Mort de Nahel : L’article L. 435-1 du CSI sur le banc des accusés
L’usage d’armes létales par les policiers en cas de refus d’obtempérer cristallise depuis 6 ans – et l’adoption de la loi du 28 février 2017 – des critiques souvent polarisées rendant les débats sur la question particulièrement complexes et confus. Alors que certains appellent à combattre ce qui est perçu comme une peine de mort infligée à celui qui ne stoppe pas son véhicule, d’autres plaident pour la reconnaissance d’une présomption irréfragable de légitime défense dont bénéficieraient les forces de l’ordre. C’est la mort de Nahel, mineur visé par un policier, qui a relancé le débat alors que pas moins de 13 décès dans des conditions sensiblement équivalentes avaient été dénombrés en 2022. Loin des positionnements politiques plus ou moins démagogiques offerts au grand public, il y a lieu de revenir sur le droit.
Le refus d’obtempérer constitue un délit prévu et sanctionné à l’article L. 233-1 du Code de la route. C’est le fait « pour tout conducteur d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ». Cette infraction fait encourir à son auteur deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
Un policier, confronté à une telle infraction peut faire usage de son arme dans des conditions dont il convient de définir les contours juridiques.
La situation avant la loi de 2017 : un régime distinct pour les policiers et gendarmes
Historiquement, les policiers nationaux et les militaires de la gendarmerie nationale se sont toujours vu appliquer des régimes juridiques différents en ce qui concerne le recours à la force armée. Avant 2017, les seules parenthèses historiques à cette dichotomie étaient intervenues sous le Gouvernement de Laval puis à l’occasion de la Guerre d’Algérie.
1.Le régime juridique applicable aux policiers avant 2017 : la légitime défense
Longtemps, les policiers nationaux ne pouvaient invoquer que la légitime défense de droit commun, prévue à l’article 122-5 du Code pénal.
Les critères de cette dernière avaient le mérite de la clarté : l’immédiateté, la nécessité et la proportionnalité de la riposte.
La force de ce régime était d’exiger explicitement que l’agression soit actuelle et que la riposte soit simultanée.
De plus, il laissait la possibilité au juge de porter une attention particulière à la situation factuelle ayant amené le policier à se servir de son arme.
La jurisprudence, essentiellement fondée sur la casuistique, offrait une certaine souplesse en prenant en compte les circonstances particulières de la riposte, tout comme la proportion de celle-ci au regard des contraintes inhérentes à l’exercice de leurs fonctions et aux sujétions des forces de l’ordre. Cette adaptabilité permise par l’appréciation in concreto des conditions de légitime défense semblait, en définitive, tout à fait appropriée à l’action des forces de police.
Par ailleurs, ce régime paraissait assez protecteur de l’action des policiers. Les praticiens de la matière constatent que la reconnaissance de l’état de légitime défense pour les policiers avant l’unification des régimes était « banale », « la parole du policier bénéficiant généralement d’un surcroît de crédibilité »[1] en raison d’une appréciation adaptable des éléments légaux et leur portée générale assurant aux forces de l’ordre une appréciation pratique de leur cas d’espèce. La jurisprudence et le maigre nombre de condamnations, voire de poursuites judiciaires en la matière, tendaient d’ailleurs à l’illustrer. Les condamnations, symboliques si elles existaient, demeuraient ainsi marginales et donnaient lieu à des peines largement « modérées »[2].
Néanmoins, le régime juridique de la légitime défense est apparu, aux yeux des forces de police, comme trop restrictif et parfois sujet à une interprétation trop incertaine du juge du fond.
Cette appréciation, aussi contestable soit-elle, a trouvé un écho favorable dans un contexte d’augmentation statistique des refus d’obtempérer et au regard du régime spécifique dont bénéficiaient les gendarmes.
2.Le régime juridique spécifique applicable aux gendarmes
Les gendarmes, du fait de leur statut de militaire et de leur compétence géographique étendue, bénéficiaient quant à eux d’un régime juridique particulier de recours à la force armée prévu au terme de l’article L. 2338-3 du Code de la défense.
Plus précisément ici, le 4° de cet article prévoyait notamment la possibilité d’un recours à la force armée. « 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt. ». Si les dispositions de cet article peuvent a priori paraitre bien plus permissives que celles applicables aux policiers, force est de constater qu’elles faisaient l’objet d’un contrôle particulièrement strict et restrictif de la part des juridictions tant nationales qu’européennes.
En réalité, la pratique du texte dont s’agit inscrivait dans le sillon des exigences de la légitime défense classique. La différence de régime n’était, in fine, qu’apparente car « relative au seul encadrement théorique de l’usage de la force armée par les policiers et les gendarmes »[3].
La loi de 2017
Les velléités d’assouplissement des conditions de recours à la force armée des policiers et l’unification des régimes se sont toujours heurtés à des réticences émanant tant des rangs politiques que des policiers eux-mêmes.
Le principal argument justifiant cette dichotomie tenait essentiellement aux caractéristiques du milieu urbain dans lequel les policiers étaient conduits à intervenir et à la potentialité meurtrière accrue qui en résulte. Les gendarmes ont, quant à eux, compétence dans des milieux ruraux où, bien souvent, les renforts potentiels ne peuvent intervenir dans l’immédiat et où l’on constate parfois une certaine perméabilité entre missions de maintien de l’ordre et missions militaires, notamment dans les outre-mer.
À cela s’ajoutaient les arguments relatifs à la formation des policiers, plus lapidaire et bien moins complète que celles des militaires de la Gendarmerie nationale.
Cette dichotomie historique répondait donc aux exigences de la Cour européennes des droits de l’homme et de l’ONU qui insistaient sur l’importance de la formation des agents porteurs d’armes à feu et exigeaient que leur soit dispensée une formation continue, complète, et sanctionnée par une vérification périodique de leurs aptitudes.
En tout état de cause, près d’une demi-douzaine de propositions de lois visant à élargir les conditions de recours à la force armée par les forces de l’ordre avaient été déposées depuis 2012. Toutes s’étaient vues rejetées, notamment en raison du risque d’insécurité juridique qui découlait de l’interprétation de la lettre des textes.
Toutefois, en 2017, l’émotion a eu raison de la réflexion, les faits-divers devenant le symptôme d’un phénomène social appelant à une réplique législative instantanée. Ce furent d’abord les attentats perpétrés sur le sol français d’une ampleur unique puis, la médiatisation de plusieurs faits-divers qui ont permis une réactualisation du débat sur les conditions de la reconnaissance légale de la légitime défense pour les forces de l’ordre. L’attaque violente de plusieurs policiers à Viry-Châtillon a déclenché un émoi et une colère sans précédent dans les rangs des forces de l’ordre. Elles dénonçaient principalement l’ensauvagement de la société et l’absence de cohérence des règles de recours à la force armée face à cette société qui ne craint plus l’uniforme. Cette agression a achevé de cristalliser les sentiments anciens de frustration et de colère des policiers qui n’ont cessé de croître au fil des années. Le dialogue avec le Gouvernement d’alors a sans nul doute été facilité par les menaces de blocage de la circulation de certaines grandes villes ou encore par les manifestations, en tenue et en service, visage masqué, de policiers.
Le législateur, tenu et paralysé par la colère policière syndicaliste, a procédé à la refonte totale du régime de l’usage des armes par les forces de l’ordre, en un temps record, donnant naissance à la création d’un nouveau cadre juridique. Il convient ici de préciser qu’il se sera écoulé à peine deux mois et demi entre la présentation du texte pour première lecture et son entrée en vigueur. Le recours par le Gouvernement à une procédure dite « accélérée » lui a permis en effet de rogner les débats parlementaires dans le cadre de l’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi. Inéluctablement, le recours à cette procédure est venu raccourcir à la fois le temps des débats et le temps de rédaction ce qui aura des conséquences concrètes dans le cas qui nous intéresse. En effet, abréger la procédure de « navette parlementaire » et réduire les délais minimums d’examen des projets et propositions de loi a conduit inévitablement à la promulgation de textes discutables voire réellement chancelants tant sur le fond que sur la forme.
C’est ainsi que sera créé l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure (CSI) qui contient depuis les cinq hypothèses unifiées de recours à la force armée accompagnées de leurs conditions légales.
Le premier alinéa de l’article L. 435-1 du CSI pose deux conditions communes aux cinq hypothèses d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre. Peu importe la conjecture, ce nouveau dispositif légal exige, pour être invocable, un usage subordonné à une absolue nécessité et à une stricte proportionnalité.
Tout comme ce fut le cas pour les gendarmes, la quatrième hypothèse de cet article prévoit que les policiers peuvent désormais faire usage de leurs armes « 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
Autrement dit, c’est ce 4° qui régit le recours à la force armée en matière de refus d’obtempérer.
Article L. 435-1 : constat d’un échec annoncé ?
L’étude d’impact du projet de loi relatif à la sécurité publique avait pour ambition de justifier le recours à la loi pour permettre aux forces de l’ordre « [d’] être juridiquement plus assurées lorsqu’elles ont à faire usage de leurs armes. »[4].
Statistiquement, il semblerait que l’objectif ne soit pas tenu. Juridiquement, la simple lecture du texte, au regard de sa complexité et de son imprécision permet de douter de l’efficacité du dispositif.
1.Un échec statistique et sociologique
L’année 2022 fut marqué par une explosion du nombre de morts sous les balles des forces de l’ordre confrontées à l’infraction de « refus d’obtempérer ».
L’IGPN, dans son rapport annuel de 2017 précisait que 60% des usages d’armes à feu correspondent à des tirs sur véhicules. L’impact de la loi s’est ressenti immédiatement puisque le nombre de tirs en cas de refus d’obtempérer a augmenté de 47 % (137 en 2016, 202 en 2017). Après un nouveau pic important en 2018 (170 tirs), la situation s’est stabilisée les années suivantes : en 2021, ce sont 157 tirs sur les 290 tirs recensés qui étaient dirigés à l’encontre de véhicules.
Globalement sur 10 ans, le nombre de tirs a augmenté d’environ 30 %.
La plus grande source d’inquiétude vient du nombre de morts recensés des suites d’un tir par balle consécutif à un refus d’obtempérer. En 2021 on dénombrait 2 morts là où ce ne sont pas moins de 13 morts qui furent recensés en 2022. Entre 2007 et 2016 (9 ans), 17 morts ont été recensés contre 32 morts entre 2017 et 2022 (5 ans). L’impact de la loi sur cette statistique semble très net.
La réalité des chiffres est d’autant plus cruelle au regard de ceux qui concernent les gendarmes : alors qu’ils sont proportionnellement exposés au même nombre de refus d’obtempérer que les policiers, le nombre de tirs mortels n’a pas augmenté corrélativement.
Ces chiffres ont donné lieu à plusieurs études. Celle réalisée par les chercheurs Sebastian ROCHÉ (Directeur de recherche au CNRS), Paul LE DERFF (doctorant en science politique) et Simon VARAINE (Docteur en science politique et chercheur) portant sur les tirs de policiers dirigés contre des occupants de véhicules en mouvement conclut que « la loi de 2017 a eu pour effet de plus fréquentes atteintes à la vie des citoyens par la police », concrètement, une multiplication par 5[5].
Ces résultats ont poussé Madame Claire HÉDON, Défenseure des droits, à s’autosaisir en juin 2022 de trois dossiers en se questionnant notamment sur « les conditions d’encadrement et de formation qui ont généré de tels comportements, autant que la façon dont sont enseignés les textes en vigueur ».
D’un point de vue sociologique, il a été constaté que cette nouvelle prérogative de recours à la force armée accordée aux policiers a conduit à une véritable mutation de la figure de victime, ce que Vanessa CODACCIONI qualifie de « conséquence de la mutation des représentations classiques de l’usage défensif de la force létale »[6].
Il est ainsi aisément possible de constater, comme ce fut le cas pour le jeune Nahel, une tendance à la criminalisation systématique du conducteur du véhicule. Concrètement, cela consiste à aggraver « la dangerosité de certains individus pour les rendre « tuables » »[7]. Cette légitimation de l’usage de la force létale passe également par le fait de « modifier les comportements de cette partie de la population « insécurisée » et réussir à engendrer chez elle des formes d’autoprotection violentes »[8]. En conséquence, « la réaction qu’ils entendent susciter suppose alors la banalisation du rapport aux armes », la violence incitant à la violence[9].
Ce bouleversement de la notion de victime est régulièrement opéré par certains représentants syndicaux dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Il en va de même de certains représentants politiques.
Au regard de ce qui précède, force est de constater que le dispositif nouveau ne semble pas opportun au regard de la mortalité qui en découle. Il semble être source d’insécurité pour le public mais apparait également comme peu ou pas efficace au regard de l’accroissement constant du nombre de refus d’obtempérer.
On ajoutera que l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieur ne semble pas davantage protecteur des policiers dont certains demeurent mis en cause, tant par la justice que par une partie de l’opinion publique.
2.Un texte particulièrement lacunaire
D’un point de vue juridique, le texte est incontestablement lacunaire.
Pour rappel, les policiers nationaux et les gendarmes peuvent indistinctement, depuis 2017, faire usage de leurs armes da manière strictement proportionnée.
En premier lieu, précisons que si la commission des lois du Sénat approuvait une telle disposition, c’était uniquement parce qu’elle était destinée à arrêter des « braqueurs ou terroristes en fuite » ou encore « un véhicule dont les occupants exhiberaient une kalachnikov »[10] et non pas pour « arrêter avec des armes le véhicule d’une personne qui fuit un contrôle d’alcoolémie. ». Le texte initial étant subordonné à des « raisons réelles et objectives », il s’agissait par exemple d’appréhender « le refus de s’arrêter de personnes armées de façon ostensible »[11]. Six ans plus tard, force est de constater que l’esprit du texte s’est véritablement vu perverti.
En tout état de cause, le texte, aussi dévoyé qu’il soit aujourd’hui, fait de la proportionnalité un critère déterminant. Or, se rédaction ne permet pas véritablement de déterminer ce à quoi le recours à la force armée doit être strictement proportionné.
Selon l’article L. 435-1 du CSI, le recours à la force armée dans l’hypothèse du refus d’obtempérer est donc conditionné à l’infraction qu’est « susceptible de perpétrer » l’individu. Le manque de précision de cette formule est incontestable. Il ouvre indiscutablement la voie à l’interprétation selon laquelle la notion de proportionnalité semble désormais devoir s’apprécier en raison de l’intensité du danger encouru et non plus au regard des moyens employés.
Ainsi, la marge d’appréciation accordée aux agents apparait bien trop vaste pour assurer une sécurité juridique satisfaisante (NDLR : une position partagée par le commissaire divisionnaire honoraire Julien Sapori).
On voit également ici que l’on s’éloigne de la notion de la légitime défense puisque le recours à la force armée ne s’apparente plus à un acte de riposte dès lors qu’il est envisageable même à l’encontre d’un fuyard dans la perspective de maintenir une opportunité d’interpellation.
En conséquence, les perceptions (et déclarations) totalement subjectives du tireur deviennent de véritables « éléments constitutifs » de l’exonération. En pratique, il est laborieux d’imaginer dans quelle mesure la perception ou « le sentiment de peur supposément ressenti par celui qui a fait usage de son arme »[12] pourra faire l’objet à la fois d’un débat contradictoire et d’éléments probatoires contraires (sauf à imposer le port de caméras piétons ?). Le critère de réalité de l’agression ou de la menace devient également inopérant dans ce nouveau dispositif qui peut désormais admettre qu’une erreur d’appréciation d’un agent justifie une atteinte à la vie. Le recours à la force possiblement létale est donc désormais conditionné à ce que Fabien JOBARD désigne comme « conditions situationnelles du passage à l’acte »[13], lesquelles comprennent des caractéristiques propres à l’agent, (expérience sur le terrain, …) et des caractéristiques environnementales et conjoncturelles (équipement, …). Il est véritablement regrettable que cet article ne prévoit qu’une condition hypothétique en ce que les FDO doivent croire que les occupants du véhicule « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui » sans exiger que cette menace soit objectivée, « par des éléments réels et suffisamment probants »[14].
Cette situation, faisant la part belle à une forme certaine de subjectivité, avait pourtant été anticipée puisque le projet de loi préconisait, à l’origine, la référence au terme « imminent ». Toutefois, le rapporteur n’avait pas retenu cet adjectif (imminent) en raison du fait qu’il ne pouvait, selon lui, être défini. On notera pourtant que cette notion est loin d’être inconnue des juristes…
Ce manque de précision du cadre légal de recours à la force armée (qui concerne d’ailleurs les 5 hypothèses de l’article) est d’autant plus surprenant au regard de l’environnement législatif et jurisprudentiel européen.
En effet, la Cour européenne des Droits de l’Homme a pu préciser que les dépositaires de l’autorité publique «disposent d’un cadre juridique adéquat fixant des recommandations et des critères clairs concernant le recours à la force »[15]. Des pays voisins encadrent plus strictement le recours aux armes tels que la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse qui imposent une prise en compte des risques environnants. Ce point est loin d’être anodin lorsque l’on sait que parmi les victimes des tirs mortels en France, on dénombre plusieurs passagers qui n’avaient strictement rien à se reprocher.
Au total, l’article L. 435-1 du CSI est particulièrement lacunaire et échoue définitivement à remplir les objectifs que s’était officiellement fixé le législateur.
Conclusion
Statistiquement, il semblerait que l’apport de la loi de 2017 soit d’avoir engendré une hausse des décès sans que puisse lui être associée une baisse de la délinquance et un surcroit d’efficacité en termes d’interpellation.
Juridiquement, le texte n’est pas clair en livrant les policiers à une forme excessive de subjectivité particulièrement incompatible avec la notion de sécurité juridique – pour ne pas dire de sécurité tout court.
Ce bilan n’étonnera personne tant au regard du contexte qui a conduit son adoption qu’au regard des arguments avancés pour le faire adopter – la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
Au-delà du pur débat statistico-juridique, il faut bien noter que la législation ne peut compenser, en se montrant illégitimement plus permissive, le manque de moyens à disposition des forces de l’ordre qui se trouvent objectivement dépourvues d’effectifs, de formation et matériel suffisant.
La Cour européenne des droits de l’Homme a notamment rappelé à la Belgique qu’il incombait aux États parties à la Convention l’obligation de « disposer d’un cadre juridique et administratif pertinent et celle de former les agents de la répression »[16].
Sur ce point, tout le monde sera d’accord : policiers, gendarmes, opinion publique.
Curieusement, la piste des moyens et plus particulièrement celle de la formation peine à faire sa place dans les débats parlementaires et gouvernementaux…
[1] BRENGARTH. V et VILLETARD. J., Légitime défense des forces de l’ordre : un droit menacé par le populisme juridique ?, Village-justice. Publié le 3 juin 2022.
[2] KLÈS. V., Rapport n°453 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. Louis NÈGRE, Pierre CHARON et plusieurs de leurs collègues, visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l’usage des armes à feu, enregistré à la présidence du Sénat le 27 mars 2013
[3] BERNARDINI. R., Légitime défense, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, octobre 2017
[4] Étude d’impact portant sur le projet de loi relatif à la sécurité publique, 20 décembre 2016. p. 5
[5] ROCHÉ. S., LE DERFF. P., et VARAINE. S., Homicides policiers et refus d’obtempérer – la loi a-t-elle rendu les policiers irresponsables ?, Revue Esprit, septembre 2022 et HALISSAT. I., et LEBOUCQ. F., « refus d’obtempérer » – Tirs policiers mortels : une étude atteste du danger de l’assouplissement de l’usage des armes, Libération, 23 septembre 2022. Consulté le 15 novembre 2022
[6] CODACCIONI. V., La légitime défense – Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières, CNRS Éditions, Paris, 2018. p. 94
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] François GROSDIDIER, rapporteur, devant le Sénat et l’Assemblée nationale
[11] GROSDIDIER. F., Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi relatif à la sécurité publique (procédure accélérée), n°309, enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2017. p. 98
[12] CODACCIONI. V., La légitime défense – Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières, CNRS Éditions, Paris, 2018. p. 169
[13] JOBARD. F., Bavures policières ? La force publique et ses usages, Paris, Éditions La Découverte, 2002. p. 235
[14] DEBOVES. F., 12 hommes en colère – Au sujet des armes à feu par les forces de l’ordre, Chronique de déontologie de la sécurité n°6, AJ Pénal 2023. p. 52
[15] Cour. EDH., [GC], Makaratzis contre Grèce, req. n°50385/99, 20 décembre 2004
[16] Cour. EDH., 2ème sect., Tekin et Arslan c. Belgique, req. n°37795/13, 5 septembre 2017
Référence : AJU385289