Un surveillant pénitentiaire de Fresnes jugé pour corruption et trafic de cocaïne
Mise en cause de l’institution pénitentiaire, corruption, trafic de cocaïne… que fait une telle affaire en procédure de comparution immédiate ?
Pour changer, ce n’est pas le tribunal de Créteil qui expédie un condamné à Fresnes, mais un surveillant de cet établissement qui se retrouve dans le box des prévenus. Monsieur B. est la star de cette audience correctionnelle du 15 janvier, celui pour lequel les journalistes se sont déplacés.
Il comparaît pour acquisition, détention, cession de cannabis et de cocaïne. Mais aussi pour corruption passive : grâce à ses fonctions, en échange d’une rémunération et de stupéfiants, il a remis à un détenu de la cocaïne, du cannabis, de l’alcool, de la viande et un téléphone portable. Des chefs de prévention lourds sur une période longue : deux ans.
Monsieur B. est né à Saint-Denis de la Réunion, il était jusqu’à peu domicilié à Fresnes, dans les appartements de la prison, mais il a dû déménager, « depuis l’incident », explique-t-il.
Un détenu, Monsieur R., 38 ans, qui purgeait une petite peine et devait sortir dans un mois, comparaît aux côtés du surveillant pour trafic de cannabis détention, recèle d’un téléphone interdit en détention, complicité de corruption.
Le renvoi s’impose
Le surveillant risque 10 ans de prison et on peut s’étonner qu’une telle affaire soit examinée en comparution immédiate. Cette orientation appartient au parquet, souligne la présidente. « Cependant, compte-tenu du déroulement de l’audience et de toutes les investigations qui ont été faites, il semble impossible d’aborder le dossier dans de bonnes conditions et de manière sereine. La question d’un renvoi se pose, et même s’impose. » S’adressant au surveillant :
« —Acceptez-vous d’être jugé aujourd’hui ?
—Le mois prochain.
—Le mois prochain ! Eh bien d’accord… De toute façon, il faut renvoyer entre deux et six semaines. Avec l’objectif d’organiser au mieux votre défense. »
L’autre prévenu préfèrerait être jugé tout de suite.
Pour prendre sa décision, la magistrate examine leur personnalité. Le surveillant est marié, deux enfants, sa conjointe est enceinte. Il consomme deux joints par jour. Il a été condamné à 3 mois avec sursis pour violence en réunion, 6 mois avec sursis pour violence sur conjointe, et 8 000 € d’amende pour le même motif.
L’autre affiche un casier ponctué de petits délits : un vol par escalade, un refus d’obtempérer, surtout plusieurs conduites sans permis ou avec usage de stupéfiants. A partir de 2018, les premières peines de prison ferme tombent. Et le voilà qui se retrouve mêlé aux trafics de Fresnes, et qui tombe avec le surveillant, dont la justice risque bien de vouloir faire un exemple…
Pris dans un engrenage
L’avocate de la permanence pénale qui défend le surveillant se lance pour lui éviter la détention provisoire en cas de renvoi.
« C’est un dossier inhabituel, désagréable parce qu’il met en cause une institution. Mais j’ai le sentiment que c’est un éléphant qui accouche d’une souri : j’ai un homme abîmé par la vie, conscient de sa situation, qui ne cherche pas à échapper à sa responsabilité. Il insiste sur sa toxicomanie, il a besoin d’aide. Il s’est laissé prendre dans cet engrenage, exclusivement pour assouvir cette toxicomanie. Il s’est laissé dépasser par la situation. Du reste rien n’a permis de démontrer l’importance des sommes qu’il aurait perçues… »
L’avocate de Monsieur R., le détenu, tente de dégager le sort de son client de celui du surveillant. « Monsieur reconnaît les faits. Il n’est pas le bénéficiaire de la corruption. Il devait sortir dans un mois… »
Fleury
L’affaire est renvoyée au 23 février 2021. Les deux hommes sont maintenus en détention provisoire. En revanche, le surveillant sera transféré. « En raison de votre carrière professionnelle, du risque de concertation, il serait préférable que vous soyez en détention à Fleury plutôt qu’à Fresnes… ». En effet….
Référence : AJU166967