Droit de réponse

Publié le 21/06/2022

Notre attention a été appelée sur un article paru sur le site www.actu-juridique.fr le 23 mai 2022. Il me semble utile de pouvoir apporter quelques précisions sur le sujet de l’article, la création du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères connu sous le nom de Viginum et le cadre réglementaire dans lequel s’inscrit son action.

Contrairement à ce qui a été écrit dans l’article, la création de Viginum ne répond pas à un besoin de renforcement des moyens nationaux de cybersécurité. Un tel objectif, par ailleurs pertinent et en cours de mise en œuvre, relève de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

Viginum ne s’intéresse pas au « contenu », c’est-à-dire aux opinions. Viginum n’est donc pas « un service de surveillance de l’information » ni « un arbitre de l’information valable ». Les seules missions qu’il exerce sont celles que me confie le 9° de l’article R* 1132-3 du Code de la défense, c’est-à-dire l’identification des opérations d’origine étrangère visant à diffuser artificiellement des allégations ou des imputations inexactes et trompeuses : Viginum s’intéresse ainsi au seul phénomène de diffusion. L’assemblée générale du Conseil d’État a d’ailleurs constaté le 8 décembre 2021, sur ce sujet, que « ni les opinions ou points de vue exprimés, ni les contenus collectés ne peuvent faire l’objet d’une appréciation ou d’une exploitation à des fins de recherche de manquements ou d’infractions (…). Cette absence de conséquences sur les personnes justifie que le traitement soit autorisé à accéder aux contenus publics (…) ».

S’agissant du rapport du Comité éthique et scientifique, placé à mes côtés pour vérifier que Viginum ne sort pas des règles qui régissent son action, s’il est en effet remis au Premier ministre comme tout rapport administratif, le décret du 13 juillet 2021 prévoit aussi qu’il est rendu public. Le décret du 7 décembre 2021 en impose le contenu. En outre, je suis personnellement redevable de l’ensemble des missions du SGDSN et des services qui lui sont rattachés devant les assemblées parlementaires : celles-ci me convoquent plusieurs fois par an et je prends l’initiative de régulièrement les informer.

Ces dispositions apportent ainsi toute garantie de transparence.

La dernière précision que je souhaiterais apporter est la plus importante. Les auteurs de l’article évoquent un « risque » que l’activité de Viginum pourrait faire craindre pour la liberté d’expression. Crainte paradoxale puisque l’objet de Viginum est au contraire d’éviter la pollution du débat démocratique, en temps d’élection comme en-dehors, par des opérations étrangères malveillantes visant à duper la population. La question est néanmoins légitime. Elle appelle plusieurs réponses :

– La première est que Viginum ne produit pas de discours sur les plateformes en ligne : il se contente de caractériser des manipulations du contenu de ces plateformes. Du point de vue du contenu, son rôle est passif.

– Deuxièmement, la réaction qui peut être apportée par l’État à une manipulation ne relève pas de Viginum. Toute opération caractérisée d’ingérence étrangère est portée à la connaissance des ministères compétents. Après analyse collective, des propositions de réaction sont adressées au Gouvernement. Elles peuvent, par exemple, passer par une démarche diplomatique et/ou par une saisine de la justice. Ce processus est tout à fait clair. La citation du directeur de Viginum reprise dans l’article ne porte en aucun cas sur ce processus mais sur les aspects organiques de la création du service.

– S’agissant du cas particulier des périodes électorales – l’élection présidentielle vient immédiatement à l’esprit– les auteurs évoquent bien le rôle de la justice et de l’ARCOM mais ne mentionnent pas l’essentiel : l’élection présidentielle et la campagne électorale qui la précède se déroulent sous le contrôle de trois garants : le Conseil constitutionnel, juge de l’élection ; la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) qui s’assure du bon déroulement de la campagne ; l’ARCOM qui veille au respect, par les radios et les télévisions, des dispositions de la loi du 30 septembre 1986. Comme le décret du 13 juillet le prévoit, Viginum doit fournir à ces autorités indépendantes pendant la période électorale toute information utile. C’est ce que nous avons fait.

L’assemblée générale du Conseil d’État a ainsi pu conclure que « au regard des finalités poursuivies par le traitement et les modalités qui l’encadrent, l’atteinte à la liberté de communication n’apparait pas excessive, d’autant plus qu’elle doit être mise en balance avec la protection de cette liberté à laquelle concourt le traitement en détectant les manipulations qui peuvent compromettre la libre circulation des idées et des informations ainsi que le débat démocratique. »

En conclusion, au vu des incompréhensions constatées, je mesure l’effort de communication qui reste à mener pour éviter les mésinterprétations sur le rôle tout à fait indispensable que joue désormais Viginum dans la défense de notre démocratie, des intérêts fondamentaux de la Nation et de la liberté d’expression.

https://www.actu-juridique.fr/ntic-medias-presse/viginum-ou-comment-letat-se-dote-dun-outil-pour-lutter-contre-les-ingerences-etrangeres/