Chez les Surligneurs : que peut faire l’UE après les déclarations chocs de Mark Zuckerberg ?

Publié le 24/01/2025

Les déclarations du patron de Meta concernant la lutte contre la désinformation sont-elles compatibles avec les règles européennes ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur l’utilité d’une possible ouverture d’enquête contre l’Abbé Pierre, l’annulation de l’élection présidentielle en Roumanie et la possibilité de lancer un référendum sur l’immigration. 

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Zuckerberg vs European Union : que peut faire l’UE après les déclarations chocs du patron de Meta ?

Les récentes déclarations de Mark Zuckerberg à l’encontre des règles de lutte contre la désinformation soulignent l’opposition entre la vision américaine de la liberté d’expression et celle de l’Union européenne. Aux États-Unis, la modération des contenus sur les plateformes numériques est encadrée par le premier amendement et le Communications Decency Act, favorisant un « libre marché des idées » où les entreprises restent libres de définir leurs politiques éditoriales. Cette approche s’inscrit dans une tradition juridique censée valoriser la compétition entre courants d’opinions pour garantir la vérité et protéger les libertés fondamentales des utilisateurs et des plateformes elles-mêmes.

En revanche, l’Union européenne adopte une approche plus régulée, notamment à travers le règlement sur les services numériques (DSA), qui impose aux grandes plateformes des obligations spécifiques en matière de modération pour lutter contre les contenus haineux et la désinformation. Bien que des sanctions, y compris des restrictions d’accès, puissent être envisagées en cas de manquement, leur mise en œuvre reste complexe et limitée aux cas les plus graves. Cette différence juridique illustre le différend entre ces deux visions de la régulation des plateformes numériques, dans un contexte de transformation des politiques de modération par des géants comme Meta ou X.

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Abbé Pierre : pourquoi enquêter sur un mort que l’on ne peut pas condamner ?

L’annonce de l’ouverture d’une enquête judiciaire sur l’abbé Pierre, malgré son décès en 2007, suscite des interrogations sur son utilité. En vertu de l’article 6 du Code de procédure pénale, l’action publique s’éteint avec la mort de l’auteur présumé, rendant impossible toute condamnation pénale. Cependant, l’enquête pourrait avoir d’autres objectifs, comme identifier d’éventuelles victimes supplémentaires, mettre en lumière d’éventuels complices ou des cas de non-dénonciation, même si les règles de prescription pourraient limiter les poursuites. Sur le plan civil, les victimes pourraient théoriquement obtenir réparation, mais cela dépendra de la prescription des faits, qui varie en fonction de leur ancienneté et de la nature des préjudices, notamment psychologiques.

En outre, l’enquête pourrait avoir une portée symbolique et institutionnelle. Elle s’inscrit dans une démarche plus large visant à reconnaître les souffrances des victimes d’abus sexuels, comme cela a été recommandé par des rapports récents, notamment celui de la Commission indépendante sur les abus dans l’Église. Même sans condamnation possible, l’initiative peut contribuer à la recherche de la vérité et à l’apaisement des victimes, tout en mettant en lumière des dysfonctionnements éventuels dans la gestion de tels abus au sein de l’Église. Cette démarche participe à une réflexion collective sur la lutte contre les abus et sur les moyens de protéger les victimes.

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Non, l’Union européenne n’est pas responsable de l’annulation de l’élection présidentielle en Roumanie

Les accusations portées par Elon Musk à l’encontre de Thierry Breton, qualifié de « tyran de l’Europe », reposent sur des propos mal interprétés et hors contexte. L’ancien commissaire européen, lors d’une intervention médiatique, avait évoqué l’application du Règlement sur les services numériques (DSA) et le rôle des plateformes comme TikTok, en lien avec les élections présidentielles roumaines, annulées en 2024. Si ses déclarations ont pu prêter à confusion, il a été confirmé que l’annulation des élections résultait exclusivement d’une décision de la Cour constitutionnelle roumaine, motivée par des soupçons d’ingérence, et non d’une action de l’Union européenne. Le DSA a seulement servi de cadre juridique aux autorités roumaines pour demander des informations à TikTok, tout simplement parce que la Roumanie fait partie de l’Union européenne.

Le DSA, loin de s’immiscer dans des élections nationales, vise à encadrer les grandes plateformes numériques opérant en Europe, en leur imposant des obligations de transparence, de modération de contenu et de protection des processus démocratiques. Thierry Breton a lui-même dû démentir toute implication de l’Union européenne dans l’annulation des élections, qualifiant les interprétations de ses propos de « fake news ». Ces malentendus témoignent de l’importance d’un usage rigoureux et contextualisé des réglementations européennes, qui visent à préserver l’intégrité démocratique sans empiéter sur la souveraineté nationale des États membres.

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Est-il impossible de lancer un référendum sur l’immigration, comme l’affirme Gérald Darmanin ?

Gérald Darmanin a affirmé sur LCI qu’un référendum sur l’immigration serait impossible, car ce thème ne figure pas explicitement à l’article 11 de la Constitution. Cependant, cette position néglige les récents éclaircissements du Conseil constitutionnel. En mars 2024, ce dernier a reconnu qu’un référendum sur l’accès des étrangers aux prestations sociales relevait de la « politique sociale de la nation », ouvrant ainsi la possibilité d’un référendum portant  sur certains aspects de l’immigration comme les prestations sociales aux immigrés. Cette interprétation, bien qu’encore limitée aux prestations sociales, marque un élargissement du champ de l’article 11.

Le Conseil n’a toutefois pas statué sur d’autres aspects de l’immigration, comme l’aide médicale ou les tarifs réduits pour les personnes en situation irrégulière, sans pour autant les exclure explicitement. Contrairement à l’affirmation de Gérald Darmanin, il est donc envisageable de soumettre certaines questions d’immigration à un référendum, sous réserve de leur conformité à la Constitution. Une telle initiative nécessiterait toutefois un examen du Conseil constitutionnel, notamment pour garantir que des principes fondamentaux, comme le droit d’asile, ne soient pas remis en cause.

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