Chez les Surligneurs : Peut-on sortir du marché de l’électricité comme le souhaite M. Aubry ?

Publié le 22/03/2024

Manon Aubry (LFI) propose de sortir du marché européen de l’électricité. Est-ce possible ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine les spécialistes du legal checking reviennent aussi sur l’interdiction des ruptures de jeûnes pendant les matchs de football et sur la mission de l’ARCOM. 

Chez les Surligneurs : Peut-on sortir du marché de l'électricité comme le souhaite M. Aubry ?

Manon Aubry (tête de liste LFI aux européennes) souhaite sortir du marché de l’électricité

Mesure phare du programme de la liste LFI aux élections européennes en matière d’énergie et de pouvoir d’achat, Manon Aubry propose de sortir du marché européen de l’électricité, mesure qui se heurte à certains obstacles.

Le marché intérieur de l’énergie de l’Union est fondé sur le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 114 et 194) et le règlement sur le marché intérieur de l’électricité, adopté en 2019 par le Parlement européen et le Conseil – qui réunit les États membres. Le but affiché est de garantir le bon fonctionnement, mais aussi de soutenir la décarbonation du secteur énergétique de l’Union européenne, en supprimant les obstacles aux échanges transfrontaliers d’électricité et en permettant la transition vers une énergie propre. Le tout en honorant les engagements pris lors de l’Accord de Paris sur le Climat. Or, aucun de ces textes européens ne permet à un État membre de se retirer du marché européen de l’énergie.

Deux voies légales existent pour faire échapper l’électricité à ce marché : d’abord convaincre le Parlement européen et une majorité suffisante d’États de réformer le système existant. Cela nécessiterait un nombre suffisant d’alliés au sein de l’Union européenne pour soutenir la réforme et la faire voter. C’est ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal. Autre possibilité ensuite, le retrait français de l’Union européenne, projet qui ne figure pas dans le programme de LFI. Une troisième voie existe où la France pourrait décider d’enfreindre en toute connaissance de cause le droit européen. La Commission européenne réagirait certainement en lançant des procédures d’infraction. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait alors intervenir avec pour conséquence ultime des sanctions financières pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros. Et si le gouvernement refuse de payer, la Commission pourra déduire cette amende des subventions qu’elle verse chaque année à la France.

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Lu dans Le Parisien : la Fédération française de football (FFF) refuse les ruptures de jeûne du Ramadan pendant les matchs

Le Parisien, nous donnait à lire il y a peu qu’”alors qu’ailleurs en Europe les règlements commencent à évoluer (Angleterre, Allemagne, Pays-Bas), la Fédération française de football maintient son interdiction des ruptures de jeûne pendant les matchs”. Ce fait, s’il est vrai, tient au principe de neutralité du service public auquel sont assujetties les fédérations sportives agréées.

Les fédérations sportives sont des associations qui ont pour objet d’organiser la pratique d’une discipline sportive. Elles doivent faire l’objet d’un agrément ministériel, avant de se voir déléguer une mission de service public (article L. 131-14 du Code du sport). Cette mission porte notamment sur l’organisation des compétitions sportives, les sélections, les “projets de performance fédérale” (PPF) ou encore l’inscription sur des listes “Espoirs” (article L. 131-15 du Code du sport).

La Cour de cassation juge de façon constante que l’obligation de neutralité s’applique aux fédérations sportives, associations de droit privé répondant au régime de la loi de 1901.

Laïcité et neutralité font souvent l’objet d’une confusion de la part des observateurs, alors qu’elles ne renvoient pas exactement aux mêmes concepts. Le principe de laïcité fait référence aux règles découlant de l’article premier de la Constitution  et de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État récemment modifiée, et au fait que tous les cultes sont mis sur un  pied d’égalité. De son côté le principe de neutralité, qui permet de protéger les agents et les usagers, en leur offrant un service fondé sur le principe d’égalité, découle notamment de la déclaration des droits de l’homme.

Ces principes de laïcité et de neutralité interdisent selon le Conseil constitutionnel à “quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les collectivités publiques et les particuliers”. Ces règles s’appliquent aux agents publics ou privés chargés d’un service public. Dans un arrêt du 29 juin 2023, le Conseil d’État a précisé que les professionnels jouant en sélection nationale sont dans ce cas précis assimilés à des agents publics, et ne peuvent pratiquer leur culte durant leurs fonctions, sur le terrain en l’occurrence.

Les joueurs sont considérés comme étant sous l’autorité de la FFF. Même si elle le voulait, la FFF ne pourrait vraisemblablement pas accepter puisque la jurisprudence administrative est constante en ce que ces joueurs n’ont aucun droit à l’aménagement dudit service. L’article premier de la Constitution prohibe à quiconque de se prévaloir de ses convictions religieuses pour se soustraire aux règles communes. Si la FFF souhaitait faire évoluer son règlement intérieur pour satisfaire une partie de ses joueurs professionnels, elle risquerait la censure du juge.

Il est possible qu’un référé-liberté soit introduit par les intéressés sur le fondement d’une atteinte à la liberté de conscience. Ce sera au juge de trancher.

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L’ARCOM est-elle orientée lorsqu’elle comptabilise le temps d’intervention audiovisuelle de Philippe de Villiers ?

L’ARCOM a décidé de décompter le temps de parole de Philippe de Villiers dans le cadre des prochaines élections européennes.

Bien que retiré de la vie politique, l’ex-élu vendéen intervient comme chroniqueur tous les vendredis sur la chaîne CNews. La décision intervient dans le contexte des polémiques faisant suite à la décision du Conseil d’État ayant enjoint à l’Autorité de régulation des médias audiovisuels de réévaluer l’appréciation du pluralisme politique dans les programmes de la chaîne. Pourtant, certains ont pu s’émouvoir du traitement différencié dont bénéficient d’autres personnalités politiques. L’ARCOM fait-elle du “deux poids, deux mesures” ?

Assurer le respect du pluralisme dans les services de télévision et de radio constitue l’une des missions dévolues à l’ARCOM. Ce respect est d’abord apprécié de façon générale, hors période électorale : les partis et groupements politiques exprimant les grandes orientations de la vie politique nationale doivent bénéficier d’un temps d’intervention équitable en fonction de leur représentativité, notamment à l’aune des résultats électoraux, du nombre d’élus et des indications des sondages d’opinion. Les éditeurs doivent à ce titre transmettre à l’ARCOM des relevés des temps d’intervention de personnalités politiques, lesquels sont rendus publics et transmis aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’aux responsables des différents partis politiques qui y sont représentés.

C’est à propos de cette exigence de pluralisme hors période électorale que le Conseil d’État a jugé que l’ARCOM devait aller au-delà de l’appréciation purement mathématique du temps d’intervention des personnalités politiques, et prendre en compte l’ensemble des programmes et des intervenants.

S’agissant des périodes électorales, le respect du pluralisme politique dans les services de radio et de télévision fait l’objet de dispositions spéciales. L’ARCOM est chargée d’émettre des recommandations sur les règles applicables pendant les campagnes électorales. L’article 2 d’une délibération de 2011 indique ainsi que les éditeurs doivent garantir aux candidats et listes de candidats une présentation et un accès équitables à l’antenne, ce qui inclut les “personnalités ou les partis et groupements politiques qui les soutiennent”. Le terme “personnalité” laisse entendre que les interventions d’autres personnes que les candidats ou membres de partis peuvent être comptabilisées dans les temps d’antenne de ces candidats ou membres de partis.

S’agissant des prochaines élections européennes, les règles ont été fixées par la recommandation de l’ARCOM du 6 mars 2024,  applicable dès le 15 avril 2024. Le respect du principe d’équité impose de tenir compte à partir de cette date des résultats obtenus lors des précédentes élections européennes, ainsi qu’aux élections plus récentes, ainsi que des sondages d’opinion. Là encore, la recommandation mentionne explicitement la prise en compte de personnalités extérieures aux listes de candidats, ce qui inclut “leurs soutiens”, notion laissée à la libre appréciation de l’ARCOM. Cette dernière a donc pu établir une liste de personnalités dont les interventions seront prises en compte, comme Philippe de Villiers ou Roselyne Bachelot. Cette liste dépend de la notoriété des personnalités en cause, de l’importance et de la fréquence de leurs interventions dans des services de médias audiovisuels, et de leur capacité à influencer le débat politique. Rien n’interdit pas à l’ARCOM de réviser cette liste, par exemple en supprimant ou en ajoutant un soutien, ce qui avait été le cas pour Daniel Cohn-Bendit lors des élections européennes de 2019.

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