Chez les Surligneurs : Un député a le droit de mettre une crèche dans sa permanence

Publié le 08/12/2023

Le député LFI Adrien Quatennens a-t-il raison d’invoquer la laïcité contre son collègue RN Christophe Barthès à propos de la crèche que celui-ci a installée dans sa permanence ? Non. Les Surligneurs vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent également sur la notion juridique de « bouclier humain » et sur le sort des enfants de chômeurs à Mazamet. 

Chez les Surligneurs : Un député a le droit de mettre une crèche dans sa permanence

Christophe Barthès (RN) installe une crèche dans sa permanence : Adrien Quatennens (LFI) invoque la laïcité

Échange houleux à l’Assemblée entre deux députés. D’un côté Christophe Barthès (RN) fier de poser en photo sur le réseau X devant la crèche de noël installée dans sa permanence à Carcassonne, « dans le respect des traditions ». De l’autre, Adrien Quatennens (LFI), très critique : « Ici c’est la France. Et la France est une République laïque. Comme parlementaire, vous représentez tous les Français. La crèche, c’est éventuellement dans le salon à la maison. Pas dans la permanence parlementaire ». Or, le député LFI se trompe puisque les députés ne sont pas soumis au principe de laïcité.

En effet, le principe de neutralité politique et religieuse ne s’applique pas aux élus car ils ne sont pas des agents publics (Conseil constitutionnel, 21 févr. 2013). La seule réserve tient à une auto-discipline, à l’intérieur de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, à travers une « Instruction générale du Bureau » dont l’article 9 prévoit : « La tenue vestimentaire ne saurait être (…) le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique ».

Lorsqu’un député choisit un lieu pour y établir sa permanence dans sa circonscription, il le loue en général, et noue alors un contrat de bail civil des plus classiques. Lorsqu’il y exerce sa fonction de député, il ne remplit aucune mission de service public : il représente la Nation, et sa fonction est donc politique. Les assistants parlementaires, qui reçoivent les électeurs, sont certes rémunérés par le député sur des fonds publics, mais ils ne sont pas non plus considérés comme étant en charge d’une mission de service public.

D’ailleurs, indépendamment de sa fonction politique en tant que représentant de la nation, le député représente aussi un parti politique. Or, les partis politiques, « concourent à l’expression du suffrage (…) Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie » (article 4 de la Constitution), . Là encore, pas de principe de laïcité, car les partis politiques ne sont pas investis d’une mission de service public selon le juge (Cour de cassation, 27 janv. 2017).

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Boucliers humains ou boucliers sanitaires : la définition par les textes

L’utilisation de boucliers humains est régulièrement condamnée par les juridictions internationales, à commencer par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. Elle est souvent évoquée dans l’actualité, en particulier en Ukraine et au Proche-Orient. Encore que, dans bien des cas, il s’agisse plus de “boucliers sanitaires” que de “boucliers humains” à proprement parler. Quelle définition donnent de ces notions le droit international humanitaire et le droit international pénal ?

Les Conventions de Genève de 1949 assurent la sécurité des personnes dans les zones dangereuses. Ainsi, aucun prisonnier de guerre “ne pourra, à quelque moment que ce soit, être envoyé ou retenu dans une région où il serait exposé au feu de la zone de combat, ni être utilisé pour mettre par sa présence certains points ou certaines régions à l’abri des opérations militaires” (article 23 de la Convention III). Il est précisé, concernant les personnes civiles en temps de guerre, qu’“aucune personne protégée ne pourra être utilisée pour mettre, par sa présence, certains points ou certaines régions à l’abri des opérations militaires” (article 28 de la Convention IV). En cas d’occupation de territoires, que “la Puissance occupante ne pourra retenir les personnes protégées dans une région particulièrement exposée aux dangers de la guerre, sauf si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent” (article 49).

Il est formellement interdit d’utiliser certaines cibles dans l’objectif de “mettre certains points ou certaines zones à l’abri d’opérations militaires, notamment pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri d’attaques ou de couvrir, favoriser ou gêner des opérations militaires” (article 51). Ces cibles sont les suivantes : les “unités sanitaires”,  les “aéronefs sanitaires”, la présence ou les mouvements de la population civile ou de personnes civiles. En outre, “les Parties au conflit ne doivent pas diriger les mouvements de la population civile ou des personnes civiles pour tenter de mettre des objectifs militaires à l’abri des attaques ou de couvrir des opérations militaires”. Le “statut de civil” rejoint en pratique celui “de non-combattant” (article 37).

Le Protocole II, relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, prévoit seulement que les “personnes privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé” ne pourront être internées ou détenues dans des “lieux […] situés à proximité de la zone de combat” (article 5)

L’utilisation de boucliers humains constitue une violation grave du droit international humanitaire. Le Statut de Rome la qualifie en conséquence de crime de guerre et incrimine spécifiquement “le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée [par le droit international des conflits armés] pour éviter que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires”. Matériellement, l’auteur doit avoir déplacé la victime ou les victimes ou au moins avoir “tiré parti de l’endroit où elles se trouvaient”. Intentionnellement, il devait spécifiquement entendre “mettre un objectif militaire à l’abri d’attaques ou couvrir, favoriser ou gêner des opérations militaires”.

En conclusion, d’une part, cette incrimination des boucliers humains ne s’étend pas aux conflits armés sans “caractère international”. D’autre part, “les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires” sont certes protégés contre les attaques intentionnelles – et les “membres du personnel sanitaire” sont certes spécifiquement protégés contre le meurtre. Mais ils ne sont pas protégés contre l’utilisation comme boucliers sanitaires en tant que telle.

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Mazamet : les enfants de chômeurs ne sont plus prioritaires à la cantine, tollé chez les parents d’élèves concernés

Le maire de Mazamet, Olivier Fabre (Divers droite), a fait passer une nouvelle tarification de la cantine très contestée, avec en outre une restriction liée au manque de place face à la demande : depuis la rentrée, comme l’indique le site de la commune de Mazamet, « compte tenu de la capacité d’accueil de la cantine, la Municipalité sera amenée à prioriser les enfants dont les parents (ou le parent isolé) ont un besoin absolu de garde : activité professionnelle, recherche d’emploi, rendez-vous médical, raisons familiales motivées ». Le maire s’est justifié : faute de pouvoir ou de vouloir pousser les murs des cantines municipales, les élèves dont les parents n’ont pas d’activité professionnelle ne seront plus prioritaires. Selon le juge, cette mesure n’est pas forcément illégale.

L’article L. 131-13 du code de l’éducation est clair a priori : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Cela signifie : 1/ que les communes ne sont pas obligées de créer un service public de restauration scolaire ; 2/ que si elles le créent, elles ne peuvent restreindre l’accès aux enfants en fonction de l’activité professionnelle des parents.

Reste que les modes de vie ont évolué et que la demande d’accès à la cantine s’est généralisée au point que bien des communes voient la capacité d’accueil de leurs cantines dépassée. Doivent-elles agrandir ces cantines pour répondre à la demande ? C’est ce que semble impliquer le Code de l’éducation. Mais le juge en a décidé autrement.

Ainsi, selon le juge administratif, cet article ne fait pas obstacle « à ce que les collectivités territoriales puissent légalement refuser d’y admettre un élève lorsque, à la date de leur décision, la capacité maximale d’accueil de ce service public est atteinte » (CAA Nancy, 9 déc. 2021). Cela signifie que les communes ne sont pas tenues d’agrandir indéfiniment leurs cantines à grands frais et qu’elles ne sauraient non plus accueillir plus d’élèves que la capacité d’accueil ne le permet, car ce serait contraire aux règles de sécurité relatives aux établissements recevant du public, notamment si un accident se produisait (articles 123-1 et 223-1 du Code pénal).

Mais alors, il faut forcément établir des roulements ou des priorités entre les élèves : sur quels critères ? Selon la jurisprudence, « la commune peut établir un ordre de priorité pour lequel la disponibilité sur la pause méridienne de la famille pourrait être prise en compte sans que l’évaluation de cette disponibilité ne se réduise au critère d’activité professionnelle » (CAA Versailles 28 déc. 2012). Concrètement, cela signifie, qu’est légal un règlement qui tient compte de « critères non hiérarchisés » tels que « l’activité professionnelle des deux parents ou du parent dans le cas des familles monoparentales, l’état de santé des parents ou des enfants” etc. En effet, « ces critères ne sont pas exclusivement liés à l’activité professionnelle des parents des enfants mais permettent de répondre à diverses situations répondant à l’objet du service public de la restauration scolaire ». Ils ne méconnaissent pas le principe d’égal accès au service public (CAA Versailles 18 déc. 2014)

Nous ne connaissons pas les termes exacts du règlement d’accès aux cantines municipales de Mazamet, sauf ce qu’indique le site de la commune : plusieurs critères sont apparemment pris en compte, reste à savoir si cela suffirait face à un juge.

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