Tribunal de Pontoise : « Je ne vais pas tourner autour du pot, je vais requérir la relaxe »
Parfois, un dossier passe entre les mailles de la procédure et se faufile jusqu’à l’audience, alors que les charges ne permettent à l’évidence pas de condamner le mis en cause. Le tribunal de Pontoise, mardi 4 janvier, a connu un dossier de ce type.
La petite dame énergique qui sautille jusqu’à la barre s’appelle Jacqueline. Il y a un peu plus d’un an, le 25 octobre 2020, Jacqueline a été victime d’un vol avec effraction, à son domicile d’Osny, où elle vit avec son mari. Ce n’est pas que Jacqueline soit fortunée, mais à 79 ans, elle a accumulé quelques biens, hérité de bijoux de famille qu’elle transmettra à son tour ; elle a constitué un petit patrimoine mobilier qui pourrait susciter la convoitise de cupides malfaiteurs qui n’hésitent déjà plus à prendre des risques démesurés pour un gain dérisoire.
Heureusement pour Jacqueline, les cambrioleurs n’ont emporté que deux objets de peu de prix. Un pistolet dédié à la pratique de l’Airsoft, et une arme de collection sans valeur pécuniaire, démilitarisée, fabriquée dans les années 30. Cette dernière trônait dans un cadre orné de dorures, qui en lui-même avait au moins autant d’intérêt que la vieille pétoire.
A côté de Jacqueline, se trouve le prévenu, dont les empreintes digitales ont été retrouvées sur le cadre. A côté du prévenu, se trouve le petit-fils de Jacqueline, un grand brun aux cheveux courts qui fait des études.
Le petit-fils de Jacqueline connaît bien le prévenu, car c’est son ami. Jacqueline le dit au président : « Je le connais aussi pour l’avoir déjà vu. Il est très gentil, bien éduqué, très serviable. » Le concerné fait un pas en avant. D’une voix grave et polie, il remercie Jacqueline d’être venue, puis prend place derrière le micro. Il explique : « Ces empreintes remontent à une soirée du nouvel an 2016-2017, qui avait été organisée par mon ami chez sa grand-mère. » Jacqueline poursuit : « On avait mis tous les objets de valeur dans une pièce fermée à clef, le bureau de mon mari. » Le lendemain, Alexandre et quelques-uns aident à ranger la maison. Jacqueline confirme l’avoir rencontré à cette occasion.
Personne ne peut le soutenir avec certitude, mais il apparaît évident qu’Alexandre est celui qui a remis le cadre au mur, et laissé ainsi ses empreintes. Comme personne ne le touche jamais, elles auraient pu y rester encore longtemps.
Jacqueline ne sait toujours pas pourquoi des cambrioleurs lui ont volé ces deux reliques sans intérêt. Elle ne comprend pas non plus pourquoi la justice s’est obstinée à poursuivre Alexandre, honnête boucher qui, de son propre aveu, est étranger au monde de la justice, dont il se méfie, pour lui préférer celui de la bidoche. Il se tient respectueusement à la disposition du tribunal, mais vraiment, il ne comprend pas ce qu’il fait ici.
Le président semble amusé. Il pose quelques questions pour la forme ; pour comprendre comment cette affaire a pu arriver jusqu’à son audience. Les yeux se tournent alors vers celle qui devrait avoir la réponse à ces questions. Mais la procureure, imperturbable, se lève tranquillement et dit : « Je ne vais pas tourner autour du pot, je vais requérir la relaxe. »
Pas d’avocat en défense, rien à ajouter. Tous les visages sont détendus. Mais Alexandre a dû patienter 30 minutes, car le tribunal a pris le temps de délibérer sur un autre dossier. Puis il a entendu : « Le tribunal vous relaxe ». Mine de rien, ça lui a enlevé un poids.
Référence : AJU275547