grande importance sociale, comme certaines vacances (Noël). Cette législation vaut pour tous les transports publics et impose une négociation collective pour maintenir la continuité des services publics, sous le contrôle d’une Commission et sous la menace de sanctions.
Mais il ne s’agit aucunement d’une interdiction de la grève, au mieux d’un service minimum, qui résulte de la conciliation entre droit de grève et liberté d’aller et venir.
En France, les récentes tentatives de restreindre le droit de grève ne s’appuient pas sur un hypothétique droit aux vacances mais sur le fondement du principe de continuité du service public, qui est également de nature constitutionnelle. Le préambule de la Constitution de 1946 précise d’ailleurs que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent« , ce qui confère au législateur une légitimité pour apporter des limitations au droit de grève
Ainsi, une proposition de loi des sénateurs centristes du 14 février 2024 propose quelques limitations au droit de grève tout en ajoutant que « la conciliation entre des principes et des droits fondamentaux doit donc toujours se résoudre sur la base d’un compromis proportionné, soumis au contrôle du juge« . Le Conseil constitutionnel considère de son côté que si le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, « il a des limites » (décision du 28 juillet 1979). C’est au législateur d’arbitrer entre les droits ou les libertés, et le Conseil constitutionnel ne censurerait que les disproportions manifestes.
Ainsi, une limitation à l’italienne du droit de grève, s’appliquant à certaines circonstances et certaines dates bien circonscrites et reconnues d’intérêt général suffisant, ne serait pas forcément contraire à la Constitution.
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Référence : AJU424458