Chez les Surligneurs : Les messages de FO-ESR sur Gaza sont contraires au principe de neutralité

Publié le 15/12/2023

Un syndicat universitaire peut-il utiliser les messageries électroniques professionnelles pour appeler à manifester en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza ? Non, car c’est contraire au principe de neutralité du service public. Les Surligneurs vous expliquent pourquoi. Cette semaine, ils se penchent aussi sur la proposition de Marion Maréchal d’interner les fichés S et sur la possibilité ou non pour le gouvernement de s’opposer à l’abaissement à 50km/h de la vitesse sur le périphérique parisien. 

Chez les Surligneurs : Les messages de FO-ESR sur Gaza sont contraires au principe de neutralité

Le syndicat FO-ESR adresse à tous les personnels universitaires un appel à dénoncer et à manifester pour un cessez-le-feu à Gaza.

Des atteintes à la neutralité du service public se propagent dans les universités via les messageries électroniques professionnelles : plusieurs syndicats universitaires, d’enseignants-chercheurs ou d’étudiants, envoient des messages électroniques à tous les personnels et étudiants, les encourageant à se rassembler et à manifester pour l’arrêt des hostilités à Gaza, plus précisément un cessez-le-feu, la protection des civils palestiniens, le respect du droit international.

On ne peut que cautionner l’idée qu’il faut faire cesser les violences en cours au Proche-Orient d’une manière ou d’une autre. Mais le choix de cette manière, ou de l’autre, relève du monde politique et non d’un syndicat, surtout lorsque ce dernier utilise les moyens du service public pour faire valoir ses positions politiques.

Le message adressé aux enseignants-chercheurs mentionne les écoles et établissements universitaires détruits à Gaza, et la mort d’un universitaire sur place. Le lien avec l’objet d’un syndicat est cependant difficile à établir notamment car celui-ci consiste en “l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts” (article L. 2131-1 du code du travail). À ce titre, un syndicat professionnel “ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques” (Cass. mixte, 10 avril 1998). Et même si son objet statutaire n’est pas politique, ses actions ne peuvent l’être non plus.

Il est vrai que les syndicats sont en droit de défendre les travailleurs d’autres pays. Mais où est, dans ce message de FO-ESR, la défense des universitaires gazaouis en tant qu’universitaires ?

La voie utilisée par FO-ESR pour diffuser son appel est celle des messageries universitaires, et notamment des listes de diffusion. L’accès accordé aux organisations syndicales aux listes de diffusions est déterminé par une série de textes propres à l’enseignement supérieur. D’une part, les informations diffusées par les organisations syndicales ne peuvent l’être que sur ces listes, qui doivent prévoir des dispositifs automatiques de désabonnement. D’autre part, ces listes ne peuvent pas être utilisées à d’autres fins que la diffusion d’informations de nature syndicale et d’origine syndicale.

Les listes de diffusion syndicale ont donc pour objet la diffusion d’informations syndicales, des informations relatives aux activités du syndicat à caractère général ou individualisé, renvoyant à l’objet de ces organisations qui est de défendre des intérêts professionnels. Au-delà, le syndicat sort de son rôle et aussi de la légalité…

Enfin, l’utilisation des moyens du service public pour diffuser des messages à caractère politique revient à enfreindre le principe de neutralité du service public, qui est un principe constitutionnel (article 10 DDHC et Conseil constitutionnel, 21 février 2013). C’est encore plus vrai lorsque le message s’adresse, comme en l’occurrence, aux “personnels et étudiants de l’enseignement supérieur et de la recherche”, autrement dit aux agents et aux usagers du service public de l’enseignement supérieur.

Or, le principe de neutralité ne s’impose pas seulement à l’institution, qui se doit d’être neutre, mais aussi à ses agents, qui n’ont pas à manifester leurs opinions à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions (Conseil d’État, 22 nov. 2004).

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Marion Maréchal : « Il faut arrêter et interner administrativement d’urgence tous les islamistes fichés S »

Peu de temps après l’attentat de Paris près de la Tour Eiffel, commis par un homme fiché S, Marion Maréchal, tête de liste Reconquête ! aux prochaines élections européennes, a appelé à « arrêter et à interner administrativement » tous les fichés S islamistes. Un projet qui peut vite tourner à l’arbitraire.

L’internement administratif se distingue de la détention provisoire liée à la commission présumée d’un délit ou d’un crime. Il n’est pas décidé par un juge mais par arrêté du préfet ou du ministre de l’Intérieur. C’est une mesure exceptionnelle visant à priver de liberté d’aller et venir un individu qui présente un danger pour la sécurité publique. Le ministre de l’Intérieur ou le préfet peuvent émettre un arrêté d’internement administratif s’ils l’estiment nécessaire. Reste que cette procédure exceptionnelle mise en œuvre lors de crises politiques ou sécuritaires, qui avait été instaurée en 1939 n’existe plus. Elle fut mise en œuvre durant le régime de Vichy avant de ressurgir en 1958 pendant la guerre d’Algérie.

De plus, entre-temps, la Constitution de 1958 a posé le principe de l’interdiction des détentions arbitraires (article 66), et la liberté d’aller et venir a acquis une valeur constitutionnelle, ce qui suppose l’intervention d’un juge en principe avant une privation de liberté. En somme, à moins qu’une guerre soit en préparation, ce qui constituerait une circonstance suffisante, rien ne justifie le retour d’une telle pratique par la voie d’une loi, laquelle serait censurée par le Conseil constitutionnel.

Au-delà de la garde à vue, toute détention doit être autorisée ou placée sous le contrôle d’un juge. Le fichage S ne remplace aucunement ce processus et ne permet pas, hors de tout contrôle du juge, d’interner une personne.

Les fichés S n’ont pas non plus tous le même degré de dangerosité, et cette dangerosité n’est pas seulement liée à l’islamisme : il existe des fichés S pour d’autres raisons. En l’absence d’infraction commise ou en préparation, un fiché S ne peut donc pas être privé de liberté. Les articles L224-1 et L225-1 du Code de la sécurité intérieure prévoient des exceptions bien délimitées : un individu suspecté de projeter certaines activités terroristes peut être interdit de quitter le territoire national, voire assigné à résidence ou dans un périmètre géographique réduit. Il est très improbable que le Conseil constitutionnel admette une banalisation de la procédure d’internement.

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Périph à 50 km/h : « L’État ne validera pas cette décision » annonce Clément Beaune

Interrogé sur le projet de la mairie de Paris de baisser la vitesse sur le boulevard périphérique à 50 km/h, le ministre des Transports Clément Beaune a annoncé que l’État ne validerait pas cette décision. Or, l’État n’a plus son mot à dire sur ce sujet.

Autrefois, l’État était responsable de la réglementation de la vitesse sur le boulevard périphérique. Ce pouvoir a été transféré au maire de Paris par une loi du 28 février 2017 (article L2512-14 du CGCT). Le maire de Paris a donc la compétence exclusive sur le périphérique et peut limiter la vitesse comme bon lui semble, sans que soit nécessaire la validation par le ministre. Étant précisé que l’aménagement du périphérique, notamment la création de voies affectées à certains types de transport, reste de la compétence de l’État, à travers le préfet de police de Paris. Cela précisé, le législateur peut toujours recentraliser la gestion de la vitesse sur le périphérique, en la confiant de nouveau au préfet de police de Paris.

Une question demeure cependant. Dans la mesure où le périphérique occupe une partie du territoire parisien mais aussi de certaines communes de proche banlieue (Kremlin-Bicêtre, Gentilly, Ivry-sur-Seine), le maire de Paris a-t-il un pouvoir sur ces portions de routes qui sortent des limites de sa ville ? La loi est muette sur ce point. Cela impliquerait que le maire de Paris puisse réglementer la vitesse sur des portions du périphérique situées sur le territoire d’autres communes. Le jour où la maire de Paris limitera la vitesse à 50 km/h, il se trouvera bien une personne pour saisir le juge administratif et éclaircir le sens de la loi.

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