Simplification de la procédure pénale : annulons les nullités ?
Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a présenté le 5 janvier dernier son plan d’action pour la justice issu des États généraux. Dans ce cadre, Valérie-Odile Dervieux, déléguée régionale Unité Magistrats SNM FO, a des suggestions à faire au comité scientifique en charge de la simplification de la procédure pénale. Premier volet de cette série à suivre sur Actu-Juridique : les nullités.
Le régime des nullités en procédure pénale est fondé sur l’adage : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté » (Rudolf von Jhering).
Il vise à garantir le respect des principes généraux du droit, des règles conventionnelles et des lois.
Force est de constater que la qualité de la légistique, la complexité des textes et l’évolution du droit positif, a transformé ce principe en symbole des « chausses trappes procédurales » bien éloignées de la vision du juriste prussien.
Les médias et la presse spécialisée se font d’ailleurs l’écho quasi quotidien de procédures pénales, souvent en lien avec la grande délinquance, qui « tombent » suite à des « nullités » suscitant l’incompréhension du citoyen, l’irritation des enquêteurs, la déception des victimes et le sentiment partagé d’un immense gâchis.
Truc qui cloche » ?
Certains avocats sont spécialisés – on ne saurait le leur reprocher – en la matière.
Ils exploitent une mine (à tous les sens du terme) dont les diamants permettent d’envisager de ne jamais « aller au fond » (devant une juridiction de jugement), voire le plus tard possible ce qui permet, dans une sorte de mise en abime de l’argumentaire, de relever in fine la « durée déraisonnable » de la procédure ….
Nullitator
Certains en font un guide/site aux rééditions/mises à jour assurées, telle une série de NETFLIX au titre en forme d’hommage.
Vade mecum
La complexité croissante du process a d’ailleurs amené la chambre criminelles de la Cour de cassation à formaliser un vademecum du recours en nullité dans 2 arrêts du 7 septembre 2021[1]
Repenser le régime des nullités
L’atelier « simplification de la procédure pénale » dans ses travaux restitués au comité des Etats généraux a d’ailleurs jugé « indispensable de repenser le régime des nullités »[2] en proposant des pistes de réflexion visant à maitriser « l’extension du domaine de la lutte » en:
*réduisant les délais pour soulever une nullité durant l’instruction préparatoire
*limitant les fenêtres de tir, c’est-à-dire les moments pour former une requête en nullité,
*proposant une « mise en état » pour éviter que ne soient invoquées , devant la juridiction de jugement, des nullités .
D’autres pistes, de fond et de forme, sont envisageables et notamment la règle « pas de nullité sans grief démontré ».
L’enjeu est de taille : il s’agit de sécuriser et de rééquilibrer la procédure pénale.
En l’état, le projet de procédure pénale en cours d’étude à la chancellerie, ne parait pas aborder le sujet[3].
Gageons que le comité scientifique mis en place pour « simplifier la procédure pénale » saura s’emparer rapidement de cet item également indispensable pour restaurer la confiance.
[1] Crim. 7 sept. 2021, FS-B, n° 20-87.191 . Crim. 7 sept. 2021, FS-B, n° 21-80.642
[2] www.justice.gouv.fr/art_pix/egj_doc6_rapport_justice_penale.pdf : p3
[3] Réforme du Code de procédure pénale: ce que contient le projet de loi, Le Figaro 6 fev 22
Prochain épisode : « Maîtriser » les délais
Référence : AJU351219