Chez les Surligneurs : Les manifestations étudiantes pro-palestiniennes sont-elles contraire à la laïcité ?
Les manifestations étudiantes de soutien à la Palestine organisées à l’occasion de la commémoration de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 contre Israël sont-elles contraires à la neutralité et à la laïcité ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur le rôle de l’ARCOM, la présence de drapeaux dans l’espace public et la dernière décision de la CJUE relative au Football.
Attaque du 7 octobre : Les manifestations étudiantes sont-elles contraires aux principes de neutralité et de laïcité ?
En réponse à des manifestations étudiantes en soutien à la Palestine, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel a publié un communiqué, condamnant ces actions. Actions qui selon lui “vont à l’encontre des principes de neutralité et de laïcité du service public de l’enseignement supérieur”, s’appuyant sur l’article L141-6 du Code de l’éducation prévoyant que “le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse et idéologique”.
Cependant, ce rappel du principe de neutralité régit le service public, sa direction et ses agents, mais ne s’appliquent pas aux usagers du service public d’enseignement supérieur que sont les étudiants. Ces derniers peuvent exprimer des idées politiques ou religieuses dans la mesure où cette expression ne trouble pas le bon fonctionnement des enseignements.
D’ailleurs l’article L811-1 du Code de l’éducation leur octroie une liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Le Conseil d’État a pu rappeler cet État du droit dans une décision de 1996. On rappelle cependant que ces expressions ont pour limite le fait de ne pas nuire “aux activités d’enseignement et de recherche et ne pas troubler l’ordre public”. Cela exclut donc les occupations de locaux ou encore les manifestations excluant certains étudiants en raison de leurs opinions politiques.
Le ministère est dans son rôle lorsqu’il enjoint aux présidents d’universités de veiller au maintien de l’ordre public dans leurs établissements, mais est hors sujet en voulant faire appliquer des principes qui ne concernent pas les étudiants.
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L’ARCOM aurait-elle dû réagir aux nominations d’élus politiques aux conseils d’administration de FTV et Radio France ?
Le 3 octobre 2024, l’ancienne porte-parole du gouvernement de Gabriel Attal, Prisca Thevenot, fait son entrée au conseil d’administration de Radio France. Le même jour, Emmanuel Grégoire, député du Parti socialiste et ancien adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, intègre le conseil d’administration de France Télévisions.
L’ARCOM, fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), est une autorité publique indépendante dont les prérogatives sont définies par l’article 3-1 de la loi Léotard relative à la liberté de communication.
L’une de ses missions est de garantir le pluralisme et la déontologie des programmes, veillant à l’équilibre des temps de parole des personnalités politiques. Mais une jurisprudence du Conseil d’État de février 2024 précise que le régulateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de ses prérogatives. Pour assurer le respect de la loi, l’ARCOM peut, au-delà du contrôle du temps de parole des personnalités politiques, tenir compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes.
Cependant le contrôle de la composition du conseil d’administration ne fait pas partie de ces prérogatives. De plus, le conseil d’administration de Radio France est composé de 12 personnes, dont 4 personnes indépendantes nommées par l’ARCOM, 2 parlementaires de la commission des affaires culturelles mais aussi 2 représentants du personnel élus. C’est en tant que représentante de l’Assemblée nationale que Prisca Thevenot est entrée au sein du conseil d’administration.
Ces nominations sont légales en ce qu’elles sont conformes aux articles 47-1 et 47-2 de la loi de 1986 relative à la liberté de communication. Ces articles encadrent en effet, la composition des conseils d’administration de France Télévisions et Radio France. Ils précisent que les députés et sénateurs qui y siègent sont désignés par les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.
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Pour François Hollande: “Les seuls drapeaux qu’on doit porter dans des lieux publics ce sont les drapeaux français”
Jean-Luc Mélenchon a récemment appelé les étudiants à accrocher des drapeaux palestiniens “partout où on le peux”. En réaction, François Hollande, désormais député de Corrèze affirme que “les seuls drapeaux qu’on doit porter dans des lieux publics, ce sont les drapeaux français”. Il relativise en disant que l’on peut brandir d’autres drapeaux (palestiniens par exemple) dans la rue à l’occasion de manifestations.
Il est possible de faire de la propagande et d’exprimer une opinion dans des lieux et espaces publics, à deux conditions.
Premièrement, les opinions en question ne doivent pas voir leur expression interdite par la loi : sont donc exclus les propos publics racistes, homophobes ou encore négationnistes.
Deuxième condition, même si les opinions exprimées ne sont pas, en soi, problématiques, leur expression ne doit pas troubler l’ordre public. Il est donc possible de brandir un drapeau palestinien, breton, corse, américain dans l’espace public à condition que cela ne trouble pas l’ordre public.
François Hollande faisant allusion aux lieux accueillant un service public comme les universités, il est bon de rappeler que les étudiants ne sont pas concernés par l’obligation de neutralité. Ce principe de neutralité s’applique cependant aux bâtiments publics, apposer des drapeaux autres que le drapeau français sur leurs frontons est donc interdit.
Le tribunal administratif de Lyon à considéré en 2011, que le pavoisement permanent d’un bâtiment public aux couleurs d’un drapeau étranger est illégal, car contraire à la neutralité du service public. Seule occasion durant laquelle il est possible d’accrocher un drapeau étranger à un bâtiment public ? Lors de la visite officielle d’un chef d’Etat ou de gouvernement étranger, et seulement le temps de la visite.
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Football: La CJUE a-t-elle signé la fin des indemnités de transfert ?
Des internautes prétendent que la Cour de justice de l’Union européenne interdit toute indemnité de transfert. Cette affirmation est très exagérée. Avec son arrêt du 4 octobre 2024, la Cour ouvre simplement la voie à une réforme, sans pour autant supprimer ces indemnités.
Par son arrêt du 4 octobre 2024, la CJUE a estimé que les règlements de la FIFA étaient contraires aux lois européennes sur la concurrence et la libre circulation des personnes.
Pour comprendre, en 2014 un footballeur rompt son contrat avec son club, après ce départ, le club réclame 20 millions d’euros d’indemnités, comme le prévoient les règles de la FIFA en cas de rupture de contrat “sans cause juste”. La FIFA va d’ailleurs refuser de délivrer le certificat international de transfert pourtant nécessaire pour que le footballeur puisse participer à des compétitions avec un autre club. Il attaque donc la FIFA et l’affaire se retrouve devant la CJUE sur la base de l’article 45 du TFUE protégeant la liberté de circulation des travailleurs.
Après cet arrêt, la FIFA devra modifier certaines de ses règles pour les aligner sur les lois européennes en permettant aux joueurs de rompre leur contrat plus facilement sans que cela pénalise lourdement leur futur club. Ainsi, les indemnités ne sont pas interdites. Au contraire, les juges estiment même que prévoir des indemnités en cas de rupture permet “d’assurer la régularité des compétitions de football interclubs”. Le problème dans le cas ayant conduit à cette décision c’est la disproportion des indemnités, ici de 20 millions d’euros. Il faut que les indemnités reposent sur des critères de calcul transparents et qu’elles tiennent compte des particularités de chaque situation.
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Référence : AJU474127