Chez les Surligneurs : Macron a-t-il enfreint le principe de laïcité à Notre-Dame ?

Publié le 20/12/2024

Non, la présence d’Emmanuel Macron à Notre-Dame n’est pas en soi une atteinte à la laïcité, les Surligneurs vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur les obligations relatives à la nomination d’un Premier ministre et sur les deepfake sonores, en l’espèce celui visant Christine Boutin. 

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Réouverture de Notre-Dame de Paris : Emmanuel Macron a-t-il enfreint le principe de laïcité ?

Le 7 décembre, la réouverture de Notre-Dame de Paris a suscité des questions sur la laïcité après le discours d’Emmanuel Macron et sa participation à une célébration religieuse.

L’article 2 de la loi de 1905 dispose que “la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte” et institue donc trois principes : la non-reconnaissance, le non-financement, et le non-salariat des cultes. L’article 1er de la Constitution de 1958, d’un autre côté, qualifie la République de “laïque” et précise qu’elle “respecte toutes les croyances”.

La présence d’élus et du président de la République lors de la réouverture de Notre-Dame ne porte pas atteinte en elle-même à la laïcité. L’événement avait certes une dimension religieuse emblématique, mais le discours du Président est resté de l’ordre du politique et du culturel.

Le président de la République, comme les élus, ne doit pas, dans l’exercice de son mandat, afficher ses convictions religieuses ni participer activement à une cérémonie religieuse. Certes, ces élus sont des représentants de la nation ou d’une partie de la nation, mais représenter la nation lors d’un office n’est pas reconnaître une religion. Y participer activement en revanche porterait nécessairement atteinte à la laïcité, et plus précisément à l’égalité entre les cultes. C’est pour cette raison qu’Emmanuel Macron n’a pas communié lors de la messe inaugurale, le lendemain de la cérémonie d’ouverture.

Le discours dans la cathédrale a également été examiné sous l’angle de la liberté de culte. Bien que Notre-Dame soit propriété de l’État, son usage est réservé au culte religieux sous l’autorité de l’Église : seul le ministre du culte dispose de l’usage du lieu et des clés. Lorsque le président de la République entend prononcer un discours politique au sein de Notre-Dame, le ministre du culte doit donner son accord, sans quoi il n’y a pas de violation du principe de laïcité, mais de la liberté de culte. Le discours, initialement prévu sur le parvis, a été déplacé en raison de la météo, avec l’accord du clergé, respectant ainsi la liberté de culte sans compromettre la laïcité.

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Selon Aurélien Saintoul, le président de la République est obligé de nommer un premier ministre issu du premier groupe à l’Assemblée nationale.

La nomination de François Bayrou à Matignon suscite des critiques, en particulier du côté de la France insoumise.

Le député Aurélien Saintoul (LFI) accuse Emmanuel Macron de manquer à son devoir en ne choisissant pas un Premier ministre issu du premier groupe à l’Assemblée nationale. Mais le député a tort en droit.

L’article 8 de la Constitution confère au président de la République une totale liberté dans la nomination du chef du gouvernement, sans obligation de choisir dans les rangs de la majorité parlementaire. La seule contrainte réelle est plutôt politique : éviter qu’une majorité hostile à l’Assemblée nationale ne renverse le Premier ministre par une motion de censure.

Par ailleurs, l’article 5 de la Constitution impose au président de garantir la stabilité des institutions. Multiplier les gouvernements éphémères pourrait être considéré comme un manquement grave à ses devoirs, risquant une destitution par la Haute Cour. Ainsi, le choix du Premier ministre repose davantage sur des considérations d’équilibre institutionnel que sur une obligation légale.

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“ La danse, la forêt et la solitude” : a-t-on le droit d’imiter la voix de Christine Boutin pour faire chanter Josiane Pichet ?

Depuis mai 2024, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux met en scène « Josiane Pichet », une prétendue professeure de danse en forêt. Cette figure, créée grâce à l’utilisation d’une intelligence artificielle, mêle des images d’une personne réelle et une voix générée, imitant celle de l’ex-députée Christine Boutin. Cette technique, appelée « deepfake sonore », suscite des interrogations juridiques.

Le deepfake sonore, capable de reproduire une voix à partir d’échantillons, crée des risques pour les personnes imitées, notamment en termes de diffamation ou de désinformation. La voix est juridiquement considérée comme un élément de la personnalité, comme précisé dans le cadre de l’affaire “Maria Callas”. Le tribunal de grande instance de Paris avait alors précisé que la voix était “un attribut de la personnalité, une sorte d’image sonore”. Cette qualification permet de bénéficier de protection en matière civile et pénale. Sur le plan civil, l’article 9 du Code civil protège le droit au respect de la vie privée, dont dérive la voix de toute personne. On peut donc demander le retrait d’un audio, même d’une imitation si cette dernière la rend identifiable.

Depuis le 23 mai 2024, l’article 226-8 du Code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour les atteintes à la représentation de la personne engendrées par l’IA, là où, auparavant, il ne concernait que les montages visuels ou sonores. Cet article condamne la diffusion d’un deepfake sonore sans autorisation, lorsqu’il n’est pas explicitement mentionné qu’il s’agit d’une création artificielle ou que cela ne paraît pas spontanément évident.

Cependant, la légalité de ces créations dépend du contexte. Si elles relèvent de la parodie ou de la satire et respectent la dignité de la personne, elles peuvent être considérées comme légitimes au nom de la liberté d’expression artistique, protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans le cas de Josiane Pichet, le créateur a clairement indiqué la nature parodique du contenu. Ainsi, tant que personne ne porte plainte, ce deepfake humoristique semble conforme au droit. Toutefois, l’absence de consentement et le potentiel de dénaturation de son image posent un risque juridique que les tribunaux évalueraient en fonction de la balance entre liberté d’expression artistique et respect des droits de la personnalité.

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