Chez les Surligneurs : Peut-on renationaliser ENGIE, EDF et Total Énergies comme le souhaite F. Gay ?

Publié le 12/04/2024

Le grand service public de l’énergie qu’appelle de ses voeux le sénateur Fabien Gay est-il réalisable ? Les Surligneurs vous explique à quels obstacles un tel projet se heurterait. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur l’intérêt d’inscrire l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux et sur la prétendue impunité pénale des mineurs. 

Chez les Surligneurs : Peut-on renationaliser ENGIE, EDF et Total Énergies comme le souhaite F. Gay ?

Fabien Gay (sénateur PCF) appelle à « reconstruire un grand service public de l’énergie » avec ENGIE, EDF et Total Energies

Le sénateur PCR Fabien Gay a annoncé qu’il allait déposer avec son groupe une « grande proposition de loi » destinée à  « reconstruire un grand service public de l’énergie » avec ENGIE, EDF et Total Energies. Il s’agira donc de « renationaliser ces trois entreprises » et les fusionner en un « Groupe Energie de France » (GEDF), qui répondrait aux besoins énergétiques de la France tout en décarbonant ce secteur et en permettant de « sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique ».

Une telle proposition se heurtera à un obstacle majeur : son coût. En effet, l’article 40 de la Constitution rend irrecevables les propositions de loi et amendements qui consistent en une « création ou aggravation d’une charge publique ».

L’évaluation du coût d’une proposition de loi est essentielle car elle a des incidences sur sa conformité à la Constitution. Ainsi, en s’en tenant aux sources internet ouvertes, renationaliser EDF, Engie et Total Energies aura un coût. EDF appartient déjà à 100 % à l’Etat. Engie, en revanche, n’appartient qu’à 23.64% à l’Etat. Le reste est partagé entre certains investisseurs publics et privés. Total Energies, enfin, présente un actionnariat plus diversifié encore, puisque seuls 26,7 % du capital appartient à des actionnaires basés en France et que l’Etat n’en est plus actionnaire. Renationaliser Engie et Total Energies supposera donc de racheter l’ensemble des actions aux actionnaires actuels, à travers une loi de nationalisation. La capitalisation boursière de Total Energies et d’Engie est de respectivement 161 milliards et 37.5 milliards d’euros (dont près de 8.8 milliards en actions détenues par l’Etat pour Engie). Autant de milliards qu’il faudra débourser pour indemniser les actuels détenteurs des actions.

Parce qu’elle crée ou aggrave une charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution, cette proposition ne sera jamais débattue : elle devra être considérée comme irrecevable (Conseil constitutionnel, 25 juin 2009). Devant le Sénat, « le président de la commission des finances contrôle la recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution” et peut les déclarer irrecevables (article 45 du Règlement du Sénat). Et si jamais la proposition de loi passait ce premier filtre et arrivait même devant l’Assemblée nationale (AN), il existe d’autres filtres, « à tout moment de la procédure » législative (article 89 al. 4 du Règlement de l’AN).

Enfin, l’article 40 de la Constitution ne permet pas aux parlementaires de compenser la création ou l’aggravation d’une charge publique par une ressource publique, contrairement au cas où une proposition de loi se limite à diminuer une ressource en en augmentant une autre.

Une solution pourrait consister à créer une entité séparée de l’Etat, destinée à absorber cette dépense sans qu’elle apparaisse dans le budget, via une « débudgétisation” comme en 1997 pour faire absorber la dette de la SNCF par le Réseau ferré de France (RFF). Encore faudra-t-il que le Conseil constitutionnel valide un tel subterfuge, mais il ne s’y est jamais opposé jusqu’à présent.

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Raphaël Glucksmann (tête de liste Place publique-PS) souhaite l’inscription de l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux

Parmi les axes principaux de son programme, Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique – PS pour les élections européennes de juin, souhaite l’inscription de l’IVG dans la Charte droits fondamentaux de l’Union européenne (Charte). Une entreprise difficile.

Bien que l’IVG ne soit plus interdite dans aucun des États membres de l’Union européenne, elle reste un sujet sensible expliquant les disparités des conditions d’accès à travers le continent. En effet, tant pour les délais d’IVG que pour les motifs reconnus par la loi, les différences sont parfois considérables. Il sera donc difficile de trouver une formule consacrant la liberté de recourir à l’IVG qui satisfasse tous les États membres.

L’article 51 de la Charte précise qu’elle s’impose aux institutions et organes de l’Union dans toutes leurs actions, ainsi qu’aux États membres, mais uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. C’est donc cette Charte qu’il faudrait modifier, ce qui n’a rien de simple. Y insérer la liberté de recourir à l’IVG nécessite un vote à l’unanimité du Conseil européen après consultation du Parlement européen et de la Commission européenne. L’unanimité des 27 États membres est donc nécessaire. De plus, la législation de certains États membres prévoit l’approbation du Parlement national avant que leur gouvernement puisse accepter une modification des traités européens.

Plusieurs États membres, comme la Hongrie, sont réticents à l’idée de faciliter l’accès à l’avortement. Il semble dès lors compliqué d’obtenir les voix de ces pays pour réviser la Charte.

À supposer même que la Charte soit révisée, quels en seraient les effets, dès lors que l’Union européenne a des compétences très restreintes en matière d’IVG ? Le domaine de la santé relève principalement des États membres, même si l’Union en régit certains pans comme la promotion de l’accès à des services de santé. De plus, l’Union n’intervient dans ces domaines que pour compléter les législations nationales lorsque les objectifs peuvent être mieux réalisés à son niveau. L’inscription de l’IVG dans la Charte ne pourrait en aucun cas, sauf à modifier d’autres dispositions des traités européens, obliger les États qui ne le souhaitent pas à faciliter les règles d’accès à l’IVG.

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Robert Ménard : “Aujourd’hui, quand vous avez moins de 13 ans vous ne risquez rien”

Interrogé sur un sondage affirmant que “82% des français sont d’accord pour parler d’ensauvagement”, le maire de Béziers, Robert Ménard, s’est exprimé sur l’insécurité en France. Il considère que cette opinion est en partie liée à l’absence de prise en charge pénale des mineurs délinquants âgés de moins de treize ans. Qu’en est-il réellement ?

Tout d’abord, pour qu’une personne soit déclarée pénalement responsable de ses actes, il faut qu’elle dispose de tout son discernement au moment des faits (article 122-1 du code pénal), ce qui n’est pas le cas d’un très jeune mineur. Pour appréhender le discernement, il faut prendre en compte la capacité de l’individu mineur à comprendre l’acte qu’il a commis (Cour de cassation, 13 décembre 1956), et sa faculté à comprendre le sens de la procédure à laquelle il sera soumis (article L. 11-1 al 3 du Code de la justice pénale des mineurs, CJPM).

Selon l’article L. 11-1 du CJPM, “Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement”. Cependant, cette présomption est réfragable. Il est possible de prouver que le mineur de moins de treize ans savait très bien ce qu’il faisait, ce qui entraîne la possibilité d’engager sa responsabilité pénale. L’âge n’est pas le seul paramètre déterminant permettant d’établir le discernement du mineur puisque l’analyse repose sur un faisceau d’indices.

L’implication de mineurs âgés de moins de treize ans dans la commission d’infractions ne freine pas totalement les autorités dans leurs investigations. En effet, si le régime pour les mineurs est différent, il n’en demeure pas moins que des actes d’enquête contraignants sont prévus. Si la garde à vue n’est possible que pour les mineurs de plus de treize ans (article L. 413-6 CJPM),  les mineurs entre dix et treize ans peuvent être soumis à une mesure équivalente : la retenue pendant au plus douze heures pour les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement (article L. 413-1 CJPM). Les objectifs de ce dispositif sont les mêmes que pour la garde à vue (article 62-2 du CPP) et sa durée peut être prolongée sur décision motivée du procureur de la république ou du juge d’instruction.

Les peines prévues par le code pénal ne sont applicables qu’aux mineurs de plus de treize ans (article L. 11-4 CJPM). Cependant, des mesures éducatives sont prévues pour les mineurs en dessous de cet âge qui seraient considérés comme discernants et donc susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales. Il y a par exemple l’avertissement judiciaire, une mesure non coercitive, ou bien le placement dans un centre médico-social, une mesure éducative judiciaire (article L. 112-11 CJPM).

Bien sûr, il est toujours possible, comme Robert Ménard, de considérer que les mesures éducatives prévues à l’encontre des mineurs de moins de treize “ne sont pas suffisantes”. Le problème est que soumettre les mineurs à la justice pénale de droit commun heurterait le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002, qui impose une justice pénale spéciale pour les mineurs et une atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge.

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