Chez les Surligneurs : Peut-on abroger la réforme des retraites par décret, comme l’affirme LFI ?
La députée LFI Clémence Guetté affirme qu’on peut abroger la réforme des retraites par décret. Pas possible, selon les Surligneurs, qui vous expliquent pourquoi. Cette semaine, ils se penchent aussi sur l’impôt sur le revenu, la protection des réfugiés syriens et les effets qu’aurait la démission du président de la République.
Clémence Guetté affirme que l’on peut abroger la réforme des retraites par décret
La députée Clémence Guetté affirme qu’un décret suffirait pour abroger la réforme des retraites de 2023, une position juridiquement contestable. En droit, le principe du parallélisme des compétences prévoit qu’une loi ne peut être modifiée ou abrogée que par une autre loi. Bien que certaines dispositions très détaillées de la réforme puissent théoriquement relever du domaine réglementaire, seul le Conseil constitutionnel pourrait les requalifier en tant que telles. Par ailleurs, abroger les décrets d’application de la loi de 2023 ne ferait pas disparaître la réforme : cela restaurerait les anciens décrets, eux-mêmes incompatibles avec la nouvelle loi, rendant cette approche juridiquement illégale et sujette à une annulation par le Conseil d’État.
En outre, tenter de retarder l’application de la réforme en abrogeant un article précis du décret — par exemple le calendrier progressif de l’augmentation de l’âge de départ — n’aurait pas d’impact réel. La loi de 2023 fixe déjà clairement cet âge et sa progression, ce qui obligerait les caisses de retraite à l’appliquer, même sans décret. En somme, seule une loi pourrait abroger cette réforme, confirmant l’insuffisance du décret comme instrument pour annuler une mesure législative de cette envergure.
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Est-il possible d’amender le projet de loi de finances spéciale pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu, comme l’affirme Jean-Philippe Tanguy ?
Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national, a récemment affirmé qu’il serait possible d’amender un projet de loi de finances spéciale pour y inclure une disposition indexant les plafonds des tranches de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Bien qu’un précédent ait eu lieu en 1979, lorsque des amendements similaires furent débattus mais rejetés, la situation actuelle diffère en raison des changements apportés par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001. Cette loi encadre strictement les projets de lois de finances spéciales, les limitant à des mesures nécessaires pour garantir le fonctionnement minimal des services publics en cas de non-adoption du budget avant le 31 décembre. Selon un récent avis du Conseil d’État, ce cadre exclut la possibilité de modifier le barème de l’impôt via ce type de loi.
Toutefois, le débat reste ouvert sur l’interprétation de la LOLF et sa compatibilité avec l’article 47 de la Constitution, certains juristes avançant que des amendements pourraient être discutés sous certaines conditions. En pratique, le gouvernement a choisi de déposer le projet de loi de finances spéciale avant la date limite fixée par la LOLF, excluant toute remise en cause immédiate des barèmes fiscaux. Si ces derniers ne sont pas ajustés au 1er janvier, une régularisation reste possible par la suite à travers une loi de finances ordinaire, permettant ainsi de corriger un éventuel trop-perçu.
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Le ministère de l’Intérieur est-il compétent pour mettre fin à la protection des réfugiés syriens ?
La prise de Damas par les rebelles a mis fin au régime d’Al-Assad, entraînant des réactions immédiates en Europe concernant le statut des réfugiés syriens. Tandis que des pays comme l’Autriche et l’Allemagne ont décidé de mettre fin à la protection accordée aux Syriens, le ministère de l’Intérieur français envisage de suivre cette voie. Cependant, une telle décision soulève des questions juridiques, car la compétence pour retirer le statut de réfugié appartient exclusivement à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), organe indépendant chargé d’évaluer la nécessité de la protection internationale, conformément au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).
Le ministère de l’Intérieur ne peut intervenir directement dans ces procédures, l’OFRPRA et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) étant seuls habilités à vérifier si les conditions ayant justifié l’asile ont changé, notamment en fonction de l’évolution de la situation politique en Syrie. Toute modification du statut de réfugié doit être fondée sur une analyse impartiale et indépendante par ces organes, lesquels ne peuvent recevoir d’instructions du ministère. Il revient donc à l’OFPRA dans un premier temps, et non au ministère, de déterminer si les réfugiés syriens courent encore des risques liés à leur appartenance ethnique, leurs opinions politiques ou leur orientation sexuelle.
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La continuité de l’État serait-elle menacée si le président démissionnait, comme l’affirme Emmanuel Macron ?
Lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a justifié sa décision de ne pas démissionner par son devoir de « veiller à la continuité de l’État », une déclaration qui peut prêter à confusion. Il semble se référer en réalité à la stabilité politique du pays, soulignant que son départ pourrait entraîner des élections présidentielles incertaines et déstabiliser les institutions. Toutefois, l’idée que l’État cesserait de fonctionner en cas de vacance présidentielle est erronée. La Constitution prévoit expressément des mécanismes garantissant la continuité des institutions en toutes circonstances.
En cas de démission, l’article 7 de la Constitution prévoit que le président du Sénat assume l’intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau président. Ce scénario s’est déjà produit en 1969, après la démission de Charles de Gaulle, et en 1974, après le décès de Georges Pompidou, avec Alain Poher comme président intérimaire. Pendant cette période, le Parlement et le gouvernement continuent de fonctionner, bien que certaines limitations s’appliquent, comme l’impossibilité de réviser la Constitution ou de voter une motion de censure. Ainsi, même en cas de départ d’Emmanuel Macron, la continuité de l’État serait pleinement assurée.
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Référence : AJU489478