Chez les Surligneurs : un maire peut-il interdire les portables pour cause de santé publique ?
Les pouvoirs de police d’un maire lui permettent-ils d’interdire l’usage des portables dans l’espace public ? Les Surligneurs vous répondent. Celle semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur la constitutionnalisation de l’IVG et sur la monarchie espagnole.
Le maire de Seine-Port (77) souhaite interdire les téléphones portables dans l’espace public pour des raisons de santé publique.
Le maire de Seine-Port (77) a annoncé qu’il allait interdire les téléphones portables dans l’espace public. Cette proposition a pour but de réduire l’exposition des enfants aux écrans. Indépendamment de l’objectif d’une telle mesure, certes louable, un maire n’a pas ce pouvoir.
En vertu des articles L.2212-1 et L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire est compétent en matière de police générale. Il doit à ce titre veiller à la sécurité, la sûreté, la salubrité (ce qui inclut la santé) et la tranquillité publiques.
Reste qu’il existe d’autres autorités de police dite “spéciale”, c’est-à-dire dédiées à un domaine précis, souvent technique. En matière de communications téléphoniques, il existe deux autorités de police, créées par la loi et qui ont pour mission de veiller à concilier l’exploitation et l’extension des réseaux, avec les impératifs notamment de santé publique : l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et l’Agence nationale des fréquences (ANFR).
Le législateur a créé, à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, une réglementation des communications électroniques, qui relève d’une police spéciale, et a confié cette police à des autorités administratives nationales. Or, le principe est que la police spéciale l’emporte sur la police générale, en l’occurrence celle du maire, qui n’est donc pas compétent en la matière, notamment parce qu’il n’a pas l’expertise dont disposent les autorités nationales spécialisées (CE, ass. 26 octobre 2011).
En somme, si une autorité de l’État est déjà spécialement compétente pour faire la police dans un secteur donné, le maire ne peut en principe intervenir. Toutefois, le Conseil d’État a précisé le 1er juillet 2021 que le maire gardait une possibilité d’intervention au titre de sa police générale, à deux conditions : d’une part en cas de “carence” de l’autorité administrative de l’État ; d’autre part, s’il existe un danger grave et imminent auquel il faut parer très vite.
Le maire de Seine-Port, qui connaît peut-être cette jurisprudence, semble vouloir la contourner en prévoyant de soumettre un projet de charte communale à ses administrés à travers un référendum local en février 2024. Si le projet était approuvé et qu’un arrêté était pris, le préfet, dans l’exercice de sa mission de contrôle de légalité des actes municipaux, pourrait contester cet arrêté devant le juge administratif. Il y a alors fort à parier que ce dernier annulera ce référendum, qui intervient dans un domaine qui ne relève pas de l’action communale.
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Constitutionnalisation de l’IVG : selon Emmanuel Macron : « La liberté des femmes à recourir à l’IVG sera irréversible »
Emmanuel Macron a annoncé souhaiter déposer un projet de révision constitutionnelle pour intégrer, dans la Constitution, la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Déjà légalisée en 1975 par la Loi Veil, l’IVG bénéficierait alors d’une protection renforcée, sans pour autant devenir un droit intangible.
La Constitution française ne peut être révisée que dans le respect d’une procédure fixée à l’article 89. Comme pour une loi ordinaire, le projet ou la proposition de révision doit être voté en des termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Ensuite, et c’est le chemin que semble choisir le Président de la République, le recours au référendum n’est pas obligatoire si l’exécutif est l’initiateur de la révision. Dans une telle hypothèse, députés et les sénateurs doivent approuver à une majorité des trois cinquièmes le projet de révision précédemment voté séparément par chacune des chambres.
Bien que la Constitution soit un texte fondamental, son contenu peut être modifié. Par conséquent, si la liberté de recourir à l’IVG peut y être intégrée, elle peut très bien en être retirée par une révision. Imaginons que, dans les années à venir, une majorité très conservatrice sur les questions d’avortement envisage de « déconstitutionaliser » l’IVG. Il lui suffira d’obtenir une majorité suffisante à l’Assemblée nationale, au Sénat puis au Congrès ou par référendum pour défaire ce qui aura été fait. Ainsi, rien ou presque n’est juridiquement intangible en droit.
À ce stade, le projet de révision prévoit que la liberté de recourir à l’IVG sera intégrée à la Constitution en son article 34 comme suit : “la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.” Il reviendra donc au législateur de fixer les modalités d’exercice de cette liberté. Si tel est son souhait, le législateur pourrait donc limiter la liberté de recourir à l’IVG, et ce, sans violer la Constitution dès lors que cette liberté n’est pas vidée de sa substance.
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La princesse Leonor future reine d’Espagne
Une forêt de téléphones et de drapeaux rouge et jaune s’est dressée devant la mairie de Madrid, sur la place de la Puerta del sol. Le mardi 31 octobre, des écrans géants retranscrivaient la progression de Leonor d’Espagne, allant prêter serment devant les Cortes Generales – le Parlement espagnol.
L’article premier de la Constitution espagnole prévoit que “La forme politique de l’État espagnol est la monarchie parlementaire”. Après l’abdication du roi Juan Carlos le 2 juin 2014, c’est son fils, Felipe VI, qui est monté sur le trône. Il est le “chef de l’État, symbole de son unité et de sa permanence”, selon l’article 56 de la Constitution. Le jour de son couronnement, il a juré de “remplir fidèlement ses fonctions, d’observer et faire observer la Constitution et les lois et de respecter les droits des citoyens et des Communautés autonomes” (article 61). Le même article prévoit que le prince ou la princesse héritière, le jour de sa majorité, fasse le même serment, tout en jurant fidélité au roi.
En 2004, le Roi épousait Letizia Ortiz Rocasolano, avec qui il eut deux filles : Leonor et Sofía. En l’absence de garçon – la primogéniture masculine est toujours en vigueur en Espagne, contrairement à d’autres monarchies européennes comme le Royaume-Uni (article 57 de la Constitution) – c’est la princesse Leonor qui montera sur le trône. Au cours de sa scolarité, elle a reçu une formation dans les trois langues officielles du Royaume : basque, catalan et galicien. Depuis le mois d’août, elle suit un cursus militaire de trois ans, qui la prépare à devenir cheffe des armées, l’une des fonctions qui incombe au monarque (article 62).
Jusqu’à ce mardi 31 octobre, en cas de décès du roi Felipe VI, la reine consort aurait exercé le pouvoir au nom de sa fille, pendant une période de régence, jusqu’à sa majorité (article 60 de la Constitution). Avec cette prestation de serment, comme son père avant elle en 1986, la princesse des Asturies est désormais prête à régner seule sur l’Espagne.
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Référence : AJU400938